Nous avons vu comment Napoléon a blessé à mort l’Eglise
au travers de Pie VI. Il s’agit maintenant de rapprocher l’Histoire et les
Ecritures, pour comprendre comment le sixième roi (tête de la bête) va tomber
sous l’action du 7ème roi, qui doit rester peu de temps. Comme d’habitude
un recours à l’Histoire passée est nécessaire pour recoller tous les éléments
ensemble.
La manière dont l’ange s’exprime avec l’apôtre Jean au
moment où l’Apocalypse lui est révélée, nous permet de situer les choses dans
un ordre chronologique. Il apparait que deux choses sont dissociées et
n’évoluent pas selon les mêmes cycles de temps. En Apocalypse 17 : 8 on parle au passé et au futur : « La bête que tu as vue était, et elle n’est
plus. Elle doit monter de l’abîme, et aller à la perdition. Et les habitants de
la terre, ceux dont le nom n’a pas été écrit dès la fondation du monde dans le
livre de vie, s’étonneront en voyant la bête, parce qu’elle était, et qu’elle n’est plus, et qu’elle reparaîtra. »
Puis immédiatement dans le verset qui suit où l’on parle des têtes, ou dit
autrement, des rois qui sont à la tête des empires qui se succèdent, le temps est au présent : Ap : 10 « Ce sont aussi sept rois : cinq sont
tombés, un existe, l’autre n’est pas
encore venu, et quand il sera venu, il doit rester peu de temps. »
La bête est donc un ensemble politico-religieux qui
n’existait plus du temps de l’Apôtre Jean, mais qui reviendra après lui. Babylone la grande, la mère des impudiques
et des abominations de la terre, est la référence qui renvoie au passé et
au futur, mais que l’Empire romain ne représentait pas. Car par son culte,
cette civilisation avait porté au sommet du panthéon la Reine du Ciel, Ishtar. Ishtar
est représentée sur sa célèbre porte à Babylone sous la forme du lion et symbolisait
la royauté divine, le taureau du dieu Marduk représentait le roi comme guide du
troupeau terrestre. Dans la porte d’Ishtar tout est donc dit et symboliquement
représenté, d’où le nom de Babylone, la Porte des dieux. Le roi de Babylone représente
le pontife (le pont) qui permet de faire le lien avec le divin en s’unissant
avec une prostituée sacrée représentant la déesse Ishtar. L’union s’effectuait pendant
la grande fête annuelle de l’Akitu. Tout cela est plus développé dans l’étude
sur les cathédrales si on veut en savoir plus. Cet ensemble unissant la Reine
du Ciel au roi, disparaitra dans les empires suivants.
Le catholicisme qui a rétabli le culte de la Reine du
Ciel en imposant le culte marial conduit par le pontife de Rome, a permis à la
bête de retrouver sa forme originelle telle que le Seigneur la conçoit dans
l’Apocalypse et tel que le diable le souhaite. La Révolution française va faire
vaciller la restauration babylonienne et presque la tuer en frappant le pontife
romain. Mais Napoléon en prenant le pouvoir impérial, va sauver le catholicisme
et indirectement la bête, pour uniquement lui adjoindre une tête
supplémentaire.
La bête de l’Apocalypse est un ensemble de civilisations
qui sont unies dans un même esprit, pour arriver à un même but sous la conduite
occulte de Satan. Ce sont des générations successives que le Seigneur appelle
la semence du serpent dans la Genèse. Cette semence diabolique issue de Caïn ne
se contente pas de se répandre sur la Terre, elle cherche à croître
spirituellement et intellectuellement dans l’esprit de l’homme. C’est le
principe biblique de la marque sur le front, qui consiste à graver dans les
consciences des principes bibliques ou sataniques selon l’esprit qui domine sur
vous. Voyons maintenant comment cette logique s’inscrit dans la constitution de
la 7ème tête de la bête.
C'est sous Napoléon que la France connut d'importantes
réformes qui contribuèrent à forger l'identité du pays à la suite de la
Révolution, et font de lui un des pères de nos institutions. Après la
Révolution, les Français ont obtenu de nouvelles libertés, et acquis l'égalité
civile. Libérés du joug féodal et des prélèvements du clergé (dîme), les
paysans restaient sous l'influence de bourgeois, qui s'enrichissaient et
constituaient de grandes propriétés. Mais tous sans exception souhaitaient la
tranquillité, la stabilité économique, la fin des bouleversements politiques et
de l'insécurité dans les campagnes. C'est le but que s'était fixé Bonaparte,
alors Premier Consul.
Bonaparte opère dès les débuts du Consulat de nombreuses
réformes dans l’éducation, la justice, la finance et le système administratif.
Son ensemble de lois civiles est connu sous le nom de Code Napoléon de 1804. La
période du Consulat est considérée comme la période la plus bénéfique et
prolifique du règne de Napoléon. En effet, durant cette période, Bonaparte
réorganise tout et pose ce qui apparaitra ensuite comme les fondations de
l’État des XIXe et XXe siècles
en France ; ainsi la quasi-totalité des réalisations de Bonaparte existent-elles
encore au début du XXIe siècle malgré les réformes successives.
Durant cette période, la France voit son économie redynamisée, son
administration réorganisée, une justice plus performante, une éducation
développée et la paix retrouvée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Si les choses s’étaient arrêtées au niveau du consulat,
nous aurions eu une bête blessée à mort, mais pas une nouvelle tête pour
remplacer celle de l’ancien Empire romain et de son pontife. Mais Napoléon veut
être plus que le premier consul, car il veut égaler les plus grands monarques,
tel que les empereurs romains ou Charlemagne. Pour cela il doit conquérir comme
eux, les mêmes terres pour symboliquement récupérer leurs couronnes. La
campagne d’Italie a déjà permis la conquête de Rome, la victoire d’Austerlitz
permettra de conquérir celle du Saint Empire et de devenir l’égale de
Charlemagne. Surnommée la « bataille des Trois Empereurs »,
Austerlitz sera la page d’Histoire profane qui mènera vers la 7ème
tête à la bête, car le principe de Saint Empire disparaitra à ce moment-là,
pour laisser la place à l’Empire napoléonien.
Mais pour que cela soit réellement une bascule vers une
nouvelle page de l’Histoire et non un simple déplacement d’autorité d’une tête
couronnée vers une autre, il faut que l’Eglise catholique ne soit plus l’organisatrice
des pouvoirs. C’est là que le maçonnisme va prendre toute sa place dans les
évènements historiques qui vont bouleverser les temps et les institutions. Pendant
la campagne d’Italie, Bonaparte exécutait fidèlement les ordres du gouvernement
français et c’est donc la France qui blessa mortellement la bête. Mais en
revenant d’Egypte où Napoléon fut initié, son état d’esprit changea
radicalement et désormais la conduite de la France se ferait selon les règles de
ce nouvel esprit maçonnique.
Une curieuse alchimie ésotérique, philosophique et
religieuse s’est opérée en Egypte sur Napoléon, qui va se retrouver dans sa
manière de gouverner le pays. Cette antique contrée fascine la fin du
XVIIIe siècle. Comme les hiéroglyphes n'ont pas encore été déchiffrés,
l'égyptologie se résume alors surtout à une égyptomanie aux tendances
ésotériques dans lesquelles puise abondamment la franc-maçonnerie. Elle
transparaît ainsi dans la Flûte enchantée que Mozart compose en 1791, comme
chez des auteurs préoccupés d'expliquer les religions. L'Egypte apparaît comme
la terre des origines de la civilisation et le lieu d'élection de la sagesse.
Mais la mission scientifique jointe au projet va renouveler la perception de
l'Egypte. Bonaparte et le Directoire innovent en joignant à une expédition
militaire un dispositif utilisé au XVIIIe siècle pour le voyage maritime
d'exploration de contrées lointaines. 160 savants sont recrutés pour
travailler sous la protection de l'armée. Il ne s'agit pas, comme lors de la
campagne d'Italie, de charger quelques commissaires de « la recherche des
objets de science et d'art » mais de rassembler des spécialistes pour
explorer et étudier le territoire à conquérir. L'expédition d'Egypte est
typiquement une entreprise des Lumières par le privilège qu'elle donne à la
géographie, à l'étude raisonnée des lieux, du climat, du sol, de la faune et de
la flore, de la population. On imagine facilement comment cette ambiance de
savants et de francs-maçons a profondément impressionné Napoléon et remodelé sa
conception du monde et sa spiritualité.
Pour Napoléon, la religion est désormais devenue un
concept intellectuel qui s’intègre dans une voie mystique plus large, que lui
en tant qu’illuminé maçon va tenter de parfaire à son image. Selon le principe
maçon, il va chercher sa propre voie en explorant le champ de sa conscience
selon ses réflexions propres. Le monde va donc devoir s’adapter de grès ou de
force à sa conception des choses. À partir du coup d'État de Bonaparte du 18
Brumaire, la franc-maçonnerie va vivre quinze années extraordinaires,
multipliant le nombre de loges et d'initiations. Le Premier Consul, va mettre
en pratique ses idées nouvelles en donnant à la maçonnerie une place très
importante dans sa vie et celle de l’Empire.
Lorsque Napoléon Bonaparte arrive au pouvoir, un texte en
neuf articles vient d'être signé le 22 juin 1799 qui organise l'union de la
Grande Loge de France (GLDF) et du Grand Orient de France (GODF) ; le
texte prévoit le rassemblement des archives des deux obédiences, supprime les
privilèges des maîtres des loges de Paris, l'inamovibilité des vénérables, et
institue un système d'élection des officiers. Jean-Jacques Régis de Cambacérès
va devenir le chef d’orchestre maçonnique qui va diriger cette nouvelle
symphonie maçonnique. Décrit par Hippolyte Taine comme « peu brillant par
l'esprit » mais possédant « un bon sens rare et un dévouement sans bornes au
Premier consul », il joue un rôle de premier plan dans
l'élaboration du Concordat et du Code Civil. Il préside cinquante des cent deux
séances consacrées à ce travail et assure la documentation de Napoléon
Bonaparte lorsque celui-ci assume la présidence.
Le 27 floréal an XII, à la tête du Sénat qu'il préside,
il présente à Napoléon Bonaparte le sénatus-consulte qui le proclame Empereur
des français. Le même jour, il est nommé Archichancelier de l'Empire, fonction
définie par l'article 40 de la Constitution de l'an XII. Bien que surtout
d'apparat, elle fait cependant de lui, en théorie, le second personnage de
l’État. En tant que grand dignitaire de l'Empire, il est aussi sénateur,
conseiller d'État, membre du conseil privé et du grand conseil de la Légion
d'Honneur. Afin de contrôler la franc-maçonnerie, Napoléon le nomme par
ailleurs, en 1806, Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France du
Rite Écossais Ancien et Accepté, à la place du comte Auguste de Grasse-Tilly. Le
1er mars 1808, il reçoit les titres de prince et d'altesse sérénissime. Le 19, il
est fait duc de Parme. À partir de Cambacérès la maçonnerie va cimenter la
Nation française dans un nouvel Etat politique que la restauration ne pourra
plus réformer.
Napoléon se méfie toutefois de la franc-maçonnerie, qu'il
fait surveiller par l'intermédiaire de Joseph Fouché, et ce bien que les loges
aient mis en place son buste dans les temples et que toute contestation du
régime soit considérée comme une faute maçonnique grave ; certains
ateliers se consacrent d'ailleurs essentiellement à célébrer la gloire de
l'Empereur (Napoléomagne, la Française de Saint-Napoléon)
quoique d'autres utilisent un signe distinctif rassurant pour dissimuler des
activités royalistes subversives (Saint-Napoléon
d'Angers). Il y a également sous l'Empire un très fort développement des loges militaires,
car Napoléon voit dans la maçonnerie un puissant moyen de cohésion de l'armée,
et un outil au service de ses ambitions européennes (en utilisant les
sentiments supranationaux qui unissent la fraternité).
Mais Napoléon se méfie tout autant du catholicisme.
Sachant qu’il est profondément enraciné dans le pays, il va composer avec en le
manipulant du mieux possible. Sa conception des choses se retrouve dans ses
déclarations sur l’Ecole. Napoléon est convaincu depuis 1802 que l'enseignement
devait reposer sur un triptyque, comprenant les sciences, les humanités et les
principes chrétiens. En 1802, la loi sur les lycées ne faisait aucune allusion
à la religion. Au contraire, l'obligation pour les proviseurs et censeurs
d'être ou d'avoir été mariés laissait penser que l'on voulait écarter les
prêtres des fonctions de la direction de ces nouveaux établissements. Après le
sacre qui manifeste la volonté de Napoléon de s'appuyer sur l'Église,
l'importance de ce socle religieux est confirmée. Napoléon développe devant
Champagny l'idée que pour s'affermir dans le pays, l'enseignement doit reposer
sur les principes chrétiens : « Dans une
nation et sous un gouvernement qui professent le christianisme, il n'y a point
d'éducation, si l'on ne forme des élèves chrétiens. Ce n'est pas seulement en
attachant à un lycée un aumônier qui y dit la messe le dimanche qu'on atteindra
le but. La religion doit être profondément gravée dans le cœur et dans la
raison des élèves ». À Fourcroy, il ne disait pas autre chose, même si les
mots employés étaient plus rudes : «
L'homme sans Dieu, je l'ai vu à l'œuvre en 1793 ! Cet homme-là, on ne le
gouverne pas, on le mitraille ; de cet homme-là, j'en ai assez ! Ah ! et c'est
cet homme-là que vous voudriez faire sortir de mes lycées ? Non, non ; pour
former l'homme qu'il nous faut, je me mettrai avec Dieu ; car, il s'agit de
créer, et vous n'avez pas encore trouvé le pouvoir créateur, apparemment ! »
Napoléon a conscience que la religion est essentielle pour la société. En plus
chef d’un Etat catholique il estime qu’il doit montrer l’exemple, donc il va à
la messe le dimanche (même s’il ne communie pas), il réorganise le service de
la grande aumônerie. Il pratique jusqu’à sa mort, mais ne communie jamais, même
au moment de sa mort, même s’il reçoit l’extrême-onction.
Est-ce à dire que les sentiments de Napoléon étaient
partagés ? Pas du tout, il était cohérent avec son idéal maçon. Car en ce
temps-là ne pas croire en Dieu interdisait l’accès même aux loges. Dans la version
de 1723, le texte fondamental maçonnique est le suivant : "un Maçon est obligé par sa tenure d'obéir à
la loi morale; et s'il entend bien l'art, il ne sera jamais athée stupide ni
libertin irréligieux. Mais, quoique dans les temps anciens, les Maçons fussent
tenus dans chaque pays d'être de la religion quelle qu'elle fût, de ce pays ou
de cette nation, cependant il est maintenant jugé plus à propos de seulement
les astreindre à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d'accord,
laissant à chacun ses opinions particulières ; c'est-à-dire d'être hommes de
bien et loyaux ou hommes d'honneur et de probité par quelques dénominations ou
confessions qu'on puisse les distinguer..." C’est pour cela que
j’affirme que le maçonnisme est un cancer du christianisme, car sans lui il
n’existerait pas. Mais avec Napoléon il va s’amplifier en y adjoignant le culte
païen égyptien, qui va apparaitre sous différentes formes.
Napoléon va donc utiliser le catholicisme comme un outil
maçonnique à l’édification de son grand œuvre. Le 23 avril 1804, le tribun
Curée présente au Tribunat une motion conférant le pouvoir impérial héréditaire
à Napoléon Bonaparte et à sa famille. Le sénatus-consulte du 28 floréal an XII
confie le gouvernement de la République à un empereur. « Napoléon
Bonaparte, Premier Consul, est Empereur des Français. La dignité impériale est
héréditaire. » Le plébiscite de novembre 1804 confère une légitimité
nationale à la nouvelle monarchie : la Constitution de l’an XII est
approuvée. Mais Napoléon souhaite donner un caractère divin à la dignité
impériale.
Le 10 mai 1804, il reçoit le cardinal Caprara et lui
exprime son désir d’être sacré par le pape. Le 10 septembre, il invite
officiellement le souverain pontife à venir le sacrer à Notre-Dame. Après de longues
hésitations, Pie VII finit par accepter. Acclamé tout au long de son parcours à
travers la France, le pape arrive à Fontainebleau le 25 novembre 1804. Le Pape
a hésité à venir en 1804 mais il espère qu’ainsi il pourra avoir des
compensations par rapport au Concordat, et notamment faire abolir les articles
organiques qui sont un carcan pour l’Eglise de France. Il doit très vite déchanter.
Quand le Pape arrive à Fontainebleau Napoléon oblige sa voiture à s’arrêter
dans une allée de la forêt et à faire descendre le Pape dans la boue, il est
ainsi humilié. Un tableau de propagande sera commandé pour commémorer la
rencontre. Le lieu et les personnages sont très symboliques.
Érigé à la place de l'ancienne croix Saint-Jacques,
l’obélisque est la réduction de celui qui se dresse sur la place Saint-Pierre
de Rome. Pour le franc-maçon Napoléon, le symbole est fort, car il signe la
supériorité du maçonnisme sur le catholicisme. C’est une manière habile
d’affirmer dans le symbole ses valeurs spirituelles. Chose qui est parfaitement
manifeste dans la posture des acteurs. Napoléon reste droit face au pape et aux
prélats qui s’inclinent devant lui. Napoléon
enfoncera définitivement le clou, quand du 19 juin 1812 au 23 janvier 1814,
dans les mêmes lieux, Pie VII sera cette fois retenu en captivité. En 1809,
l’Empereur fait arrêter le Souverain Pontife et saisit ses états. Le pape est
alors détenu à Savonne, puis conduit à Fontainebleau afin de signer un éphémère
« concordat de Fontainebleau » que lui extorque Napoléon (25 janvier – 24 mars
1813).
Quelques jours plus tard, pendant le sacre, Napoléon
accentuera encore sa marque d’autorité sur le pape. Au-delà de la valeur morale
qu’a pu avoir un sacre religieux aux yeux des catholiques, de la valeur
symbolique d’un couronnement pontifical rappelant le sacre des empereurs
germaniques, Napoléon se place à l’égal, voire au-dessus des rois européens
comme successeur de Charlemagne et des empereurs de la Rome antique. La
présence du pape au sacre donne une dimension morale et légitime supplémentaire
à l’Empire. Celui-ci n’est plus simplement le fruit d’une révolution, c’est un
couronnement divin comme celui des autres souverains européens, mais qu’aucun
d’eux ne peut égaler. Napoléon se place au même niveau que le souverain du Saint-Empire
romain germanique avant de le dépasser pour devenir l'unique empereur en
Europe. François II l'avait d'ailleurs bien compris puisqu'après la
proclamation de l'Empire français, il décrète que l'Autriche, alors archiduché,
devient aussi un Empire.
Malgré les réserves des Brumairiens, le sacre était le
plus sûr moyen de désarmer l'opposition de la Belgique, de l'Italie et de la
Vendée profondément catholiques. C'était souligner encore plus cruellement
qu'en raison des circonstances, Louis XVIII n'avait jamais été sacré. Pie VII
célébra la messe, bénit l'anneau, l'épée, le manteau, le globe, le sceptre et
la couronne. Mais Napoléon se couronna lui-même puis couronna Joséphine
agenouillée devant lui. Avec le peintre Jean-Baptiste Isabey, David conçoit des
costumes chamarrés pour les parvenus et les rudes soldats devenus maréchaux
d'Empire ou dignitaires qui doivent assister au sacre. L'empereur lui-même
devra traîner un manteau de 22 mètres. Le peintre franc-maçon Jacques-Louis David
de la loge de la Modération immortalisera le sacre par une série de tableaux de
propagande, où naturellement la symbolique tiendra une grande part.
Après avoir été sacrés, l'Empereur et l'Impératrice
montent sur l'estrade. Le pape les bénit en prononçant ces mots :
"Sur ce trône de l'Empire que vous affermisse et que, dans son royaume
éternel, vous fasse régner avec lui, Jésus-Christ, Roi des Rois, Seigneur des
Seigneurs, qui vit et règne avec Dieu le père et le Saint-Esprit dans les
siècles des siècles". Puis Pie VII donne l'accolade à l'Empereur et
dit : "Vivat Imperator in aeternum", ce à quoi répond
l'assistance par des "Vive l'Empereur" et "Vive
l'Impératrice". C'est alors que Napoléon prononce son serment civil
mentionné dans les témoignages. Enfin, le héraut d'armes proclame
majestueusement : "Le très glorieux et très auguste Napoléon,
empereur des Français, est sacré et intronisé !". A cet instant
précis, la 7ème tête de la bête est formée pour un peu de temps.
La page est tournée, car Napoléon 1er ne
reconnait pas l’autorité papale de l’Eglise. Le pontife n’est plus qu’une
marionnette entre les mains du maitre des cultes. Cette nouvelle autorité
spirituelle s’affirmera dans les symboles comme le veut la tradition
maçonnique. Proclamé Empereur des Français, Napoléon aborde pour la première
fois le problème des emblèmes de la souveraineté le 23 prairial suivant (12
juin) lors d'une séance au Conseil d'Etat. Le choix d'une nouvelle symbolique,
nécessaire pour marquer la rupture avec la monarchie d'Ancien Régime, s'avère difficile.
Crétet propose successivement l'aigle, le lion et l'éléphant. Cambacérès
préfère les abeilles, puisque la France est une république avec un chef, comme
une ruche. Officiellement présenté comme le symbole de Mérovingiens, Cambacérès
représentant la maçonnerie ne trompera personne d’initié, puisque ce symbole était
très répandu chez les francs-maçons au 19ème siècle. Elle représente les
prêtresses du Temple, les Pythonisses, les âmes pures des initiés, l'Esprit, la
Parole; car elle purifie par le feu et elle nourrit par le miel; elle brûle par
son dard et illumine par son éclat. Sur le plan social, elle symbolise le
maître de l'ordre et la prospérité, roi ou empereur, non moins que l'ardeur
belliqueuse et le courage. Elle s'apparente aux héros civilisateurs, qui
établissent l'harmonie par la sagesse et par le glaive. La ruche représente
symboliquement le nouveau temple maçonnique, comme l’Epouse du Christ
représente le nouveau Temple. Ici le principe d’inversion et de substitution biblique
est clairement exprimé.
Le 21 messidor an XII (10 juillet 1804), l'Empereur raye
le lion sur le décret instituant son sceau et ses armes pour imposer l'aigle.
Mises au point par Denon, Gay et Biennais, les armes de l'Empire, inspirées par
la Rome antique et Charlemagne, seront reprises sans grandes transformations
par le Second Empire. Elles combinent les éléments principaux suivants :
L’aigle impériale qui marie habilement les empires romains et carolingien.
L’abeille maçonnique et la Légion d'honneur dessinée par le maçon David qui
emprunte sa dénomination à la Rome antique.
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