http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: Les enjeux du pontife romain au Brésil 4

jeudi 25 juillet 2013

Les enjeux du pontife romain au Brésil 4

Comme l’autre François qui débuta son mandat sous la pluie battante, le pape François doit faire avec la pluie qui s'impose, fine et froide, comme si elle voulait gâcher la fête. Corcovado et son Christ triomphant n'existent même plus. Disparue, là-haut, la célèbre statue… Elle est cachée dans les nuages comme pour effacer son image face l’hypocrisie de la situation actuelle. Face à ce pape qui prétend le représenter sur terre, mais bafoue tous les principes chrétiens. 


L’entame de la journée a d’ailleurs bien commencé, le pape François a béni jeudi matin à l'Hôtel de ville de Rio le drapeau des jeux Olympiques que la ville accueillera en 2016. Quand on sait ce que représentent les jeux Olympiques dans leur caractère païen, on peut mesurer le sens soi-disant chrétien de son geste. Vous pouvez relire la série d’articles sur le sujet, la bataille des jeux Olympiques.

Le cirque médiatique se poursuivra en se présentant comme l’apôtre d’une «Eglise pauvre pour les pauvres», avec  l’un des rendez-vous les plus symboliques de son voyage en rendant visite aux habitants de la petite favela de Varginha sous une pluie diluvienne. Située dans un complexe de favelas surnommé la «Bande de Gaza» tellement les affrontements armés entre policiers et trafiquants y étaient fréquents et meurtriers, Varginha a été «pacifiée» il y a sept mois par la police pour préparer les jeux Olympiques. Le pape y bénira le nouvel autel de la petite église Sao Jeronimo Emiliani. Il parcourut ensuite à pied les 200 mètres séparant l’église du stade de football de la favela où il prononça un discours à tonalité sociale.

Il ne faut pas se laisser leurrer par les bonnes paroles papales. La seule raison de cette courte incursion dans une favela est de corriger les effets désastreux de la politique vaticane face à la théologie de la Libération dont elle s’est désolidarisée et même opposée, ce qui contredit totalement le discours trompeur sur la pauvreté aujourd’hui. Mais le discours ne remplacera pas les actes et les églises évangéliques ont largement su profiter de l’abandon catholique  qui se focalisait plus sur les plus riches.

Auprès des plus pauvres

Les Églises évangéliques ont effectivement surtout gagné du terrain dans les zones pauvres : dans les beaux quartiers de Rio, plus des trois quarts des habitants se déclarent toujours catholiques.

« Ces Églises sont plus flexibles, plus poreuses, et peuvent s’installer partout. Elles construisent une convivialité, une sociabilité, un réseau d’entraide important », constate Rafael Soares Garcia, historien et juriste à l’Université pontificale catholique de Rio de Janeiro (PUC) et spécialiste des favelas.

Le père Manuel Manangão, vicaire épiscopal responsable des affaires sociales au sein de l’archidiocèse de Rio, reconnaît que les Églises évangéliques affichent une plus grande proximité avec les habitants. « La population de ces zones pauvres souffre de beaucoup de carences. Et l’Église catholique n’est pas toujours là pour y répondre. Les croyants se tournent alors vers ceux qui sont présents et, parfois, ce sont ces groupes évangéliques », précise-t-il, un peu ennuyé.

Face au trafic de drogue et à la forte criminalité qui en découle, « certaines Églises pentecôtistes ont fait de la conversion des bandits un projet, en leur ouvrant les portes de leurs temples », explique Carly Machado, anthropologue à l’Université fédérale rurale de Rio de Janeiro (UFRRJ), qui travaille sur ce sujet.

C’est le cas de Paulo Giovanni, pasteur depuis six ans d’un temple situé sur les hauteurs de Vidigal et affilié à l’Assemblée de Dieu, une Église pentecôtiste très présente dans les favelas.

L’homme de 34 ans a lui-même goûté à la vie de trafiquant de drogue – « Pendant deux ans et demi, j’étais gerente [responsable d’un point de vente] dans le quartier, pour la faction Comando vermelho [« Commando rouge »], l’un des principaux gangs de Rio » – avant de rencontrer un pasteur qui l’a convaincu de déposer les armes. C’était à la fin des années 1990, il avait tout juste 20 ans.

Il y a quelques années, Paulo Giovanni a créé, avec d’autres pasteurs, une équipe de nuit. « De minuit jusqu’à 3 ou 4 heures du matin, nous faisons le tour des bars, des impasses et des points de vente de drogue, pour apporter la parole qui libère. »

Églises plurielles

¬¬¬Par-delà leur forte présence, le succès des évangéliques s’explique aussi par la diversité de leurs Églises. De l’Assemblée de Dieu à l’Église chrétienne contemporaine en passant par l’Universelle du royaume de Dieu, les visions de la société, du monde, de la vie qui y sont développées sont extrêmement différentes, voire même parfois antagonistes.

La première et la plus puissante, l’Assemblée de Dieu, exige de ses fidèles une certaine austérité. Leurs pasteurs ne font pas vœu de pauvreté mais vivent sobrement.

Paulo Giovanni, par exemple, touche 1 200 R$ par mois (l’équivalent de 425 €) grâce au dizimo versé par les fidèles : 10 % de leur salaire chaque mois. « Cette somme me permet de payer mon loyer, je ne suis pas propriétaire et je n’ai pas de grosse voiture. » Loin du train de vie qu’il menait lorsqu’il était bandit, reconnaît-il, le sourire aux lèvres.

La deuxième, l’Église chrétienne universelle, propose, elle, une totale accepta¬tion de l’homosexualité, un thème combattu par les autres évangéliques.

La troi¬sième enfin, l’Universelle du royaume de Dieu, une église néopente¬côtiste qui a connu un boom dans les années 1990, exalte la théologie de la prospérité, faisant miroiter aux fidèles du succès professionnel et de l’argent : « Vous n’avez pas besoin d’être pauvre parce que vous êtes chrétien. »

Les cultes y sont specta¬culaires, la figure du diable omniprésente. En cette soirée du mois de juin, à Vigidal, le pasteur néopentecôtiste invite, au micro, les participants à lever les bras au ciel en criant : « Viens en moi Jésus, viens en moi ! » Un peu plus tard, des croyants possédés montent sur scène, on expulse le diable en chœur, on crie, on pleure.

Pour le père Ricardo, curé d’une des deux églises catholiques du quartier, « le discours et le culte des évangéliques sont plus captivants. Chez les catholiques, la parole est plus distante, plus contenue ».

Secours charismatique

L’Église catholique, consciente du phénomène évangélique, a entamé une réflexion pour trouver les moyens d’y faire face. Parmi les initiatives menées en ce sens, le mouvement de la Rénovation charismatique qui rassemble des fidèles catholiques et qui copie les cultes des Églises pentecôtistes.

Ils sont ainsi un petit groupe à se réunir tous les lundis soirs à l’église de Vidigal, dans une ambiance bien différente de la messe dominicale. « La communication est plus ouverte, on ne prie pas de la même manière », raconte Alexandra dont la nièce de 13 ans accompagne les prières à la guitare.

À une échelle toute autre, à São Paulo, le père Marcelo Rossi attire à chaque rencontre des milliers de fidèles dans l’église Santo Amaro qu’il a lui-même faite construire, surnommée « le méga-temple du père Rossi ». Ses disques se sont vendus à 1,5 millions d’exemplaires en 2011.

Ce mouvement de la Rénovation charismatique a sa propre chaîne de télévision, Canção Nova, dont les programmes sont retransmis dans plusieurs pays étrangers. Car la bataille avec les évangéliques se mène aussi sur le plan de la communication : à la tête de l’Église universelle du royaume de Dieu, l’évêque Emir Macedo possède un hebdomadaire gratuit distribué dans le métro, Folha universal, et surtout la deuxième chaîne de télévision du pays, la Rede Record.

impact positif

Dans ce contexte, le choix de Rio de Janeiro pour l’organisation des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) apparaît difficilement comme une coïncidence.

« Pour certains, la venue de ce pape argentin à Rio marque une volonté de l’Église catholique de marquer son territoire, explique Carly Machado. Le souverain pontife arrive au Brésil en orientant l’Église dans la direction des pauvres. Ça concorde assez bien avec l’idée que l’Église est préoccupée par le nombre de ses fidèles en Amérique latine et surtout au Brésil, qui reste une grande nation catholique. »

Les JMJ de Rio auront sans aucun doute un impact positif sur l’image de l’Église catholique. Suffiront-elles à inverser la tendance dans un pays où, outre la montée des évangéliques, celle plus importante des sans-religion a aussi de quoi inquiéter le Vatican ?

Le Woodstock de la foi

Il existe à travers le monde des "couples JMJ", des "bébés JMJ", des "prêtres JMJ". En près de trente ans d'existence, les Journées mondiales de la jeunesse, souvent qualifiées de "Woodstock catholique", sont devenues un rendez-vous obligé pour les jeunes troupes les plus engagées. Imaginées en 1985 par Jean Paul II pour sortir l'Eglise de ses murs et "encourager" les nouvelles générations de catholiques, souvent devenus minoritaires dans des sociétés en voie de déchristianisation, les JMJ, qui ont attiré de 400 000 jeunes à Compostelle (Espagne) en 1989 à 4 millions à Manille (Philippines) en 1995, ont connu au fil des années un certain nombre d'inflexions.

Face à l’écroulement du catholicisme dans le monde, notamment chez les jeunes, le Vatican devait réagir et à l’image des mégachurches dépravées, mais bourrées de néo-pentecôtistes stimulés à l’ambiance rock animée par des maîtres du showbiz pastoral mondain. Comme de toute façon cela n’a rien à voir avec le christianisme véritable, il va de soi que le catholicisme le reprenne à son compte. Dans cet esprit dépravé, le site de la plage de Copacabana fut choisie.


Copacabana. Dix lettres épelant l’une des plages les plus célèbres du monde. Synonyme d’ordinaire de site balnéaire hédoniste, de maillots tanga et de jus de coco. Lieu mythique des plus improbables pour un chemin de croix, prévu ce vendredi 26 juillet. Mais le propre de la « nouvelle évangélisation », auxquelles participent les JMJ, est d’oser investir de tels endroits. La foule de jeunes, massée jeudi soir le long des quatre kilomètres de la plage et dans les rues alentour, pour accueillir le pape François, a montré que même en semaine, un soir d’hiver venteux, frais et bruineux, Copacabana pouvait devenir un grand lieu de fête internationale. Et offrir un cadre paradisiaque aux JMJ. Avec des vagues superbes s’échouant à quelques mètres seulement de la scène, où les chanteurs se sont succédé en attendant l’arrivée en papamobile de « Francesco ». Avec, en guise d’horizon, des mornes surgissant de l’océan comme d’immenses carapaces et l’incontournable pain de sucre pointant vers le ciel.


« Il est bon pour nous d’être ici », a dit le pape, la plage de Copacabana évoquant aussi ce soir-là pour lui « la rive du lac de Tibériade ». Celle sur laquelle Jésus appela ses premiers disciples. Une image très évocatrice pour des JMJ axées sur l’appel du Christ : « De toutes les nations, faites des disciples ! ». Dans un décorum somptueux la fête devait être totale. Mais c’était sans compter sur la pluie, le froid, le vent, les manifestations hostiles, la panne du métro et une minute de silence pour la Française morte en Guyane pour se rendre à ces JMJ. Le mauvais temps a même contraint les autorités à renoncer à organiser la veillée et la messe de clôture des JMJ, samedi et dimanche, sur un vaste terrain transformé en bourbier à Guaratiba, à une soixantaine de kilomètres de Rio. La clôture des JMJ aura finalement lieu sur la plage de Copacabana. Un signe du temps, car le moins qu'on puisse dire, c'est que ciel n'est pas avec le pape.

2 commentaires:

  1. Effectivement vous êtes en droit de vous poser des questions au sujet des JMJ, c'est bien en effet le Woodstock de la foi.

    Je crois surtout que les JMJ ont été institués afin de pouvoir sans arrêt embobiner les jeunes pour le tout système rassurant.

    Si le monde (diversement religieux) vous tolère, vous hait, sachez qu'il m'a haï bien avant vous et cela dès mon plus jeune age (…) "

    Mais vous savez il n'y a pas non plus que ces gens là ...

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  2. Vos propos sont toujours intéressants, d'une profondeur.
    Je vous en remercie.
    Même les oeuvres de l'église catholique me dégoûtent en ces temps de la fin.
    Je vois l'importance de revivre par l'Esprit.
    Je vais essayer de ma familiariser avec les fêtes juives. ce n'est pas facile, on ne parle pas de ces choses au Québec.

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