http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: L'âge de l'Eglise de Pergame 9

samedi 28 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 9

Le clergé régulier ou l’antinicolaïsme.

Le clergé régulier ne naît pas spontanément comme une réponse au nicolaïsme, il est le résultat d’une évolution de plusieurs siècles. Étymologiquement, le moine est celui qui vit seul, isolé, retiré de tout commerce avec le reste de l'humanité ; c'est un ermite, un anachorète qui place toute son existence sous le signe de la prière et du service de Dieu. Il trouve son origine dans la mise en application d'une parole de Jésus : Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Le protomonachisme (du grec protos, « premier », et monachos « solitaire », « célibataire ») naît au IIIe siècle en Égypte où se développe essentiellement un érémitisme dans le désert, trouvant probablement son origine dans des communautés réfugiées dans le désert au temps de la persécution de Dioclétien. Il se développe également en Syrie et en Mésopotamie araméophones où le monachisme communautaire est plus urbain ou villageois. Le monachisme connaît un véritable premier essor au IVe siècle. Certains chrétiens se réfugient dans le « désert » pour échapper au monde, mais aussi pour s'opposer au pouvoir des potentats locaux tel Siméon le Stylite (392-459), qui vécut plusieurs décennies sur une colonne en Syrie. Petit à petit, certains d’entre eux, tels qu’Antoine (251-356), rassemblent des disciples autour d’eux, et forment des communautés de semi-anachorètes (ermites). Pacôme le Grand (286-346) fonde des communautés cénobites (du grec koinos bios, « vie commune »), avec un supérieur à leur tête. Ces moines joueront un grand rôle dans la lutte contre le paganisme. Comme ils voyagent beaucoup (moines gyrovagues), ils exercent une grande influence sur l’opinion publique. Par leur ascétisme et leur mépris du monde, ils constituent un idéal de vie pour le peuple et sont considérés comme les médiateurs par excellence avec Dieu, surtout que par certains moines célèbres s’opéraient de nombreux miracles. Les moines sont d’autant plus respectés que le prestige du clergé séculier est bas et se dégrade constamment.

Cependant, il ne faut pas considérer les premiers moines chrétiens comme ceux d’aujourd’hui, car à terme le clergé régulier sera aussi rattrapé par l’adversaire qui en modifiera la structure et la mentalité religieuse, pervertissant en cela ce qui motiva sa venue. Dans le vocabulaire courant, le terme de 'moine' a pris une autre signification ; il désigne tous les ascètes qui se séparent de l'ensemble de l'humanité, même s'ils vivent en communauté fraternelle avec d'autres qui ont choisi le même style de vie consacrée à Dieu dans une quasi mortification. La séparation d’avec les laïcs, stérilise alors l’action des moines, c’est comme si le diable les avait isolé comme des virus et mis en quarantaine religieuse. Si Satan a agi ainsi, c’est que beaucoup de ces premiers moines vivaient comme de vrais saints et étaient perçus comme tels.

Le monachisme chrétien prend un essor considérable au quatrième siècle, comme une réponse à la sécularisation des évêques. Le moine sera donc le dernier reste parmi les clercs à conserver la flamme de l’Esprit Saint allumée. L'idéal de vie monastique entre dans l'histoire avec celui qui allait devenir Antoine d’Égypte (251-356), « le père des moines ». Athanase d'Alexandrie dressera sa biographie quelques années seulement après la mort d'Antoine, qui mourut plus que centenaire, en 356. Athanase présente Antoine comme un paysan égyptien de condition modeste, qui, alors qu'il était encore un homme jeune venant d'hériter de quelques biens, entra dans une église et y entendit cette parole : Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi. Chrétien de naissance et déjà pieux, il sortit de cette église et obéit sur-le-champ à cette parole de Jésus-Christ. Puis il se retire dans le désert, en prenant au sérieux le conseil de l'évangile ; il ne sortit que deux fois de son 'désert' pour se rendre à Alexandrie, une première fois pour soutenir les chrétiens persécutés sous Dioclétien - s'exposant ainsi lui-même au martyre - et une seconde fois pour soutenir la hiérarchie alexandrine en butte à la campagne arienne. Dans son désert, il devait mener une vie héroïque, faite de renoncement à lui-même, beaucoup plus que de renoncement aux conditions de confort ou de nourriture ; l'idéal qu'il développe réside dans la maîtrise de ses propres passions, en luttant contre toutes les formes du mal, car le désert apparaît très vite comme le lieu de la tentation suprême. Pour résister, le moine Antoine ne peut que s'en remettre aux conseils évangéliques qu'il veut réaliser dans leur littéralité même, et vivre dans la plus grande ascèse. Mais, pour le moine chrétien, l'ascèse n'est pas et ne sera jamais un but à atteindre, mais une préparation à la rencontre de Dieu, dans une expérience de prière et de méditation de l'Écriture. Si le moine se retire du monde, il ne se sépare pas de la vie de l'Église ; la sainteté à laquelle il aspire lui procure un rayonnement tel que les foules viennent le visiter, afin d'obtenir de lui des conseils, des secours dans la prière et parfois même des guérisons corporelles. La sainteté est contagieuse... et rapidement des hommes viennent s'installer aux côtés d'Antoine pour imiter son style de vie et pour rayonner l'idéal qu'il propose dans l'ensemble de l'Église. Ainsi, du vivant même d'Antoine, le monachisme va se répandre, en prenant des formes très diverses.

Le style de vie adopté par les disciples d’Antoine comportait des dangers d'ordre spirituel, puisqu'il pouvait favoriser un très grand individualisme, ou d'ordre purement matériel, quand le nombre de moines réunis autour d'un ancien devenait trop élevé. C'est Pacôme de Tabennèse (292-346) qui sera à l'origine d'une nouvelle forme de vie monastique, en insistant davantage sur l'aspect de la vie communautaire : le cénobitisme. La communauté reçoit de son fondateur une structure, une règle, qui lui permet de rythmer sa vie selon les conseils évangéliques et selon la spiritualité particulière de son fondateur ; cette communauté s'organise pour assurer sa propre subsistance, en utilisant les capacités propres à chacun des moines.

L'Occident romain allait découvrir le monachisme, d'une part au cours des exils d'Athanase d'Alexandrie, et d'autre part grâce à Jérôme de Stridon (347-420), qui après quelques années de désert, était venu se fixer auprès du pape Damase. Il fit connaître à l'Église romaine l'idéal monastique et ascétique, non sans que cette découverte ne suscite des réticences et des polémiques. Jérôme dut quitter Rome et il se retira en Palestine, à Bethléem, en demeurant lié à une communauté de femmes décidées à vivre elles aussi selon l'esprit monastique. Durant les 34 dernières années de sa vie, Jérôme se consacre à composer un texte latin de l'ancien et du Nouveau Testament qui soit plus fidèle aux manuscrits originaux grecs et hébreux. Sa traduction de la Bible constitue la pièce maîtresse de la Vulgate. Cette mise à l'écart de Jérôme n'empêcha pas le monachisme de se propager dans tout l'Occident, puisque Martin de Tours fonda, lui aussi, une communauté monastique, en Gaule, à Ligugé.

Benoît de Nursie (480-547), plus connu sous le nom de « saint Benoît » pour les catholiques et les orthodoxes, est le fondateur de l'ordre bénédictin et a largement inspiré le monachisme occidental ultérieur. Il est considéré par les catholiques et les orthodoxes comme le patriarche des moines d'Occident, à cause de sa Règle qui a eu un impact majeur sur le monachisme occidental et même sur la civilisation européenne médiévale. Benoît était issu d'une famille noble romaine chrétienne qui le nomme Benoît, prénom chrétien signifiant bénédiction. Ses parents l’envoient  étudier à Rome, qui était alors encore une ville importante. La vie romaine choque rapidement Benoît, qui décide de fuir afin de pouvoir se consacrer entièrement à la Bible. Le motif de son départ est la peur de « tomber dans l'abîme des vices » de l'ambition et de la sensualité. Su fuite le conduira dans le désert à Subiaco, pour y mener une vie érémitique. Dans le récit de Grégoire le Grand, Benoît ne part plus pour fuir le vice, mais « plus avide de souffrir les maux de ce monde que de jouir de ses louanges, d'endurer les travaux pour Dieu plutôt que de s'élever par les faveurs de la vie ». Pendant trois ans il vivra isolé dans une grotte, nourri juste par des clercs du lieu. Alors qu'il vit retiré dans sa grotte, de nombreuses personnes décident de le suivre et veulent mener la même vie que lui. Il quitte sa grotte et décide de s'installer à Subiaco avec ses disciples. Il répartit les moines par maisons, qui ne peuvent pas avoir plus de douze habitants. Dès que ce nombre est atteint, une nouvelle maison est fondée. Benoît insiste sur la nécessité de l'humilité plutôt que sur les mortifications.

Sa piété et sa renommée attirent de plus en plus de personnes auprès de Benoît, au point qu'un des prêtres de la région, Florentius, jaloux de son influence, cherche à en diminuer l'éclat : il calomnie Benoît, puis interdit à ses paroissiens d'aller le voir. Afin de tenter de réduire son influence, il envoie des femmes païennes nues danser aux abords des monastères afin d'accuser les moines. Florentius envoie enfin un pain bénit empoisonné à Benoît, pratique traditionnelle appelée l'eulogie. Benoît qui a apprivoisé un corbeau, propose le pain au corbeau, qui refuse de le prendre. Devant l'hostilité de Florentius, Benoît décide de partir et de quitter Subiaco avec quelques moines, laissant au frère Maur la charge des moines restants. Au moment de son départ, Benoît apprend le décès subit du père Florentius, et pleure pour son ennemi. Il ne change pas de décision et décide quand même de quitter les lieux. Cet épisode de sa vie souligne la profonde différence qui existait entre le clergé séculier et régulier.

Benoît et ses compagnons partent en direction du Sud, dans une région plus aride et alors moins chrétienne pour s'installer au lieu-dit Cassino, le Mont Cassin, d’où les moines partent pour prêcher aux habitants des alentours afin de favoriser la diffusion du christianisme. Le bois où ils habitaient faisait l'objet de culte et dévotions aux anciens dieux et où il y avait aussi un ancien temple d'Apollon et de Jupiter. Lors de la construction de leur abbaye, des murs s'effondrèrent à plusieurs reprises. Des manifestations démoniaques se produisent, selon la biographie de Benoît, et c'est après la découverte et la destruction des idoles trouvées sur place que ces manifestations disparaissent. Avec les anciennes pierres des temples, les moines élèvent une chapelle dédiée à Martin de Tours.

Benoît organise progressivement la vie des moines, donnant naissance à la Règle bénédictine. Il insiste pour que la vie des moines soit tournée vers Dieu : « Qu'on ne mette rien, absolument rien, avant le Christ qui daigne nous conduire à la vie éternelle ». C'est là qu'il entreprend la construction du futur berceau de l'ordre bénédictin. Astreints à la lecture et au travail manuel, les moines doivent se consacrer au service de Dieu qui culmine dans l'office divin. Ainsi les trois pôles de la vie monastique, la prière, le travail, et la lecture, deviennent un moyen pour se consacrer au service de Dieu. D'où la célèbre devise bénédictine, qui n'apparaît pourtant pas dans la Règle : Ora et labora (prie et travaille, en latin). Cette vie monacale est l’antithèse parfaite du clergé séculier et fixe désormais par des règles précises un style de vie chrétienne, qui forme le clergé régulier. La Règle bénédictine aura une influence considérable sur le monachisme en Occident et dans le monde, ainsi que sur toute la vie intellectuelle du christianisme. Mais le renouveau chrétien du haut Moyen Âge ne sera pas l’œuvre des bénédictins, qui déclineront même pendant un certain temps avant de retrouver une certaine influence religieuse.

A cause des invasions et des guerres en Italie, l’abbaye du Mont Cassin est pillée, saccagée et brûlée en 589 par les Lombards du duc Zotton de Bénévent, un païen. On mentionne 80 moines mis à mort par les Lombards pour avoir refusé d'adorer une tête de chèvre et manger des chairs consacrées aux dieux germaniques. La plupart des moines qui purent échapper au massacre se réfugièrent à Rome où le patriarche Pélage leur permit de bâtir un monastère près de Saint-Jean de Latran. Désormais la tête et le corps de l'ordre se tinrent à Rome pendant 130 ans, devenant un outil religieux entre les mains du clergé séculier romain qui voit là un excellent moyen de restaurer son image vacillante. Ce n’est donc pas les moines bénédictins soumis au clergé séculier de Rome qui restaureront l’image du Christ dans la chrétienté occidentale. Cela viendra d’un groupe de moines très détaché d’un clergé désormais totalement fondu dans le monde.

Le christianisme celtique.

La fin de l'Empire romain et le début du haut Moyen Âge virent une diminution importante de la population et la taille des villes se réduisit fortement. Rome passa ainsi de près d'un million d'habitants au IIIe siècle à environ 30 000 à la fin du VIe siècle. Les temples romains furent convertis en églises chrétiennes tandis que d'autres constructions et monuments furent utilisés comme sources de matériaux de construction. L'apparition de nouveaux royaumes entraîna à l'inverse une croissance démographique dans les villes choisies capitales. La dépopulation, la désurbanisation et les migrations de l'Antiquité tardive se poursuivirent durant le haut Moyen Âge et les envahisseurs barbares fondèrent de nouveaux royaumes sur les territoires de l'ancien Empire romain d'Occident désormais totalement fragmenté. Les grandes migrations germaniques feront retomber des régions entières dans le paganisme.

Autant l’ancien Empire est-il désormais fragmenté, autant l’était l’Église au VIème siècle. Le clergé séculier étant incapable de résister à l’effondrement d’un Empire auquel il s’était totalement intégré, il s’effondrera avec lui et son influence diminuera fortement. Le paganisme reprendra de plus belle sous l’administration d’un clergé séculier privé de la puissance de l’Esprit Saint. La qualité du clergé séculier étant détestable, surtout dans les paroisses rurales qu’ils avaient délaissées. Les populations sans guide spirituel de valeur, mêlèrent le paganisme à leurs pratiques chrétiennes anciennes, dénaturant par là tout le message des Evangiles.

Cependant une île, à cause de son isolement et l’absence de grandes villes, sera négligée par les rois barbares, c’est l’Irlande. Préservés de l’influence néfaste de l’Église de Rome et de son patriarche, des moines de grande valeur sauront y conserver un reste de christianisme qui ne sera pas corrompu par le clergé séculier, à l’instar des îles voisines qui seront évangélisées sous le patronage romain. Des textes renseignent sur les méthodes d'évangélisation de l’Angleterre par Augustin de Cantorbéry († 604), le prieur du couvent du mont Caélius une des sept collines de Rome, envoyé par Grégoire Ier à la fin du VIème siècle. Les instructions de Grégoire disaient de ne pas détruire les temples païens, d'y dresser des autels et d'y placer des reliques, de permettre de célébrer à la même date les festivités chrétiennes sous une forme différente là où les populations avaient coutume d'offrir des sacrifices à des idoles. Ce que l’Église de Rome recherchait, s’était surtout l’appui des souverains qui se convertissaient, eux-mêmes recherchant celui de l’Église afin de garder le contrôle du peuple. Tout ceci étant de la politique et n’ayant plus rien à voir avec une évangélisation sur le modèle apostolique originel. Les livres d’Histoire, présentent pourtant cela comme l’évangélisation des îles britanniques, mais servit surtout l’image de l’évêque de Rome qui avait tendance à disparaître dans les oubliettes de l’Histoire.

Selon le même principe, l'Irlande aurait été christianisée en une seule fois, par un seul personnage, Patrick d’Irlande (Maewyn Succat 385 – 461), envoyé par l’évêque de Rome Célestin. Comme d’habitude le clergé séculier rechercha l’appui des puissants pour favoriser l’essor du christianisme. Cependant, dépourvus de villes, les pays celtiques comme l’Irlande ne peuvent imiter le mode d'organisation répandu dans les pays romanisés (une communauté urbaine, groupée autour d’un évêque) et l’évangélisation initiée par le clergé séculier disparaîtra avec lui après la mort de l’évêque Patrick et sera donc un échec. Considérer Patrick comme l'évangélisateur de l'Irlande et comme le fondateur du christianisme irlandais est un pur mythe inventé par le catholicisme romain qui en a fait un saint. Patrick est lié à l’histoire de l’Église romaine et de ses évêques citadins, non à celle du christianisme celtique et de ses monastères ruraux. Les abbés irlandais ne se réclameront d’ailleurs jamais de Patrick. Il n’y a pas de lien direct entre Patrick, aujourd’hui saint patron de l’Irlande catholique et la chrétienté celtique totalement indépendante vis-à-vis des évêques continentaux, qui se contentent de s’aligner strictement sur le dogme défini par les conciles œcuméniques. Ainsi les tentatives d’évangélisation du clergé séculier romain se solderont presque toujours par des échecs.

Pour évangéliser les régions celtes, il faut s’adapter au mode de fonctionnement de la société celte. Le christianisme celtique sera donc rural et sans évêque et donc n’ayant pas de clergé séculier, mais uniquement des moines et des ermites. Chaque abbé (ou chaque ermite) est totalement indépendant. On ne peut donc parler d’« Églises » comme dans les pays romanisés. Il s’agit ici de communautés indépendantes, non d’un appareil centralisé, non plus d’une communion hérétique ou schismatique. C’est tout simplement le modèle de développement de la société celte qui favorisera un « christianisme celtique » proche de celui du christianisme apostolique.

Le christianisme celtique apparaît au Ve siècle, connaît son apogée au VIIe siècle, et s’éteint au XIIe siècle avec le développement urbain. Il est d’abord circonscrit aux terres peu ou pas du tout romanisées, et vierges d'invasions germaniques (ouest de la Bretagne insulaire, ouest de la Bretagne armoricaine, Irlande). La Bretagne armoricaine présente une figure originale, au sein du christianisme celtique. Elle n’a pratiquement pas de monastères. Des ermites s’isolent, chacun en un site privilégié. Chacun a la charge d’un certain nombre de familles, elles-mêmes dispersées. Ainsi se forme la paroisse rurale (le plou, du latin plebs, le peuple). L’esprit celte est religieux. Hanté d’absolu, ne marchandant pas son engagement, le Celte est peu porté sur l’analyse, et goûte peu les querelles byzantines. Il refuse tout compromis. Sa foi est tout d’une pièce. Intransigeant, austère, extrême, il trouve sa voie dans l’ascétisme. Le christianisme celtique est héroïque.

Dans le courant proprement « chrétientés celtiques », la figure la plus ancienne que l’on connaisse est celle d’Illtud de Llantwit (450 – 522) et peut être considéré comme le père des chrétientés celtiques. Ildut fonde le monastère de Llanilltud, devenu Llantwit Major par la suite en anglais, dans le Glamorgan au sud du Pays de Galles. Ce monastère était l'un des plus illustres de la Bretagne insulaire, tant par la qualité de la formation spirituelle qu'on y dispensait que par l'étendue de la culture littéraire, biblique et même agronomique de ses moines. Le lieu devint ainsi une école recherchée pour l'aristocratie bretonne de l'époque. Quelques années plus tard, plus à l'ouest, dans le royaume de Deheubarth, Ildut fonde l'école monastique d'Ynys Bŷr (aujourd'hui, île de Caldey). On attribue à Illtud la formation de nombreux missionnaires, qui vont accomplir la pérégrination, voyage initiatique par-delà les mers, dans la tradition celtique. Depuis Ynis Byr, ils s’égaillent dans tout le pays de Galles, vers le Kernow et la Bretagne armoricaine, pays qui depuis toujours pratiquent de nombreux échanges par voie de mer. Seule l’Irlande, où le druidisme redevenu vivace, se montre rétive à toute approche par le sud-est. Eanna (Enda), disciple d’Illtud, décide alors d’essayer par l’ouest.

Enda d’Aran (mort en 530) et ses onze compagnons prennent la mer pour aller fonder dans les îles d’Aran, à l’ouest de l’Irlande, le monastère de Killeany (490). Le monastère de Killeany est considéré comme la première fondation monastique irlandaise. De là, les moines de Killeany réussissent enfin à pénétrer dans l’île d’Irlande et entreprennent de l’évangéliser à nouveau, ne trouvant plus de trace de structures laissées par l’évêque Patrick. L’Irlande va alors rapidement se couvrir de monastères, comme par exemple Clonard (520) à l’est, Clonmacnoise (545) au centre, et Bangor (559) au nord-est. Enda est considéré comme le père du monachisme irlandais.

Grâce au développement du monachisme irlandais, le christianisme progressera réellement dans la population. Notamment grâce des moines missionnaires comme Colomba d’Iona (521 – 597). Colum(b) Cille en gaélique irlandais (c'est-à-dire « Colombe de l'église »), qui fut un missionnaire irlandais qui aida à réintroduire le christianisme en Écosse et dans le nord de l'Angleterre. Il entre à l’Abbaye de Clonard sous la direction de Finian puis fonde plusieurs écoles et monastères en Irlande : à Derry en 545, Durrow en 553 et Kells en 554. Il établit un nouvel ordre monastique dont la principale communauté s'installera sur l'île d’Iona en 563, ancien lieu sacré des druides, située au large de l'île de Mull et il en fait une plaque tournante de ses missions et interventions, tant au royaume de Dal Riada que chez les Pictes.

Ainsi, à la fin de l’âge de Pergame, on peut considérer que la flamme de l’Esprit Saint c’était pratiquement éteinte sur le continent du fait des pratiques du clergé séculier et que les seuls vestiges d’un christianisme apostolique subsistaient encore dans les îles britanniques et plus précisément en Irlande. Ailleurs en Occident, selon les historiens spécialistes de cette époque, le christianisme se trouve dans un bien triste état de désolation. Seules les villes peuvent encore prétendre être  chrétiennes, mais selon le concept religieux du clergé séculier du moment. L’évangélisation n’étant pas la préoccupation majeure de l’épiscopat, seule la tradition sans enseignement est maintenue. Soit une messe en latin, conduite dans une église par un prêtre séculier très peu formé et parfois corrompu. Le monachisme existe, mais anecdotique et décadent. Les moines bénédictins ayant vu leur monastère du Mont Cassin détruit par les Lombards. Sont réfugiés dans le palais du Latran, attendant leur heure. Proches de l’évêque de Rome depuis Grégoire le Grand, ils constituent son « armée », à toutes fins utiles. Le réveil religieux occidental ne viendra donc pas du clergé séculier et encore moins de Rome. C’est une petite troupe de moines irlandais entraînés par Colomban, qui évangélisera à nouveau les campagnes païennes et redonnera un nouvel élan à l’Église dans l’âge qui suivra, celui de Thyatire.

Comme on peut le constater, le Seigneur sut garder dans sa main un reste fidèle qui se réfugia dans un monachisme salutaire, qui permit aux laïcs de conserver un véritable contact avec Jésus Christ. Bien sûr il y eut d’autres hommes remarquables qui se distinguèrent dans l’âge de Pergame et je ne peux être exhaustif tant le sujet est vaste. Mais quelques recherches rapides sur internet consolideront les connaissances de ceux qui ont à cœur de parfaire leurs connaissances. Cependant, malgré ces hommes admirables, le haut Moyen Âge verra le christianisme reculer de plus dans les campagnes, pour pratiquement revenir au paganisme d’antan.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Comme je ne veux plus perdre du temps à répondre aux commentaires inutiles j’ai activé le filtre.