http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: L'âge de l'Eglise de Pergame 7

samedi 21 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 7

Apocalypse 2 : 15 De même, toi aussi, tu as des gens attachés pareillement à la doctrine des Nicolaïtes.

Nous avons vu dans Apocalypse 2:6 qui étaient les Nicolaïtes, mais là leurs œuvres sont devenues une doctrine. L’âge de Pergame va subir une véritable révolution dans la structure de l’Église du Christ. Au départ les Eglise avaient un caractère local, puis au fur et mesure de la progression du christianisme, les Églises locales vont être rattachées à l’autorité d’un évêque d’une ville importante, tout en restant toujours totalement indépendante les unes des autres. Mais avec l’arrivée au pouvoir de Constantin, les choses vont radicalement changer, car l’empereur ne se contentera pas uniquement de feindre d’embrasser le christianisme, il voudra aussi s’immiscer dans son fonctionnement. Voyant le christianisme divisé à cause des hérésies, il ordonnera la réunion du premier concile œcuménique des Églises à Nicée en 325, qui organisera l’Église de manière quasi pyramidale, avec l’empereur à sa tête pour les choses temporelles. 

La primauté de l’évêque, ou d’un monde de frères à un monde de pères.


Investie de nouveaux pouvoirs et de nouveaux lieux de cultes, la fonction des évêques va évoluer rapidement avec son temps. Le clergé suivra alors la voie des deux semences bibliques, celle du serpent et de la Femme qui représentera l’Église véritable.

Durant le premier siècle, la plupart des communautés chrétiennes fondées par les apôtres demeurèrent administrées par un collège de presbytres (anciens) et d’épiscopes (surveillants) - ces deux mots devenant presque synonymes - sous la direction plus ou moins lointaine de l’Apôtre ou de son délégué. Le premier siège épiscopal fut celui de Jacques à Jérusalem; Pierre fonda celui d’Antioche; Marc passa pour être le fondateur de celui d’Alexandrie. Ultérieurement, la communauté chrétienne choisit l’un des épiscopes pour être le dépositaire de tous les pouvoirs d’ordre et de juridiction. Dès le début du IIe siècle, ce terme prit le sens actuel d’évêque.

Les prérogatives de certains évêques se sont progressivement accrues avec le temps, jusqu’à créer dans la hiérarchie de l’Église, un pouvoir super-épiscopal, celui d’évêque de la Métropole (ville-mère) – le métropolitain - qui acquérait une sorte de prééminence sur ses collègues de la même province. Le Concile de Nicée (325), consacra la division par métropoles ainsi que les droits des métropolitains sur les évêques de leurs provinces. Antioche, Rome et Alexandrie se virent donc ratifier des positions exceptionnelles. Le Concile de Constantinople (381) érigea Constantinople, la «nouvelle Rome», à un degré équivalent. Première pomme de discorde : seul l'évêque de Rome parlait latin. Tous les autres, parlaient grec (et écrivaient en grec...). Cependant au Concile de Nicée, ils s'entendent tous sur un seul credo : le Credo de Nicée. L’acceptation du grec par l’Église de Rome démontre bien qu’elle n’est pas supérieure aux autres, mais plutôt soumise aux Églises orientales. Sur les 250 à 300 évêques présents au concile de Nicée, seuls quatre ou cinq viennent d'Occident, ce qui démontre que l’Église à ce moment-là était principalement orientale. L'évêque de Rome Sylvestre ne parlant que le latin n’y était même pas allé personnellement et avait envoyé deux prêtres pour le représenter. En dépit des conclusions de ces conciles, les problèmes théologiques liés à l’arianisme ne seront pas résolus et le christianisme vivra tout au long des IVe et Ve siècles sous ses deux versions, orthodoxe et arienne. L'arianisme restant bien implanté dans la maison impériale : l'empereur Constantin et Constance II son fils, lui resteront favorable, ce qui montre le peu de cas que les empereurs feront des conciles et de leurs évêques.

Le temps des patriarches ecclésiastiques.


Le Concile de Chalcédoine (451) vit apparaître l’exarchat, comme nouveau grade supérieur de la hiérarchie ecclésiastique, qui va former à terme le concept de patriarcat avec des super-évêques administrant des régions entière comme l’Afrique pour le patriarche d’Alexandrie, l’Occident pour celui de Rome, les autres étant Antioche, Constantinople et Jérusalem. A cette organisation, Justinien donnera la sanction civile et reconnut les cinq patriarcats. Une pomme de discorde allait alors se développer au fil du temps. Au cinquième siècle, l'évêque de Rome revendiquait non seulement la suprématie sur les cinq patriarcats au titre de « Premier des égaux », mais aussi l'autorité sur les questions ecclésiastiques et doctrinales en raison de sa succession de Saint Pierre, ce qui ne manquait pas de soulever de vigoureuses protestations de la part des patriarcats grecs, qui eux optaient pour la « Pentarchie », c'est-à-dire le gouvernement commun des cinq patriarcats.

De l’épiscopat soumis aux Apôtres, au régime métropolitain, puis au patriarcat, on s'est trouvé conduit à une évolution historique voulue et orchestrée par les empereurs romains qui visent ainsi par cette nouvelle organisation à garder le contrôle de la chrétienté. Sous les coups des hérésies, des invasions, de schismes, et sous l'effet de nombreux facteurs disciplinaires, liturgiques et nationaux, les patriarcats se dédoublèrent et se ramifièrent principalement dans la partie orientale qui se désagrégera progressivement, laissant le champ libre à l’Église de Rome pour viser à l’universalité.

Constantin et la sécularisation des évêques.


Les différents conciles qui ont mené au patriarcat, ont établi en doctrine ce qui est dépeint dans l’âge de Pergame comme le Nicolaïsme, ce principe qui permet au clergé de dominer les laïcs. Le clergé qui est le terme qui désigne les différentes institutions d'une religion, va alors sous la direction des empereurs transformer le clergé chrétien en deux formes distingues : le clergé régulier et le séculier.
Le clergé séculier est le clergé qui vit «  dans le siècle » (du latin : sæcularis) au milieu des laïcs, par opposition au clergé régulier qui vit « selon une "règle" de vie » (du latin : regularis) d’un ordre, d'une abbaye, d'un couvent, d'un prieuré.

Le clergé séculier, grâce aux prérogatives de Constantin  va progressivement se corrompre et s’intéresser de plus en plus aux richesses et à la gloire de ce monde, pour délaisser celle du Christ. Parallèlement, son autorité temporelle grandira avec celles de ses richesses et s’exercera toujours plus durement sur les laïcs, qui progressivement verront dans l’évêque un prince trop éloigné de leurs préoccupations quotidiennes. L’image de l’évêque va alors se dégrader chez les laïcs des campagnes, qui seront quasiment délaissés et livrés à eux-mêmes, puisque le « christianisme » va désormais se concentrer dans les villes où siège un évêque.

Une notion nouvelle va alors voir le jour, le pouvoir séculier de l’évêque. Normalement est « Séculier» celui qui vit dans le siècle et désigne ainsi un pouvoir exclusivement temporel, la justice de l'État par exemple. Le terme « laïc » apparaît alors comme une extension de ce concept : le laïc n’est pas relié à l'autorité ou sous influence religieuse. On notera que dans Sa préscience, le Seigneur utilisa dès l’Apôtre Jean au travers du terme Nicolaïtes, un concept qui n’apparaitra que plusieurs siècles plus tard. Ainsi, avec l’empereur Constantin qui se définit lui-même comme l’égal des apôtres et quasiment le vicaire du Christ, la distinction entre le religieux et le séculier n’est plus possible, car les fonctions impériales du pontife romain englobent toutes les autorités, définissent de facto l’autorité impériale comme relevant du nicolaïsme biblique. Présent pendant tout le concile de Nicée comme arbitre au milieu des évêques, l’empereur romain forme alors le futur contour de la notion de papauté, qui cependant apparaîtra clairement uniquement dans le catholicisme dans l’âge de Pergame. Constantin peut donc être considéré comme le père du nicolaïsme doctrinal et donc le premier pape romain. Quand l’empire s’effondrera, le pontificat impérial n’aura plus qu’à migrer sur la charge de l’évêque de Rome et la doctrine nicolaïte sera ainsi pérennisée sur le trône de l’évêque de Rome, qu’on appellera alors le pape de Rome. La fausse donation de Constantin devant par la suite légitimer l’autorité papale.

Sous Constantin, les membres du clergé séculier jouirent donc de tous les privilèges qu'avaient autrefois les prêtres païens. Ils furent comblés d'honneurs et de richesses, exemptés des charges publiques, et reçurent pour leur traitement et l'entretien du culte, des sommes tirées des revenus de chaque ville. L’Église habitait dans le monde et se conformait à ses principes, assujettie au pouvoir impérial et cherchant sa faveur; le clergé se corrompait toujours plus dans cette association avec le monde, poursuivant la domination, les richesses, le luxe et les jouissances de la chair; les cérémonies et les ordonnances d'un culte de plus en plus fastueux remplaçaient le culte en esprit et en vérité. Les saintes vérités de l'Écriture touchant le salut tendaient à disparaître sous des traditions et des idées superstitieuses, et des hérésies nombreuses troublaient les esprits et entretenaient des disputes sans fin. Dans un pareil environnement, l’Esprit Saint étouffé disparaitra progressivement et l’Eglise du Christ n’en retiendra plus que le nom.

Pour comprendre la sécularisation du clergé, il faut comprendre comment fonctionnait la société romaine. Son administration totalement remaniée par Constantin, explique la « conversion » du clergé et le remaniement du christianisme sous l’influence du clergé séculier. L'expansion du christianisme, à l'époque constantinienne et post-constantinienne, peut certainement trouver sa source dans le fait que les chrétiens appartenaient principalement aux classes moyennes et inférieures des cités romaines. A cette époque on assiste précisément à une percée impressionnante de ces classes moyennes de la société, en raison du développement de la bureaucratie ; cette promotion d'une classe sociale ne pouvait qu'entraîner la promotion du christianisme qui s'était bien enraciné dans la bourgeoise romaine. Toutefois, le christianisme qui triomphe, ou plus exactement qui commence à triompher sous Constantin, n'est encore que très limité ; il n'a pas encore gagné toutes les couches sociales. Ce sera la grande œuvre de l'Église du quatrième siècle de le répandre dans les couches aristocratiques de la population de l'empire grâce à la sécularisation du clergé. Des nobles pourront alors accéder à la charge épiscopale sans rien céder de leur fortune ou autorité.

Le christianisme encore très minoritaire au début du IVe siècle, va accélérer sa progression en se fondant dans le moule romain. Mais la variété et la complexité du paganisme, son extension dans tout l’Empire et son intégration locale le rendait résistant ; le culte impérial et le calendrier des fêtes perdurent aux IVe et Ve siècles, le culte privé des familles garde une couleur fortement païenne en ce qui concerne les espoirs et craintes individuels, les rites relatifs à la vie quotidienne ou à la mort persistent. Au-delà des survivances, on assiste à des phénomènes d’assimilation; on danse dans les rues pour certaines fêtes chez les chrétiens comme chez les païens, on dépose des offrandes aux morts, les pratiques commémoratives après les funérailles montrent des croyances partagées. Les traditions locales se maintiennent ainsi que les banquets funèbres et les offrandes votives païennes se retrouvent dans le culte de saints. La littérature et l’art manifestent de mêmes tendances : on emprunte à la symbolique impériale pour manifester la grandeur de Jésus (l’orbe, le trône, la gestuelle symbolique) et, à l’opposé, le culte impérial formule en langage traditionnel la suprématie inéluctable des Romains et de leur princeps justifiée par leur lien avec le Christ. Les symboles (guirlandes, vignes, oiseaux), la pensée philosophique, les allusions mythologiques sont reprises et réutilisées au point qu’aucun épigraphiste ne s’étonne de nos jours de trouver sur une tombe chrétienne l’expression « consacré aux Dieux Mânes » pas plus qu’une allusion poétique aux Enfers païens, ou la célébration de Mithra déguisée en fête de Noël. On peut donc considérer qu’en un siècle, le clergé séculier a absorbé une grande partie du paganisme en lui attribuant des vertus chrétiennes, ce qui a alors largement contribué à un essor si rapide du christianisme. Mais peut-on encore appeler cela du christianisme ?

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