http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: L'âge de l'Eglise de Pergame 2

mercredi 4 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 2

Martin de Tours

Martin de Tours est l’ange de l’Église de Pergame, car sa vie s’inscrit dans la continuité des anges des Églises qui l’on précédé. Dans la droite ligne de l’apôtre Paul et d’Irénée qui servirent Jésus jusqu’à leur mort. Contrairement à Paul et Irénée, Martin ne laissera pas une abondante littérature qui témoigne de son engagement total pour le Christ, d’autres le feront pour lui. C’est sa vie exemplaire qui témoignera de lui et laissera une empreinte indélébile dans l’Histoire de la chrétienté. Comme ses prédécesseurs il devra combattre les hérésies de son temps et principalement celle d’Arius. L’Esprit Saint repose sur lui et de nombreux miracles lui seront attribués et témoignent que les dons charismatiques persistent, quand bien même les ministères charismatiques aient disparu. Bien qu’étant proclamé évêque par le peuple et moins par l’Église qui dut s’y soumettre, il opposera la simplicité de sa vie monacale aux fastes de ce monde qui gagne l’Église, et ce, jusqu’à la table de l’empereur. Sa vie sera un contraste avec le reste de l’Église et souvent il sera présenté comme étant le seul à témoigner d’une foi véritable et c’est ce qui explique que le Seigneur fait plus de reproches à l’Église de Pergame que d’éloges. Cependant Martin échappe à la règle et précisément parce qu’il dénote par rapport au reste, on jugera important d’écrire un livre sur sa vie, ce qui en soi souligne le caractère exceptionnelle de sa personne. On trouvera facilement sur internet l’intégrale numérisée de la vie de saint Martin par Sulpice sévère et dont la lecture est plus qu’instructive, ainsi d’ailleurs que les lettres de Sulpice qui témoignent des différents aspects de l’Église dans l’âge de Pergame. C’est un héritage culturel chrétien de premier plan et que chaque chrétien se devrait de lire, car c’est l’histoire de notre famille, celle du Christ.

Voici le résumé de sa vie : Martin est né en Hongrie en 315. Toutefois, il a accompli sa tâche en France, où à Tours et dans ses environs, il a rempli sa charge d’évêque. Il est mort en 399. Ce grand homme de Dieu était l’oncle de Patrick d’Irlande que l’Eglise catholique vénère comme un saint. À l’époque de sa conversion à Christ, Martin poursuivait une carrière de soldat. Alors qu’il était encore militaire de son état, un miracle fort remarquable se produisit. On rapporte qu’un mendiant gisait, malade, dans une rue de la ville où Martin servait. Le froid de l’hiver aurait eu raison de lui, car il était mal vêtu. Personne n’avait prêté attention à son besoin jusqu’à ce que Martin passe près de lui. Voyant le malheur du pauvre homme, Martin, qui n’a pas de vêtement de rechange, ôte son manteau et le pourfend de son épée pour pouvoir couvrir l’homme frigorifié. Il s’occupe de lui de son mieux, puis continue son chemin. Cette nuit-là, le Seigneur Jésus lui apparaît dans une vision. Le voilà qui se tient là, sous l’aspect d’un mendiant, enveloppé dans la moitié du manteau de Martin. Il lui parle et lui dit : “C’est Moi que Martin, qui n’est pourtant qu’un catéchumène, a revêtu de ce manteau.” À partir de ce moment-là, Martin chercha à servir le Seigneur de tout son cœur. Sa vie devint une succession de miracles qui manifestaient la puissance de Dieu. Le geste de Martin même avant sa conversion, démontre qu’il fut à la fois un homme bon, mais aussi de principe. Si Martin n'a donné que la moitié de son manteau, c’est que chaque nouvelle recrue de l'armée romaine recevait un don de l'empereur ou du sénat, correspondant à la moitié de son équipement l'autre partie était payée par les deniers personnels. Martin n'a donné que la partie du manteau qui lui appartenait. L'autre partie était propriété de l'état romain. Seul un homme d’exception agit de cette manière.

En 356, ayant pu quitter l’armée il se rend à Poitiers pour rejoindre Hilaire, évêque de la ville depuis 350. Hilaire a le même âge que lui et appartient comme lui à l’aristocratie, mais il a embrassé la foi chrétienne tardivement, et est plus intellectuel. Hilaire né vers 315 et mort en 367, est un écrivain latin chrétien. Théologien du IVe siècle, il fut un grand défenseur de l'orthodoxie nicéenne face à l'arianisme. Il a été désigné par le titre d’« Athanase de l’Occident » en raison de son action énergique et pastorale dans la lutte pour l'orthodoxie chrétienne. Il sera le pendant doctrinal de Martin et les deux formeront une paire solide pour s’opposer à Satan qui œuvrait puissamment et activement au sein de l’Église. On pourra dire que Martin et Hilaire formeront à eux deux, le verbe et le geste de Dieu de l’âge de Pergame. Considéré comme Père de l'Église par l’Église catholique, Hilaire de Poitiers sera élevé au rang de docteur de l'Église par le pape Pie IX en 1851.

Martin milita activement contre l’idolâtrie. Il abattait les idoles, brisait les statues et renversait les autels. Quand, à cause de ses actions, il eut à affronter les païens, il leur lança un défi tout à fait semblable à celui d’Élie devant les prophètes de Baal. Il offrit de se faire attacher à un arbre sacré, un pin (une représentation d’Atis chez les païens et qui témoigne que le culte de Cybèle existait encore du temps de Martin), du côté où celui-ci s’inclinait, de sorte que l’arbre l’écrase quand on l’abattrait, à moins que Dieu n’intervienne pour faire retomber l’arbre du côté opposé. Rusés, les païens l’attachèrent à un arbre qui poussait au flanc d’une colline. Ainsi, ils étaient sûrs que la force naturelle de la pesanteur ferait tomber l’arbre sur lui pour l’écraser. Au moment où l’arbre commençait à tomber, Dieu le rabattit vers le haut, à l’encontre de toutes les lois de la nature. Beaucoup d’autres miracles lui furent attribués, comme des guérisons et même des résurrections. Il remplace les sanctuaires païens par des églises et des ermitages. Comprenant fort bien l’homme de la campagne et ses besoins, il se donne les moyens de le convertir alors que la foi chrétienne est encore essentiellement urbaine.

La vie chrétienne de Martin se développait dans un environnement très hostile et pas seulement à cause du paganisme très présent encore en ce temps-là. L’arianisme qui s’était répandu dans toute la chrétienté, divisait et perturbait de nombreuses Églises. La pensée de l'arianisme affirme que si Dieu est divin, son Fils, lui, est d'abord humain, mais un humain disposant d'une part de divinité, ce qui provoquait des controverses sur la nature divine et humaine du Christ. Ces différentiations dans la divinité mèneront à terme au dogme trinitaire. En 355, alors que l’arianisme s’étend en Gaule, Hilaire s’oppose à cette théologie. Dans l'Empire romain du milieu du IVe siècle, c'est aussi s'opposer à l'empereur Constance, car les monarques appréciaient particulièrement cette doctrine qui favorisait leur propre élection à l’image de celle du Christ. Lors du concile de Béziers de 356 arbitré par l’empereur et dominé par les ariens unis autour de Saturnin Primat des Gaules, Hilaire est déclaré hors de la communion et exilé en Phrygie. Martin dans un même mouvement quittera aussi la région et s’opposera aussi aux ariens, ce qui lui vaudra de nombreux sévices. En Illyrie où il est parti pour convertir ses parents, c’est la foi arienne qui est la foi dominante et Martin qui est un fervent représentant de la foi doit sans doute avoir de violentes disputes avec les ariens, car il est publiquement fouetté puis expulsé. Il s’enfuit et se réfugie à Milan, mais là aussi les ariens dominent et Martin est à nouveau chassé.

En 360 après le  concile de Nicée, l’arianisme est rejeté, les évêques y étant opposés regagnent définitivement une influence politique auprès de l’empereur Julien et Hilaire retrouve son évêché. Martin en est informé et revient lui-même à Poitiers. Alors âgé de 44 ans, il s’installe sur un domaine gallo-romain qu'Hilaire lui indique près de Poitiers. Martin y crée un petit ermitage, que la tradition situe à 8 km de la ville : l’abbaye de Ligugé où il est rejoint par des disciples. Il crée ici la première communauté de moines sise en Gaule. Ce premier monastère est le lieu de l’activité d’évangélisation de Martin pendant dix ans où il fera de nombreux miracles et se fait ainsi reconnaître par le petit peuple comme un saint homme.

En 371 à Tours, l’évêque en place Lidoire vient de mourir ; les habitants veulent choisir Martin, mais celui-ci s’est choisi une autre voie et n’aspire pas à l'épiscopat. Les habitants l’enlèvent donc et le proclament évêque le 4 juillet 371 sans son consentement; Martin se soumet en pensant qu’il s’agit là sans aucun doute de la volonté divine. Les autres évêques ne l’aiment guère, car il a un aspect pitoyable dû à sa simplicité et aux privations qu’il s’inflige, il porte des vêtements rustiques et grossiers. Désormais, même s’il est évêque, il ne modifie en rien son train de vie. Il crée un nouvel ermitage à 3 km au nord-est des murs de la ville : c’est l’origine de Marmoutier avec pour règle la pauvreté et la prière. Les moines doivent se vêtir d’étoffes grossières sur le modèle de Jean-Baptiste qui était habillé de poil de chameau. Ils copient des manuscrits, pêchent dans la Loire ; leur vie est très proche de ce que l’on peut lire dans les Évangiles sur la vie des premiers apôtres.

Ailleurs l’autorité de l’évêque est limitée à l’enceinte de la cité, avec Martin elle sort des murs et pénètre profondément à l’intérieur des terres, car à cette époque les campagnes sont païennes. Martin semble avoir largement sillonné le territoire de la Gaule ; là où il n’a pas pu aller, il a envoyé ses moines. Il prêche avec efficacité les paysans, forçant le respect par l’exemple et le refus de la violence. Il prêche par la parole et par sa force, il sait parler aux petits et il utilise à merveille la psychologie par sa connaissance des réalités quotidiennes et l'utilisation de paraboles simples que le petit peuple comprend, tel que le Christ le faisait. Marmoutier sert de centre de formation pour l’évangélisation et la colonisation spirituelle des campagnes ; c’est pour l’essentiel la première base de propagation du christianisme en Gaule.

Marmoutier comptait 80 frères vivant en communauté, issus pour la plupart de l’aristocratie ce qui permettait à Martin de jouir d’une grande influence et de se faire recevoir par les empereurs eux-mêmes. Il existe désormais une complicité entre les empereurs et les évêques, entre le pouvoir de la nouvelle foi et le pouvoir politique. Mais cela n'empêche pas Martin, à la table de l'empereur Maxime, de servir en premier le prêtre qui l'accompagne et d'expliquer que le sacerdoce est plus éminent que la pourpre impériale. Un jour, voyant des oiseaux pêcheurs se disputer des poissons, il explique à ses disciples que les démons se disputent de la même manière les âmes des chrétiens. Et les oiseaux prirent ainsi le nom de l'évêque ; ce sont les martins-pêcheurs.

Au soir de sa vie, sa présence est requise pour réconcilier des clercs à Candes sur Loire, à l'ouest de Tours ; l'urgence de l'unité de l'Église fait que malgré sa vieillesse, il décide de s'y rendre. Son intervention est couronnée de succès, mais le lendemain, épuisé par cette vie de soldat du Christ, Martin meurt à Candes, à la fin de l’automne, le 8 novembre 397 sur un lit de cendre comme mouraient les saints hommes ; disputé entre Poitevins et Tourangeaux, son corps est subtilisé par ces derniers et rapidement reconduit par le fleuve jusqu'à Tours où il est enterré le 11 novembre. On raconte que les fleurs se sont mises à éclore en plein novembre, au passage de son corps sur la Loire entre Candes et Tours. Ce phénomène étonnant donnera naissance à l’expression « été de la Saint-Martin » et que l’on appelle aujourd’hui, été indien.

Martin, après Irénée, enracinera profondément la Gaule dans la chrétienté, ce qui fera de cette région romaine une terre d’élection particulière. On peut considérer Martin comme un apôtre de la Gaule. Le diable n’ayant jamais pu le dominer de son vivant, il en fera une icône en le magnifiant. Ainsi, ce que Martin combattit toute sa vie, deviendra un instrument entre les mains de Satan. D'abord admiré par ses amis qui l'ont pris pour modèle (Sulpice-Sévère, Paulin de Nole), un culte sera instauré par ses successeurs au trône épiscopal de Tours, qui surent faire de leur basilique un sanctuaire de premier plan.

Tombeau de saint Martin de Tours, dans la crypte de la basilique
Tours devint le premier lieu de pèlerinage des Gaules ; le choix de Martin de Tours comme seigneur tutélaire des Mérovingiens est fait sous Clovis. Tours reste par la suite un foyer spirituel important. À l'époque carolingienne, Alcuin, conseiller de Charlemagne, fut nommé abbé de Saint-Martin de Tours et de Cormery. Ces abbayes furent des foyers importants de la renaissance carolingienne aux alentours de l’an 800. La cathédrale de Mayence, au cœur de la Germanie franque, est également dédiée à saint Martin.

La cape de Martin de Tours, qui fut envoyée comme relique à la Chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle pour Charlemagne, est elle-même à l'origine du mot « chapelle », c'est-à-dire l'endroit où l'on gardait la « c(h)ape » du saint qui était emportée lors des batailles et portée en bannière.
Elle est aussi à l'origine du mot « Capet », nom de la dynastie des Rois de France : Francs Capétiens. Ainsi, du royaume d'Austrasie jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, Martin reste le symbole de l'unité franque. Les rois francs utilisèrent le nom de Martin pour légitimer une autorité qu’ils usurperont, pour se proclamer à terme, roi de droit divin en se faisant sacré et pas seulement couronner. L’introduction du saint chrême en fera même des oints qui représenteront Dieu sur terre, à l’image des rois d’Israël qu’ils imagineront remplacer.

Mais si Martin marcha dans les pas du christ et des apôtres, il en ira tout autrement dans le reste de l’Église, qui maintenant qu’elle ne subit plus la persécution, va chercher à grandir et acquérir du pouvoir et de l’autorité au sein de la société romaine. Ce que lui reprochera vertement Jésus.

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