Nous avons vu dans les chapitres précédant, que
l’adversaire matérialise dans une structure terrestre, l’église en pierre, ce
que Dieu dématérialisa dans un corps mystique, l’Ecclésia qui forme
l’Epouse du Christ. La volonté divine avait déjà été clairement affichée, quand
la synagogue remplaça le temple et poursuivit son essor avec le christianisme
dans la nouvelle alliance en Jésus-Christ. Le but de former un corps mystique
est de permettre à l’Esprit-Saint de pleinement s’exprimer, car Dieu est Esprit
et le cœur des hommes est Son royaume, car ce royaume n’est pas de ce monde,
mais trouve sa finalité quand la Jérusalem céleste descend du ciel, pour
révéler à l’univers l’Epouse du Christ. L’Eglise selon ce principe ne se
construit donc pas dans ce monde, car elle est uniquement spirituelle. Les dons
de l’Esprit et les ministères définis dans la Bible, devant en assurer seul la
cohésion.
Une fois la structure terrestre établie, le diable peut
lui donner une orientation, dans le sens étymologique du terme, soit dirigé
vers l’Orient. Ces édifices naissent et vivent au rythme des cycles solaires,
pour rappeler que l’antique « sol invictus » est désormais le
principe d’autorité qui gouverne dans l’église. Par le souverain pontife qui
reprend à son compte la gouvernance de l’empereur de Rome, le trône du pape
Rome remplace celui l’antique pontifex maximus dont il reprend également le
nom. A partir de là, la cathédrale devient également le siège de l’autorité de
Rome.
Ayant ramené sur terre ce que Dieu construit dans le
ciel, Satan doit également lier définitivement l’édifice aux cieux, pour donner
l’illusion d’une dimension spirituelle à ce qui n’est que terrestre. Il va donc
ajouter au plan horizontal, une dimension tripartite verticale, qui symbolisera
l’union de trois mondes. Celui des morts, des hommes et du ciel. Ce cheminement
est symbolisé par deux axes, l’un horizontal et l’autre vertical que l’on
retrouve dans les cathédrales.
Une cathédrale est le seul édifice qui soit né par et
pour la lumière, car au Moyen-Age on est persuadé qu’elle mène vers Dieu, qui
est la lumière du monde. Le premier cheminement vers la lumière est donc purement
subjectif, car il suit celui du soleil. Le fidèle est invité à entrer dans une
cathédrale par l’ouest, où les images du jugement dernier sont gravées sur les
frontons, rappelant que le Christ aux derniers jours jugera les hommes. C’est
la première image que les hommes verront en arrivant devant l’édifice. Ils
viennent donc de la nuit du couchant, qui représente le monde extérieur, qui
est la première composante tripartite du plan horizontal, pour aller vers le
levant, l’est qui représente le soleil levant du Christ ressuscité.
Les formes orthogonales formant la base de l’édifice,
symbolisent le monde terrestre et humain, alors que les formes circulaires ou
sphériques (coupoles, dômes…) symbolisent le monde céleste et divin. La nef
rectangulaire formera la seconde composante tripartite et symbolisera
l’Ecclésia, dans laquelle est confinée la communauté des croyants. La dernière
et troisième partie est l’abside du latin « absis » (voûte, arcade). Partie qui
termine le chœur d'une église en hémicycle orientée vers l'est, qui représente
le ciel, la direction où on veut aller, celle vers laquelle les regards sont tournés
et qui symbolise le lieu où Dieu réside.
La cathédrale comme antimonde céleste voulu par l’adversaire,
cherche donc à reproduire dans son architecture, ce que Dieu bâtit dans le
ciel. Le gothique s'illustre dans des lieux publics et assume également une
fonction de représentation. La cathédrale gothique, construction la plus
emblématique du style, est une image de la Jérusalem céleste. Manifestation de
la puissance et de la grandeur de Dieu elle est une invitation à l'élévation
spirituelle. L'architecture gothique est l'incarnation de la théologie de la
lumière élaborée par les pères de l'Église catholique (en particulier saint
Augustin) et « remise » au goût du jour par un François d’Assise qui voit
dans la nature la glorification de Dieu et dans la lumière l'expression du
divin. La cathédrale est avant tout un édifice de lumière et c’est cette
recherche de la lumière qui exige la légèreté des structures gothiques et non
un accident découlant de l'évolution des techniques.
La cathédrale comme élément centrale de la ville, est
également une représentation de la cité de Dieu, domaine sacré, accueillant la
communauté des croyants. Image du royaume de Dieu dans sa symbolique, elle
l’est aussi dans sa construction même qui met en œuvre une géométrie complexe,
idéale, divine. Le plan gothique répond aux règles de la scolastique, l'édifice
se divise en sections et subdivisions uniformes qui doivent renvoyer à l’image
de la Jérusalem céleste. Ap 21 : 10
Et il me transporta en esprit sur
une grande et haute montagne. Et il me montra la ville sainte, Jérusalem, qui
descendait du ciel d’auprès de Dieu, 11 ayant la gloire de Dieu. Son éclat
était semblable à celui d’une pierre très précieuse, d’une pierre de jaspe
transparente comme du cristal. 12 Elle
avait une grande et haute muraille. Elle avait douze portes, et sur les portes
douze anges, et des noms écrits, ceux des douze tribus des fils d’Israël: 13 à l’orient trois portes, au nord trois
portes, au midi trois portes, et à l’occident trois portes. 14 La muraille de la ville avait douze
fondements, et sur eux les douze noms des douze apôtres de l’agneau… 18 La muraille était construite en jaspe, et la
ville était d’or pur, semblable à du verre pur.19 Les fondements de la muraille de la ville
étaient ornés de pierres précieuses de toute espèce…
"Le mur de la
Cité repose sur douze fondations, et chacune porte le nom d'un des douze
Apôtres de l'Agneau." A partir
du XIIIème siècle, il n'était pas rare de placer des statues des Apôtres contre
les colonnes pour rappeler ce passage de l'Apocalypse et un autre de Saint
Paul. "La muraille est en jaspe, et
la Cité est d'or pur, aussi claire que le verre. La muraille est ornée de
toutes sortes de pierres précieuses."
Les immenses verrières des églises gothiques sont l'équivalent de ces
pierres précieuses. Il faut se souvenir que le verre était un produit de très
grand luxe avant le XVIème siècle (par exemple seuls les plus riches avaient
des vitres à leurs fenêtres). Par conséquent, il va sans dire que les verrières
des églises étaient des objets luxueux pratiquement aussi coûteux que des
pierres précieuses. Ainsi que les statues recouvertes d’or, les croix et autres
instruments en or massif répandus autour du maître autel. "La voix que
j'entendis était semblable à celle de joueurs de harpe. Et ils chantent un
chant nouveau devant le Trône." (14,2 et 3) Le chœur reproduit ce passage.
La base de la ville est carrée et s’élève telle une pyramide
vers le sommet d’où le Seigneur illumine toute la ville. Ap 21 : 22 Je ne
vis point de temple dans la ville ; car le Seigneur Dieu tout-puissant est
son temple, ainsi que l’agneau. 23 La
ville n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer ; car la
gloire de Dieu l’éclaire, et l’agneau est son flambeau. 24 Les nations marcheront à sa lumière, et les
rois de la terre y apporteront leur gloire. 25
Ses portes ne se fermeront point le jour, car là il n’y aura point de
nuit. 26 On y apportera la gloire et
l’honneur des nations… 22 : 3 Le
trône de Dieu et de l’agneau sera dans la ville ; ses serviteurs le
serviront… Le trône de l'évêque, la
cathèdre, d’où le bâtiment tire son nom, est placée au fond de l'abside, dans
l'axe, comme le siège du juge de la basilique antique, tandis que l'autel
s'élève en avant de la tribune, ordinairement sur le tombeau d'un martyr.
L'évêque, entouré de son clergé, se trouve ainsi derrière l'autel, isolé et
dépourvu de retable et voit donc l'officiant en face. Cette disposition où l'officiant fait face à l'Assemblée des
fidèles, explique pourquoi, jusque vers le milieu du dernier siècle du Moyen
Âge, dans certaines cathédrales, le maître-autel n'est qu'une simple table sans
gradins, tabernacles ni retables. L’évêque est donc une reproduction de Dieu
sur terre.
Le plan horizontal d’une cathédrale, est donc une
reproduction terrestre, du cheminement qui mène le chrétien vers Dieu. Le livre
de pierre révèle ainsi les pages les plus glorieuses de l’Apocalypse, où
apparait la Jérusalem céleste. La cathédrale devient la porte qui mène vers
Dieu et le dieu de cette porte est l’évêque qui y trône. Le nom Babylone
signifiant le « dieu de la porte », ces versets de l’Apocalypse
prennent alors tout leur sens. Ap 17 : 3
Il me transporta en esprit dans un
désert. Et je vis une femme assise sur une bête écarlate, pleine de noms de
blasphème, ayant sept têtes et dix cornes. 4
Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or, de
pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d’or,
remplie d’abominations et des impuretés de sa prostitution. 5 Sur son front était écrit un nom, un
mystère : Babylone la grande, la mère des impudiques et des abominations
de la terre. 6 Et je vis cette femme
ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Et, en la voyant, je
fus saisi d’un grand étonnement.
On peut vraiment être dans l’étonnement, quand la description
de la Prostituée de l’Apocalypse se rapporte à une Eglise dite chrétienne. Mais
comme le catholicisme est une forme d’inversion des valeurs chrétiennes par son
idolâtrie, son goût du luxe et les meurtres de masse qui s’opéraient du temps des
cathédrales, le passage résume bien les choses. "La mère des impudiques et des abominations de la terre, renvoie
directement au fronton du Latran, "mère et tête de toutes les églises de
la ville et du monde", qui est l’église mère et modèle sur lequel toutes
les églises catholiques du monde seront construites, et siège épiscopal du
pape. Sur ce trône, le pape porte la tiare papale, appelée aussi le trirègne,
qui est la triple couronne des papes. Elle symbolise l’autorité sur les trois
mondes que rappellent la structure de la cathédrale. Ce triple pouvoir s’exprimé
par ces trois titres, qui avaient à l'origine un accent très
« temporel » ou « politique » : Père des rois, qui
symbolise le monde extérieur de l’Eglise. Régent du monde, qui est l’Eglise et Vicaire
du Christ. La cathèdre et la tiare papale « couvre » l’autorité sur
les trois mondes.
L’étrange prétention de prétendre au titre de vicaire du
Christ, est apparue assez tardivement dans l'histoire de la papauté. Au départ,
l'évêque de Rome a déclaré être le vicaire de César, proclamant que ses
successeurs seraient les héritiers légitimes des empereurs romains. La ville de
Rome, siège du pouvoir impérial romain, est devenue le siège de l'autorité de
l'évêque de Rome. Peu à peu, les autres évêques et les chefs des nations ont
accepté de voir dans l'évêque de Rome le vicaire et le successeur de César, et
de lui attribuer, tout comme à César, le titre de "Pontifex Maximus".
Par la suite, les évêques de Rome se sont attribué le titre de "Vicaire du
prince des Apôtres", autrement dit, de "Vicaire de Pierre". Vers
le début du cinquième siècle, l'évêque Innocent 1er (401-417) posa le principe
selon lequel le Christ aurait délégué le pouvoir suprême à Pierre et l'aurait
établi évêque de Rome. Plus tard, il considéra qu'en tant que successeur de
Pierre, l'évêque de Rome pouvait exercer les prérogatives et le pouvoir de
Pierre. Boniface III, qui devint évêque de Rome en 607, s'établit de sa propre
initiative en tant qu'Evêque Universel, soutenant
qu'il était le vicaire et le maître de tous les autres évêques. Mais c'est
seulement au huitième siècle qu'on vit apparaître le titre de "Vicaire du Fils
de Dieu", dans un document frauduleux intitulé "Donation de
Constantin". Au début du seizième siècle, la preuve fut établie que ce
document était un faux ; cependant, les évêques de Rome portent ce titre depuis
le huitième siècle. Le pape s'approprie ainsi une suprématie tant spirituelle
que temporelle. Les porteurs d'un tel titre prirent goût aux pouvoirs divins
qu'il confère, au point de ne plus pouvoir y renoncer. Le "Vicaire de
Christ" ne reconnaît d'autre autorité que la sienne, et se considère comme
le Maître de tout. Il a l'audace de proclamer que "le Premier Siège n'est jugé
par personne".
Le rôle de "Vicaire (remplaçant) de
Christ" sur la terre, selon la doctrine romaine, est si vaste et si
complexe qu'il est impossible à un seul homme d'exercer un pouvoir
"suprême, plénier, immédiat, universel". Aussi la personne qui
prétend être investie de ce rôle doit-elle avoir sous ses ordres une vaste
hiérarchie. La pyramide hiérarchique soumise au "Vicaire de Christ"
est composée de cardinaux, de patriarches, d'archevêques, de métropolitains, de
coadjuteurs des archevêques, d'évêques diocésains, de vicaires épiscopaux,
d'éparques, de vicaires apostoliques, de préfets apostoliques,
d'administrateurs et de vicaires généraux. Quand la tête de cette structure
hiérarchique vient à décéder, toutes ces fonctions continuent, sous un autre
régime. La loi actuelle du Vatican stipule qu'à la mort d'un Pape, le
gouvernement est confié au Camerlingue (Chamberlain), c'est-à-dire à un
cardinal nommé par le Pape du vivant de ce dernier, pour assurer la fonction
d'administrateur après la mort du Pontife. Le droit canonique interdit
explicitement au Camerlingue d'introduire une innovation quelle qu'elle soit
tant que le siège papal est vacant (Canon 335).
C’est cette hiérarchie très spéciale que résume ce
passage, "la femme est assise sur
une bête écarlate, pleine de noms de blasphème". Les évêques sont vêtus en pourpre violet et cardinaux en pourpre
écarlate. Il porte la mitre, ou bonnet à corne, qui symbolisait dans l’antiquité
babylonienne la divinité. A Babylone on identifiait un dieu par le symbole des
cornes, la déesse Ishtar par exemple portait quatre paires de cornes, ce qui
signifiait que ce nombre élevé de cornes, la plaçait tout en-haut du panthéon
babylonien. L’évêque en portant la mitre représente le vicaire de Rome, qui lui
remplace le Fils de Dieu sur terre. Une véritable folie blasphématrice du
catholicisme. Le mensonge originel de Satan, "vous serez comme des dieux"
(Genèse 3:5) atteint son comble dans cette prétention d'être le "Vicaire
de Christ". Ainsi s'accomplissent à la lettre les paroles de l'Apôtre Paul
sur celui "qui s'élève au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu...
et qui va jusqu'à... se faire passer lui-même pour Dieu" (2
Thessaloniciens 2:4).
La cathédrale comme représentation de la Jérusalem
céleste et son évêque comme celui du Christ, renvoie également à celui de la
ville éternelle, Rome. L’antique ville au sept collines. "Les
sept têtes sont sept montagnes, sur lesquelles la femme est assise" Ap
7 : 9. Ce sont les sept têtes de la
bête écarlate exaltées dans le Tour des sept églises, qui est une expression
traditionnelle et officielle d’un pèlerinage de Rome, instituée par saint
Philippe Néri le 25 février 1552. Ce tour inclut les quatre basiliques majeures
de Rome ainsi que trois importantes basiliques mineures. Le nombre 7 prend
évidemment une valeur symbolique : il évoque le nombre des collines de
Rome. En procession ou isolément, nombre de romées suivront le chemin tracé par
saint Philippe Néri. En 1575, le pèlerinage aux sept églises deviendra la norme
pour obtenir l’indulgence plénière du jubilé.
En replaçant les choses à leur endroit, il apparait que
le plan horizontal de la cathédrale, loin de représenter symboliquement le
chapitre 21 de l’Apocalypse où apparait la Jérusalem céleste, épouse
parfaitement la forme du chapitre 17 où est révélé la femme assise sur la bête
écarlate.
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