http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: Les enjeux du pontife romain au Brésil 2

mercredi 24 juillet 2013

Les enjeux du pontife romain au Brésil 2

Pour la cérémonie d’accueil du pape au palais de Guanabara Dilma Rousseff s’est présentée au pape argentin comme une alliée dans la recherche commune de la construction d’un monde meilleur. Un discours d’accueil donc très politique. En revanche, le pape n’est pas allé sur ce terrain qu’il arpente avec aisance : pas un mot sur la pauvreté, les inégalités sociales, l’ultralibéralisme, la finance dérégulatrice. Son discours d’arrivée a été pastoral et spirituel : donner aux jeunes le goût du Christ et l’élan missionnaire, avec cette très belle phrase : « La jeunesse est la fenêtre à travers laquelle l’avenir entre dans le monde ... Comme on le sait, la principale raison de ma présence au Brésil dépasse ses frontières. En effet, je suis venu pour les Journées mondiales de la jeunesse. Je suis venu rencontrer les jeunes venus de toutes les parties du monde, attirés par les bras grands ouverts du Christ Rédempteur. Ils veulent trouver refuge dans ses bras ouverts, tout proche de son cœur, écouter à nouveau son appel clair et puissant : « Allez donc ! De toutes les nations, faites des disciples ».

Dans le discourt d’introduction papal, le ton et la direction spirituelle est donnée pour se recentrer sur le champ de la mission évangélique, car c’est dans ce domaine que le catholicisme à le plus de soucis à se faire à l’avenir. Le champ de mission est en train de se transformer en champ de bataille où le catholicisme est en passe de perdre la guerre spirituelle de manière définitive en Amérique du Sud face aux églises évangéliques. Il ne s’agit pas de la génération la plus âgée, mais des jeunes mieux formés et éduqués qui aspirent à plus de justice sociale et de démocratie. Or l’action de l’Église catholique a toujours été conservatrice à travers le temps et donc de facto contre les aspirations légitimes des plus pauvres.

Dès la conquête de l’Amérique du Sud, l’Église catholique a systématiquement été contre les minorités. L’Église catholique a accompagné la conquête européenne en Amérique avec les violences et les spoliations qui ont marqué la domination sur les Amérindiens du XVIème siècle au XIXème siècle. Cette Église devient avant tout, la représentante des intérêts de la minorité blanche : La procédure du « requerimiento » met en demeure les populations indiennes d’accepter la foi catholique, la juridiction du pape et du roi d’Espagne, sous peine d’extermination et d’esclavage. Les voix de religieux s’exprimant à contre-courant demeurent historiquement des phénomènes isolés.

A partir de la vague d’indépendances au XIXème siècle, la hiérarchie de l’Église restera liée économiquement et politiquement aux partis conservateurs et appuiera les partis politiques qui s’opposent aux réformes, y compris après la seconde Guerre mondiale. L’Église catholique va chercher à corriger le tir avec Vatican II. En 1962, le pape Jean XXIII , à travers le deuxième Conseil du Vatican , avait tenté un retour aux premières origines de l’Eglise, l’Église des premiers 300 ans lorsqu’elle était une «  Église persécutée », l’Église des martyrs. Car la nature de l’Eglise a changé avec la déclaration de Constantin en l’an 324 qui officialise le christianisme dans l’empire romain, en la transformant ainsi en une «  Église persécutrice » et les nombreux crimes qui l’accompagnèrent par la suite, tels que les Croisades, l’Inquisition Espagnole et la complicité avec les juntes militaires.

Avec Vatican II en 1962, l’Église partout dans le monde s’est lancée dans une introspection. En Amérique latine, elle prit la forme d’une «  Théologie de la Libération » - une philosophie qui choisissait «  un traitement de faveur envers les pauvres » et qui appelait au soutien actif envers les mouvements sociaux, au nom des travailleurs, des paysans sans terre et des peuples indigènes, et à une opposition active face aux régimes militaires et aux sociétés multinationales.

Cette philosophie, un mélange de christianisme et de marxisme, a été formulée pour la première fois lors d’une réunion de théologiens latino-américains, à l’initiative de Gustavo Gutierrez, à Rio de Janeiro, Brésil, en 1964. Le Brésil est devenu le point de départ de ce nouveau mouvement et des «  communautés de base » chrétiennes consacrées à la théologie de la libération ont surgi dans le pays pour se répandre ensuite dans toute l’Amérique latine où d’autres réunions pour développer la théologie de la libération se sont tenues à La Havane, Cuba, à Bogota, Colombie, et à Cuernavaca, Mexique, en juin et juillet 1965.

Les États-Unis ne se sont pas contentés d’observer une théologie ouvertement marxiste se répandre en Amérique latine - une théologie qui menaçait la domination économique et militaire US dans la région - mais ont rapidement pris des mesures pour éradiquer par la violence ce mouvement émergeant. Quant au Vatican, après la mort de Jean XXIII, il est intervenu aussi pour enrayer le mouvement par la censure, le retrait et même l’exclusion de prêtres et d’évêques adeptes de la théologie de la libération. Les câbles de WikiLeaks confirment les collusions entre le Vatican et des dictateurs.

Le premier coup des Etats-Unis contre la Théologie de la Libération fut porté dans le berceau même du mouvement - le Brésil. Ainsi, en 1964, les États-Unis ont parrainé le renversement du président brésilien démocratiquement élu, João Goulart, pour mettre en place une dictature militaire qui allait durer jusqu’en 1985 et qui, grâce au soutien militaire continu des États-Unis, s’attaqua violemment aux prêtres, religieux et communautés de la Libération, coupant ainsi le nouveau mouvement théologique à la racine.

Les États-Unis allaient s’engager dans des opérations militaires destinées à éradiquer la théologie de la libération, laissant derrière eux une traînée de cadavres de prêtres, frères et sœurs, assassinés, et même l’archevêque de San Salvador, Oscar Romero. Bien plus de 100 religieux ont été assassinés en Amérique latine entre 1964 et 1985, et le bain de sang s’est encore poursuivi après. Avec le retour des démocraties, les États-Unis vont modifier leur stratégie en lançant des campagnes d’évangélisation massive en Amérique du Sud et au Brésil principalement. D’une certaine manière en favorisant le courant évangélique, ils espèrent modifier la donne politique en imposant après un fort développement le principe de la théologie de la prospérité qui doit agir comme une contre-réforme de la théologie de la libération. L’objectif étant de substituer le capitalisme au socialisme ou communisme. Le courant religieux masquant les objectifs politiques, il va de soi que tout cela n’a rien à voir avec la véritable Église du Christ conduite par l’Esprit Saint.

La théologie de la prospérité est connue pour son insistance sur la prospérité promise aux fidèles : la santé, la richesse et souvent la libération des influences démoniaques. Elle a été développée par des personnalités issues du pentecôtisme évangélique aux États-Unis dans les années 60 et 70. Les pères fondateurs sont des pasteurs texans, par exemple Kenneth Copeland, auteur du livre The Laws of Prosperity (1974). Depuis la fin des années 70, on la retrouve aussi en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne, où elle séduit surtout des pauvres, leur promettant bien-être et bonheur immédiat en échange d’une confiance aveugle accordée aux prédicateurs, souvent des escrocs.

Ce courant correspond aux aspirations matérialistes d’une frange du christianisme occidental, qui y trouve enfin un langage ‘décomplexé’ sur l’argent. Parmi les têtes pensantes contemporaines, la plupart sont des prédicateurs américains, effectivement riches et célèbres. Il s’agit là d’une perversion du message de l’évangile qui au contraire demande aux vrais chrétiens de s’abstenir de rechercher la richesse pour elle-même. Cette théologie ressemble souvent au vrai christianisme. D’où son succès et d’où la difficulté de l’analyser. Elle transforme Dieu en distributeur de miracles, en utilisant la Bible et des références au Christ. Elle survalorise certains versets bibliques qui montreraient que Dieu accorde santé et richesse pour ses enfants. Un des passages préférés est celui où Jésus chasse les esprits et guérit « tous les malades » (Matthieu 8.16).

La théologie de la prospérité fonctionne grâce à l’aliénation de l’enseignement et de la pratique assidue de la lecture de la Bible. Se focalisant uniquement sur certains passages et ignorants ceux qui les tempèrent, cette fausse doctrine peut alors facilement être développée et aussi enseignée. Sa culture biblique est inversement proportionnelle à la taille des portes-feuilles des pasteurs millionnaires. On peut même considérer qu’il s’agit là d’une sous-culture biblique qu’un enfant pourrait enseigner. C’est d’ailleurs ce qui se pratique dans certains cas, où des gamins élevés en stars évangéliques pratiquent leur show ridicule comme on exécute un spectacle de variétés. On avait les faux prophètes, les femmes pasteures et maintenant les enfants prédicateurs, tous enseignants des théologies aussi fantaisistes que trompeuses. Nous sommes dans la fin des temps et tout ceci en est un des signes les plus évidents.

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