Je reviens d’Israël ou comme d’habitude on a exploré le
pays et ses habitants de fond en comble. Cette année la guerre et les tensions
avec les Arabes étaient bien palpables. On est passé le long de la frontière
syrienne où quelques kilomètres plus loin montait la fumée des combats qui
était très visible. Tout comme les mouvements de chars israéliens ou de l’ONU. Quand
on pense que l’Etat israélien voulait céder le Golan il y a quelques années. Pour
quelle paix aujourd’hui ?
Une chose était particulièrement remarquable, c’est l’attitude
des musulmans qui est beaucoup plus tendue et nerveuse que les années
précédentes, attitude qui souvent devenait agressive, voire violente, même avec
les touristes. Imaginer la paix avec un monde musulman en mutation et qui se
radicalise est une illusion que seul l’Occident aveugle peut encore soutenir,
surtout si cet Occident est lui-même en guerre avec les islamistes au Mali ou
en Afghanistan, tout en voulant soutenir ces mêmes islamistes contre Assad, c’est
vraiment du n’importe quoi. Toujours est-il, que les chrétiens doivent
clairement se positionner pour ou contre Israël, car la neutralité n’est plus
possible en ce moment.
La chose est particulièrement brûlante en ce moment, car
en faisant ressurgir les scénarios d'intervention occidentale en Syrie, l'affaire
des armes chimiques a replacé dans l'actualité celle des missiles russes S300.
À l'issue d'un contrat d'un milliard de dollars signé en 2010, c'est-à-dire
avant le début de la crise syrienne, Moscou est censée fournir au régime de Bachar
el-Assad ce système de défense anti-aérienne sophistiqué, dont les batteries
sol-air sont capables d'intercepter des avions et des missiles téléguidés jusqu’à
12 simultanément.
La Russie finalise les livraisons de ses missiles de
défense aérienne à la Syrie, a déclaré vendredi à Varsovie le ministre russe
des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. « La Russie vend (des missiles) depuis longtemps, elle a
signé des contrats et est en train de finaliser les livraisons en vertu des
contrats signés. Ceci n’est interdit par aucun accord international »,
a-t-il déclaré devant la presse. Selon le chef de la diplomatie russe, « il s’agit d’une arme défensive pour
que la Syrie, qui est le pays importateur, ait la possibilité de se défendre
contre des frappes aériennes, ce qui comme nous le savons n’est pas un scénario
fantaisiste ».
« Il
est crucial dans ce moment important d'éviter tout acte pouvant déstabiliser la
situation », a déclaré M. Poutine à l'issue d'entretiens avec M.
Netanyahu, dont le pays a effectué au début du mois des frappes aériennes
contre des cibles en Syrie. Selon le journal Nezavisimaya Gazeta, les S300 existent
sur le sol syrien mais ils y sont couverts. « Cette
information a été transmise à Netanyahu au cours de sa récente rencontre avec
le président Poutine au Kremlin ».
La Russie aurait également livré à la Syrie des missiles
antinavires Iakhont, rapporte le quotidien New York Times, citant des
fonctionnaires américains qui ont requis l'anonymat. "Cette décision montre
clairement à quel point le soutien apporté par Moscou au régime de Bachar
el-Assad est substantiel", conclut le New York Times. Selon le
journal, il s'agit de missiles Iakhont dotés d'un système de pointage
sophistiqué. D'après les experts américains, ces missiles permettraient à Damas
d'opposer une riposte plus efficace aux forces navales de l'Occident si elles
tentaient d'imposer un embargo maritime. Le Iakhont est un missile antinavire
supersonique d'une portée de 300 km. Long d'environ 9 mètres, il peut être
lancé à partir de sous-marins, d'avions ou de batteries côtières. Selon les
spécialistes russes, le Iakhont est le missile antinavires le plus rapide au
monde: sa vitesse maximale est de Mach 3,5
Clairement du matériel de pointe est livré à la Syrie et
indirectement va servir au Hezbollah. La victoire remportée, et annoncée
mercredi 5 juin, par le Hezbollah, au prix de combats acharnés, dans la ville
de Qoussair, représente sans doute un tournant de la crise syrienne. Elle ne signifie
pourtant pas que Bachar Al-Assad a repris la main, mais au contraire qu'il l'a
perdue au profit de l'Iran et de ses supplétifs libanais. Car l'essentiel de la
contre-insurrection urbaine est assuré par les commandos du Hezbollah, encadrés
par les pasdarans iraniens – "gardiens de la révolution" – alors que
l'armée du dictateur syrien assure le soutien de l'artillerie et de ses blindés
et également le matériel sophistiqué livré par les Russes.
Cela fait plus d'un an que cette tendance lourde change
le cours du conflit syrien, en laissant la première ligne "loyaliste"
aux mains des troupes de choc chiites, venues du Liban, avec un renfort en
officiers iraniens et en "chair à canon" irakienne. Téhéran a été
contraint d'engager aussi directement ses clients et ses conseillers pour compenser
le délitement des défenses gouvernementales depuis l'été 2012, face aux
avancées révolutionnaires sur Damas et Alep. Ce contrôle opérationnel de l'Iran
a été démontré avec éclat, en janvier, lorsque la libération de 48
ressortissants iraniens a été négociée par la guérilla syrienne en échange de
plus de 2 000 prisonniers aux mains du régime Assad.
Un tel transfert de la charge de la répression, qui
s'annonce également sur les fronts de Damas, de Homs et d'Alep, alimente une
escalade dans l'horreur infligée aux Syriens. Il réduit à une pure fiction la
"légitimité" dont se targue Bachar Al-Assad, avec le soutien de Vladimir
Poutine. Cette dépossession du régime syrien au profit de ses
alliés chiites s'accompagne d'une dérive messianique dont les conséquences à
court et moyen terme ne sauraient être sous-estimées. L'eschatologie chiite
accorde en effet une place de choix à la Syrie dans son grand récit de la fin
des temps. C'est là que l'imam caché, le Mahdi, reviendra pour y terrasser le
Sofyani, la figure maléfique qui se pare des habits de l'islam pour mieux le pervertir.
Le Hezbollah avait revendiqué, dès 2006, l'assistance du
Mahdi dans la "Victoire divine" remportée, selon lui, contre Israël.
J'avais acquis l'année suivante, au Centre culturel iranien de Damas, des
brochures prophétisant la "grande bataille" en Syrie, où se
rejoindraient les armées des fidèles venus du Liban, d'Iran et d'Irak, pour combattre
ensemble les "faux musulmans" soulevés contre Assad, avant de partir à
la conquête de Jérusalem.
C'est ce discours que véhiculent aujourd'hui le Hezbollah
et son chef, le cheikh Hassan Nasrallah. Il faut l'intensité dramatique de ce
scénario apocalyptique pour justifier auprès de la base libanaise du
"Parti de Dieu" les sacrifices consentis en Syrie, officiellement au
nom de la Palestine. Tel est le prix à payer pour l'alignement idéologique de
Nasrallah envers l'ayatollah Khamenei, très contesté par la hiérarchie
cléricale en Iran même : le Guide de la révolution iranienne a ainsi plus de
disciples au Liban que dans son propre pays !
Ni Khamenei ni Nasrallah ne croient aux élucubrations
millénaristes jetées en pâture à leurs partisans. Cette propagande délirante
acquiert cependant une dynamique propre, qui échappe à ses instigateurs, et
encore plus à Bachar Al-Assad. Elle ouvre un abîme dans lequel l'utilisation
d'armes de destruction massive n'est plus qu'une question d'opportunité, sur
fond de souffrances indicibles. C'est en effet à d'épouvantables massacres
entre musulmans que préparent ces prédictions apocalyptiques.
L'appel à la défense du sanctuaire de Sayyida Zeinab est
ainsi déterminant dans le recrutement en Irak de milliers de miliciens chiites
à destination de la Syrie. Zeinab, fille de l'imam Hussein, martyrisé à Kerbala
en 680, est révérée pour avoir défié jusque dans les chaînes le calife sunnite
de Damas. Sa dépouille est enterrée dans un faubourg de Damas qui porte
désormais son nom. Deux minarets dorés, l'un offert par l'Iran du temps du
Chah, l'autre par l'ayatollah Khomeyni en signe de piété, marquent l'emprise
perse sur le mausolée. La brigade chiite qui protège ce sanctuaire sécurise du
même coup la route stratégique vers l'aéroport international de Damas.
Il convient de rappeler que les alaouites, communauté à
laquelle se rattache la famille Assad, ne sont pas plus chiites que les mormons
ne sont protestants. Quant aux Syriens de confession chiite, ils représentent
moins de 1 % de la population nationale. L'importation de cette querelle chiite
sur la terre de Syrie représente bel et bien une agression étrangère, dont on
attend qu'elle soit condamnée comme telle par les instances internationales. Un
tel recours au droit s'impose face à la montée aux extrêmes nourrie par cette
mobilisation apocalyptique.
Les formations djihadistes, dont l'influence croît à la
mesure de la passivité occidentale, sont de plus en plus tentées de promouvoir
leur propre discours messianique. Damas est après tout, dans la tradition
sunnite, le lieu où Jésus/Issa, avant-dernier prophète de l'islam, reviendra à
la fin des temps pour affronter Al-Dajjal, l'Antéchrist ou faux prophète. C'est
sur le "minaret blanc" de la mosquée des Omeyyades que Jésus
redescendra parmi les hommes pour cet ultime combat.
Le "minaret blanc" fait déjà florès dans la
propagande djihadiste en Syrie. Bachar Al-Assad n'a pas peu contribué à cet emballement
en libérant, en février 2012, Abou Moussab Al-Souri, un compagnon de route
syrien de Ben Laden, que la CIA lui avait livré quelques années plus tôt. Car
Abou Moussab Al-Souri est convaincu que la Syrie sera le théâtre d'une grande
bataille apocalyptique. Il a brossé une fresque terrible des carnages qui
ravageront son pays natal, non sans assimiler Bachar Al-Assad au détestable
Sofyani. Ces thèses monstrueuses ont été largement diffusées sur Internet, par
les sites djihadistes.
Les éléments les plus sinistres de cette dramaturgie
messianique sont en train de se mettre en place du côté des plus exaltés des
militants chiites et sunnites. Il s'agit d'un effroyable détournement de la
révolution syrienne, longtemps pacifique, et fondamentalement vouée à restituer
au peuple de Syrie son droit imprescriptible à l'autodétermination. Mais la
complicité, active de la Russie, passive des Etats-Unis, a permis au régime
syrien de ruiner les espérances de sa population au prix d'une surenchère aussi
catastrophique.
Le pire est à venir en Syrie et les manoeuvres
diplomatiques paraissent bien futiles, surtout lorsqu'elles semblent
récompenser les fourriers d'une guerre atroce. Il faut sauver au plus tôt le
peuple syrien du choc entre les apprentis sorciers de la fin des temps.
Pour revenir à notre voyage en Israël, on est également
allé à Sderot qui se trouve à 1 kilomètre de la bande de Gaza, soit également à
15 secondes d’un tir de Qassam. Le nom Qassam donné à ce type de roquettes fait
référence à Izz al-Din al-Qassam un prédicateur et militant syrien, membre des Frères
musulmans qui prônait le Jihad la révolte contre les puissances coloniales
européennes et l'immigration juive en Palestine mandataire dans les années 1920
et 1930. De 2001 à 2010 environ 5000 ont été tirées sur Israël, principalement
la population civile. La population exposée à ces tirs est affectée également
psychologiquement. 33 % des enfants vivant dans la ville israélienne de Sdérot,
cible fréquente des attaques de Qassam, souffrent de trouble de stress
post-traumatique.
On nous a fait un exposé de la situation dans un bunker
puis nous avons pu voir un stock de Qassam explosés au poste de police à côté.
Ces engins font à peu près 2 mètres de long et sont de fabrication très
artisanale. Cependant de nouveaux modèles apparaissent et on voit immédiatement
qu’ils sortent d’usine et sont bien plus précis que les premiers modèles. Ces
engins viennent sûrement d’Iran via l’Egypte pour entretenir un climat de
terreur et de guerre. Comme on le voit
la situation s’aggrave nettement.
Pour terminer, je rapporterais cette anecdote
personnelle. En visitant la Cité de David, site archéologique au pied des
murailles de Jérusalem, les sirènes se sont mises à hurler selon une modulation
très particulière, il s’agissait du signal indiquant qu’Israël entrait en
guerre….
Difficile de décrire l’émotion du moment et en ce lieu en
entendant ces sirènes annonçant la guerre, mais elle était profonde et réelle,
pourtant il ne s’agissait que d’un exercice, pour le moment, car d’habitude on
utilise jamais ce type de modulation…
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