http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: L'âge de l'Eglise de Pergame 6

jeudi 19 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 6

De la sainte cène à l’eucharistie de l’âge de Pergame.

Après avoir bien fixé l’Église sur terre par le biais des basiliques et replacé un autel dans les églises, le temple antique était désormais réapparu sous une forme christianisée, qui n’avait absolument plus rien à voir avec les pratiques chrétiennes apostoliques enseignées par Jésus. Le culte allait devoir s’harmoniser à tout ce nouvel ensemble et une nouvelle liturgie mise en place.

Un bon connaisseur des écrits des premiers chrétiens a fait remarquer qu’il fallait attendre le IXe siècle pour trouver un ouvrage sur l’eucharistie. Avant cette période, si les références à l’eucharistie sont fréquentes et de première importance, celle-ci ne fait pas l’objet d’un traité. C’est que, pour les premiers chrétiens, l’eucharistie n’est jamais prise isolément. Elle est toujours reliée à l’ensemble du mystère de la foi dont elle est la synthèse. Un point essentiel de la foi est-il contesté, c’est l’eucharistie qui servira de repère pour montrer ce qui tient ou ne tient pas la route. Ainsi, au IIe siècle, Irénée de Lyon dira : « Notre façon de penser s’accorde avec l’eucharistie, et l’eucharistie en retour confirme notre façon de penser. » Suivre Irénée sur cette piste, c’est être conduit au cœur de la foi. Ainsi, participer à l’eucharistie revenait à être ou ne pas être reconnu comme un chrétien, c’est cela qui faisait la différence.

La prière eucharistique dont la sainte cène est la matérialisation et le symbole, va radicalement se transformer dans l’âge de Pergame. Dans l’âge précédant, la prière eucharistique reprenait le schéma apostolique de la prière juive en trois parties : les louanges adressées à Dieu, la requête qu'on Lui présente pour ses besoins et un témoignage de gratitude envers les bénédictions qu'Il nous a accordées. Dans les Églises des premiers siècles, la prière eucharistique exaltait l’unité de Dieu qui se révélait dans le Père, le Fils et l’Esprit Saint, reprenant par là le schéma de la prière juive en trois parties. Une première prière de remerciement était adressée au Père pour l'œuvre de création, une deuxième pour l'œuvre de rédemption du Fils, une troisième prière pour la venue du Royaume en la Personne du Saint Esprit. Les liturgies anciennes conservent donc fidèlement cette structure, qui correspond à la structure juive antérieure au Christ et nous montre bien qu'il s'agit d'une structure apostolique. Dans ces prières, le Saint Esprit « descendait » sur l’assemblée, pour révéler en chacun ce que représentait le sacrifice de Jésus pour l’homme pécheur. Dans ce cadre général, le pain et le vin pris pendant la sainte cène, n’étaient qu’une image symbolique du Christ, révélé par l’Esprit Saint.

Mais dès le IVe siècle, nous allons entrevoir ce qui peut être appelé le germe d’un schisme. Si on lit la liturgie milanaise de l’évêque Ambroise, à la fin du IVe siècle, on constate que l'épiclèse (la prière pour l’Esprit Saint) a disparu. C'est un fait très mystérieux. Entre Hippolyte, évêque de Rome en 217 et Ambroise, évêque de Milan vers l'an 380, la mention explicite de l'invocation à l'Esprit Saint ne se fait plus. Ceci est extrêmement important, car on possède la théologie de sa liturgie : la théologie est priée avant d'être intellectualisée. Or, la place du Saint Esprit dans la célébration eucharistique va être occultée dès le Ve siècle en Occident. Une des raisons principales du changement de la liturgie eucharistique, tient à la multiplication des hérésies qui lentement mine la foi apostolique originelle. Le IVe siècle est le moment où s'est développée en Orient l'hérésie de Macédonius. Alors que l'hérésiarque du siècle précédent, Arius, s'était attaqué à la Personne du Christ, Macédonius, lui, s'attaque au Saint Esprit. Arius niait la divinité du Fils et son hérésie fera rage en Occident autant qu'en Orient, elle sera notamment combattue en Occident par Hilaire de Poitiers. Parce que les Wisigoths et les Goths étaient ariens, il faudra combattre l'hérésie arienne plus longtemps en Occident qu'en Orient.

En revanche, l'hérésie de Macédonius qui niait l'existence du Saint Esprit ne se répandra pas en Occident. C'est elle qui pousse Basile, au IVe siècle, à développer en détail la théologie du Saint Esprit dans son Traité du Saint Esprit. Ce livre est écrit en grec, à l'époque où l'Occident ne le parle plus, ni n'éprouve le besoin de combattre une hérésie contre le Saint Esprit. Le résultat en est que la théologie du Saint Esprit qui se développe explicitement en Orient au IVe siècle, ne paraît pas avoir véritablement atteint l'Occident. Cela entraîne une différence liturgique : non seulement on maintient l'épiclèse dans toutes les liturgies en usage en Orient, mais on les développe pour lutter contre l'hérésie de Macédonius, à une époque où l'invocation à l'Esprit Saint se perd en Occident.

Cette prière d'épiclèse en ce temps, est donc tout à fait essentielle. Si on la supprime notamment au moment de l’eucharistie, c'est toute la structure de la liturgie apostolique qui disparaît. On se trouve alors tenté, comme c'est le cas en Occident, de remplacer le Saint Esprit par l'évêque et on tombe dans le cléricalisme. Dans cette nouvelle liturgie l’officiant est désormais mué en prêtre qui pratique un sacrifice sur l’autel au moment de la présentation du pain et du vin. Si de surcroît cet autel est placé dans une basilique constantienne  élevée à la gloire d’un pontife romain qui se prend pour un christ sur terre, alors on peut légitiment considérer qu’on ne sacrifie plus à Dieu, mais à des idoles. Le remplacement du Saint Esprit par le prêtre, va trouver sa doctrine dans ce qui va devenir le dogme de la transsubstantiation. On va prétendre que le pain et vin se transforme réellement en chair et en sang de Jésus, comme si on procédait à un nouveau sacrifice. Le mot n’apparaitra dans le catholicisme qu’à la fin du XIe siècle chez Hildebert de Tours vers 1079, puis sera défini comme terme du dogme par le quatrième concile du Latran (1215) et confirmé par celui de Trente (1545-1563), mais l'idée est selon Hildebert « visiblement présente dès les premiers temps de l'Église », ce qui est totalement faux.

Ainsi, l’eucharistie des origines qui était une simple prière d’action de grâce le jour de la Pâque juive, va se muer en messe et transformer la liturgie du VIème siècle en profondeur pour devenir quotidienne avec une célébration plus solennelle le dimanche, jour de la Pâque du Seigneur. Puis l'année liturgique va commencer à se construire autour de deux grands pôles : celui de la rédemption et celui de l'incarnation.
           -La rédemption atteint son sommet dans la fête de la Pâque, qui vient après un temps de pénitence et de volonté de conversion (le carême) et qui se poursuit pendant sept autres semaines jusqu'à la fête de la Pentecôte.
           -L'incarnation est souligné par la fête de la naissance de Jésus-Christ. La célébration de la Nativité du Seigneur sera progressivement amenée au solstice d’hiver le 25 décembre. Carême, Pâques décalé, Noël, choix du dimanche, sont des reprises des pratiques païennes qui ont été christianisées et qui n’ont absolument rien à voir avec l’enseignement apostolique des débuts de la chrétienté.

Sous Constantin on le voit, la liturgie est en train de radicalement changer. On comprend désormais mieux le sens des propos de Jésus dans l’Apocalypse quand Il dit : « Mais j’ai quelque chose contre toi, c’est que tu as là des gens attachés à la doctrine de Balaam, qui enseignait à Balak à mettre une pierre d’achoppement devant les fils d’Israël, pour qu’ils mangeassent des viandes sacrifiées aux idoles et qu’ils se livrassent à l’impudicité. » Dans le contexte de l’âge de Pergame, Balak peut être représenté par l’empereur Constantin et Balaam par l’évêque de Rome. Dans l’âge de Pergame, les pratiques de Balaam deviennent une doctrine nouvelle, mise en place par le clergé séculier qui s’est laissé acheter par l’empereur. À partir de cette époque, l’Église absorbera toujours plus de pratiques païennes, qui à terme formeront l’Église catholique romaine après le schisme avec l’Eglise d’Orient au XIème siécle.


 Les basiliques seront alors toujours plus richement parées d’or et de marbre, des statues de saints et de l’encens apparaîtront comme dans les temples païens. Sur l'autel une eucharistie y sera pratiquée de manière perpétuelle, donnant toujours plus l’allure d’un temple païen. Par la suite, on ne prendra même plus la peine de construire des Églises, il suffira de commuer un temple païen en église chrétienne et d’en modifier le culte pour en perpétuer le rite. Il va sans dire que tout cela n’a plus rien à voir avec le christianisme apostolique. Clairement on force la conversion de masse de toute une population. Dans les villes, l’idolâtrie païenne sera alors commuée en culte aux saints et dans l’armée, le culte de Mithra nous léguera la fête de Noël par exemple. Ajoutez à cela, que dans l’âge précédant le fait de refuser de prier pour l’empereur conduisait parfois au martyr, dans cet âge-ci cela pouvait conduire à l’exclusion de l’église de celui qui refusait de voir en lui un saint. Le diable était en train de gagner sur tous les tableaux.

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