http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: La franc-maçonnerie dans ses symboles 6

vendredi 8 février 2013

La franc-maçonnerie dans ses symboles 6



L’ouverture des sept sceaux de l’Apocalypse nous a enseigné des choses fondamentales dans la compréhension de la logique divine, elle s’inscrit dans une notion de temps et un ordre chronologique très particulier. La pensée divine ne se laisse donc pénétrer que par la révélation, ou dit autrement, quand le Saint Esprit vous éclaire, vous pénètre et se saisit de votre âme. Alors une lumière nouvelle luit et les ténèbres refluent. Ce principe pourrait s’appliquer à tous les réveils religieux et à une grande échelle aux nations qui marchent selon ce principe. On a vu comment le monde a évolué depuis que la Réforme protestante a modifié le rapport de force avec l’Eglise catholique. Il serait maintenant intéressant de reconsidérer les choses selon la vision pure de la Parole de Dieu, qui décrit le jugement de la grande prostituée en Apocalypse 17 : 15 Et il me dit: Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations, et des langues. 17.16 Les dix cornes que tu as vues et la bête haïront la prostituée, la dépouilleront et la mettront à nu, mangeront ses chairs, et la consumeront par le feu. 17.17, Car Dieu a mis dans leurs cœurs d'exécuter son dessein et d'exécuter un même dessein, et de donner leur royauté à la bête, jusqu'à ce que les paroles de Dieu soient accomplies.

Je n’ai pas ici la volonté, ni la possibilité, d’apporter des éléments qui permettent d’apporter un éclairage clair sur les évènements décrits dans le chapitre 17. Mais si on les met en perspective avec ce qui se passe en Europe depuis la réforme et surtout avec le vent révolutionnaire qui va souffler sur la fille ainée de l’Eglise, il apparait que la Révolution va agir comme un outil de jugement qui va exécuter le dessein de Dieu, comme décrit dans les derniers versets du chapitre 17 de l’Apocalypse.

Car ce qui va se passer en France vis-à-vis de l’Eglise catholique dans les premières années de la Révolution est proprement incroyable, quand on considère son histoire millénaire et son profond enracinement dans la Nation. Car on va basculer du catholicisme comme religion d’Etat au maçonnisme, alors que rien ne laissait à l’origine présager une telle évolution.

A l’aube de la Révolution en 1789, les francs-maçons sont moins de 50000 et ils ont des réactions très variables face aux épisodes de la révolution : le duc de Luxembourg émigre dès 1789, Chaumette devient l’un des enragés les plus en vue pendant la Terreur, Buonarroti, le frère d’armes de Babeuf, est maçon, tout comme Joseph de Maistre, l’une des grandes voix de l’histoire contre-révolutionnaire du début du 19ème  siècle. Cela s’explique par une maçonnerie très disparate – socialement, philosophiquement, politiquement.  Dans la Sociétés des amis des Noirs, œuvrent, à partir de 1788, nombre de frères autour de Condorcet et de Brissot. En fait des courants de pensée très différents se développent dans les différentes loges. Courants qui sont pour ou contre la monarchie, l’Eglise, l’esclavage, etc., et on est très loin d’une unité d’esprit qui aurait pu prendre le contrôle de la Révolution, au contraire. Car pendant les premières années de la révolution, les loges ralentissent leurs activités. D’autres espaces de sociabilité se sont ouverts : clubs, assemblées électorales, qui reprennent des pratiques fraternelles. Ainsi concurrencée, la maçonnerie perd de son intérêt. A Paris même ne subsistent, en 1794, que quelques loges.

La déclaration que Philippe d’Orléans fit dans le Journal de Paris du 22 février 1793 est d’ailleurs très révélatrice : « Dans un temps où personne, assurément, ne prévoyait notre Révolution, je m'étais attaché à la franc-maçonnerie qui offrait une image d'égalité, comme je m'étais attaché au parlement qui offrait une image de la liberté. J'ai, depuis, quitté ce fantôme pour la réalité. Au mois de décembre dernier, le secrétaire du Grand Orient s'étant adressé à la personne qui remplissait auprès de moi les fonctions de secrétaire du Grand Maître, pour me faire parvenir une demande relative aux travaux de cette société, je répondis à celui-ci, sous la date du 5 janvier : « Comme je ne connais pas la manière dont le Grand Orient est composé, et que, d'ailleurs, je pense qu'il ne doit y avoir aucun mystère ni aucune assemblée secrète dans une République, surtout au commencement de son établissement, je ne veux me mêler en rien du Grand-Orient ni des assemblées de francs-maçons». Un « froid glacial » accueillit cette déclaration puis on procéda à « la dégradation maçonnique du citoyen Égalité en le faisant démissionnaire, et on le dépouilla de son titre de Grand maître.

Ainsi, certains maçons ont émigré, d’autres ont été tués et guillotinés. A chaque phase d’approfondissement de la révolution, de nouveaux maçons ont soit émigré, soit été tués, notamment en 1792 et lors de la Terreur. Ces maçons ne voulaient pas aller jusqu’au bout de la logique révolutionnaire. Au fur et à mesure de la progression de la révolution, certains défenseurs de celle-ci veulent freiner son train, et l’arrêter. Mais il est trop tard. Pour certains, sans roi, pas de propriété. La propriété doit être préservée. Pour d’autres (tel Billaud Varenne), la répartition des biens entre les citoyens doit s’effectuer de la manière la plus égalitaire possible.

Il y a donc bien des images préconçues qui doivent être corrigées, notamment dans les déroulements des évènements révolutionnaires, dont on devrait dire qu’il y eu plusieurs révolutions qui se succédèrent et non une, que Robespierre admis comme un des pairs de la Révolution ne fut pas franc-maçon et que la franc-maçonnerie elle-même ne fera pas la Révolution, mais au contraire sera révolutionnée en son sein par les évènements. En fait, de la maçonnerie anglaise théiste, en France, on basculera vers le déisme pour aboutir à la laïcité, comme dogme des maçons contemporains. Car la Révolution française vit s'affronter la bourgeoisie et la noblesse très fortement impliquées dans les Loges. La coexistence au sein d'une même institution n'était plus possible et progressivement la branche maçonne nobiliaire et théiste se réduira au profit de multiples courants plus déiste, dont ceux présents au sein des Jacobins s’imposeront pour sauver la Révolution.

Pour mieux comprendre l’écheveau complexe des évènements révolutionnaires, écouter la conférence d’Henri Guillemin sur la Révolution et Robespierre est le minimum pour comprendre comment les évènements ont évolué en ce temps-là :http://www.egaliteetreconciliation.fr/Robespierre-et-la-Revolution-francaise-11759.html

Pour résumer au maximum les choses, on pourrait dire que la Révolution avait pour but premier de remplacer le roi et l’Eglise ainsi que leurs pouvoirs, par celui exclusif de la bourgeoisie. Dans un second temps les Jacobins corrigèrent les excès de la bourgeoisie afin que la Révolution ne soit pas captée par elle. Les états généraux sous la pression de la bourgeoisie finit par imposer le tiers état, mais sans vraiment affaiblir la noblesse, mais en allouant des droits nouveaux à la bourgeoisie. Alors forcément les choses ne pouvaient que dégénérer. L’Assemblée constituante en 1989 va corriger le tir et de véritables changements s’opèrent : abolition de tous les privilèges féodaux, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, décret proclamant la liberté des opinions religieuses et la liberté de la presse, déclaration que les biens du clergé sont mis à la disposition de l'État comme biens nationaux qui serviront de garantie à la création d'un papier-monnaie sous le nom d'assignats.

Concernant l’Eglise catholique, les choses vont rapidement tourner au vinaigre. Dès le 11 août 1789, la dîme est supprimée sous réserve de rachat, privant ainsi le clergé d'une partie de ses ressources. Le 2 novembre de la même année, sur proposition de Talleyrand, évêque d'Autun, les biens du clergé sont "mis à la disposition" de la Nation pour l'extinction de la dette publique. Ils deviennent des biens nationaux qui seront vendus par lots pour combler le déficit de l'État. La même année, les assignats, qui deviendront une forme de papier-monnaie, sont introduits. Vu l’urgence de la situation financière, l'Assemblée constituante fait des biens nationaux la garantie d’un papier que ses détenteurs pourront échanger contre de la terre. La fortune de l’Eglise s’élevant à plusieurs milliards de l’époque, elle financera la Révolution qui la dépouillera de presque tout.

La nationalisation des biens du clergé, amène l'Assemblée constituante à s'intéresser au financement du culte: pour ceci, un Comité ecclésiastique est constitué. Le 13 février; les vœux de religion sont abolis et les ordres religieux supprimés sauf, à titre provisoire, les maisons hospitalières et enseignantes. Les municipalités procèdent aux inventaires dans les mois suivants et réclament souvent les bibliothèques qui vont servir à constituer les premiers fonds des bibliothèques municipales. La vente des biens nationaux débute en octobre; ils sont souvent rachetés par la bourgeoisie qui dispose des fonds importants qui permettent d'acheter vite. Les principaux gagnants de la Révolution sont donc les bourgeois, qui sont les véritables instigateurs de la Révolution.

La Constitution civile du clergé, adoptée le 12 juillet 1790 et ratifiée par le roi le 24 août 1790, transforme les membres du clergé en fonctionnaires salariés par l’État. Les membres du clergé séculier sont désormais élus et doivent prêter un serment dans lequel ils s'engagent à accepter et protéger la nouvelle organisation du clergé. Suivant une tradition gallicane et janséniste bien ancrée dans une partie de la bourgeoisie parlementaire, en accord avec une partie de l'héritage des Lumières favorable à la laïcisation de la société, les députés n'ont pas demandé au pape son avis sur les réformes du clergé catholique. Les premiers clercs commencent à prêter serment sans attendre l'avis du souverain pontife.

Par décret du 27 novembre le serment est rendu obligatoire pour bénéficier des traitements et pensions versés aux membres du clergé constitutionnel: les ecclésiastiques doivent choisir, peuvent-ils accepter une réforme opérée sans l'aval des autorités légitimes? Tous les évêques (ou presque, car ces derniers ont été forcés), sauf quatre, refusent de le prêter; ils entrent en résistance passive et malgré la suppression de 45 diocèses, ils continuent à agir comme si les nouvelles lois n'existaient pas. Les officiers ecclésiastiques députés à la Constituante doivent le prêter avant le 4 janvier 1791; on y dénombre 99 jureurs sur les 250 députés qui y étaient astreints.

Mais, dès mars 1791, le pape Pie VI condamne toutes ces réformes visant l’Église de France, ce qui amène un certain nombre de jureurs à se rétracter. Malgré la difficulté à dresser des chiffres globaux, on peut estimer à la moitié,  la proportion d’ecclésiastiques non jureurs ou réfractaires. La question du serment dégénère en affrontement violent dans l'ouest où les villes soutiennent les prêtres jureurs et les campagnes les réfractaires. La répression contre les prêtres réfractaires et contre leurs protecteurs, suivie rapidement. Cette crise religieuse, en provoquant le divorce de la Révolution et de la tradition catholique, va fournir à la contre-révolution, la « piétaille qui lui manquait » ; elle contribuera durablement — avec les menées des contre-révolutionnaires, que soutiennent de l’extérieur les princes émigrés— à l’agitation en France pendant toute la durée de la Révolution ; c’est aussi une des causes de la fuite du roi le 20 juin 1791.

Lorsque, le 30 septembre 1791, l’Assemblée constituante se retire du pouvoir, aux cris de « Vive le Roi ! Vive la Nation ! », l’œuvre de reconstruction de la France qu’elle a entamée est énorme. Ainsi les constituants, après avoir solennellement restauré la monarchie, pensent avoir rétabli l’union et la concorde au sein de la nation, croyant avoir scellé l'alliance entre la royauté et la bourgeoisie censitaire, contre la réaction aristocratique et contre la poussée populaire, ceci pouvant leur laisser augurer la fin de la Révolution. Or, il n’en est rien, car à ce stade, la Révolution bénéficie surtout à la bourgeoisie et contrairement à ce qu’ils croient, la nation ne s’identifie pas avec la bourgeoisie. La fusillade du Champ-de-Mars et surtout le schisme religieux, divisent plus que jamais les Français ainsi que toute l’Europe.  La violence de la bourgeoisie vis-à-vis du Peuple, va encore une fois faire rapidement évoluer les choses.

La fusillade du Champ-de-Mars du 17 juillet 1791, provoque une scission dans la classe politique française. Après la coupure entre le roi et son peuple révélée par Varennes, une nouvelle déchirure a lieu au sein du Tiers état, entre la bourgeoisie dont la garde nationale est considérée comme la représentante et le mouvement populaire. Le club des Jacobins est coupé en deux, la plupart des députés le quittant pour les Feuillants. Les seuls députés à rester au club sont Robespierre, Pétion, Anthoine et Coroller. Ce simple fait d’Histoire suffirait à lui-même à démontrer que la franc-maçonnerie très représentée au sein des Jacobins, est elle-même très divisée idéologiquement et ne porte pas la Révolution, mais la supporte.

Les données purement factuelles démontrent, que la noblesse et la bourgeoisie agissent systématiquement contre le petit peuple, ce qui est fondamentalement contraire à l’esprit des Lumières. Les francs-maçons de ces classes-là ne sont pas de vrais démocrates et encore moins des humanistes éclairés, mais un ramassis obscène d’égoïstes, cruels et mondains qui agissent plus dans le cadre d’un courant contrerévolutionnaire, que comme des réformateurs progressistes. Les nombreuses têtes qui alors tombèrent dans leurs rangs, ne furent que le résultat de leur propre inconscience politique et religieuse. Ils sont également le résultat du suffrage censitaire où seuls ceux qui paient l’impôt et donc les plus riches sont représentés. Les classes aisées, qui ont élu l’Assemblée nationale législative à la place de la constituante, pensaient affermir la monarchie constitutionnelle, patiemment mise en place par l’Assemblée constituante depuis 1789, et mettre un terme à la Révolution en favorisant largement les bourgeois face au reste de la Nation. Bel exemple face aux Lumières et qui discrédit les maçons qui soutinrent cette bourgeoisie corrompue.

La Convention

La Convention qui gouvernera la France du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795, succéda à l’Assemblée législative et fonda la Première République. Dès sa première séance, la Convention, qui exerçait le pouvoir législatif, abolit la royauté. Le dernier rempart qui protégeait encore le catholicisme vient de s’effondrer et une mutation religieuse en profondeur va s’opérer dans le pays. La France qui a déclaré la guerre à deux des monarchies européennes solidaires de la famille royale française, l’Autriche et la Prusse va encore accélérer les choses et faire basculer le gouvernement dans la Terreur. Cette déclaration de guerre condamnée par Robespierre est en outre totalement contraire à l’esprit des Lumières. Les Montagnards et les Girondins ne s’entendirent pas sur le contenu à donner à la République. Beaucoup de députés, liés d'amitié profonde quelques mois plus tôt se séparèrent sur des questions d’hommes et de projets. Ils se divisèrent sur différentes questions importantes. La première, qui envenima leurs rapports jusqu’à l’élimination physique des uns par les autres. Après le procès de Louis XVI, la Convention nationale vota l’exécution du roi (21 janvier 1793), ce qui provoqua la formation d’une coalition européenne qui attaqua la France.

Pour pallier le manque de soldats, la Convention décréta en mars 1793 la levée en masse de 300 000 hommes, sur le principe du volontariat. Devant le manque de volontaires, on décida de procéder à un tirage au sort. Les départements de l’Ouest refusent de partir à la guerre et dénoncent les privilèges accordés aux notables. L’unité de la République est mise en péril. La Convention réagit d’abord en envoyant des contingents armés en Vendée et prit des mesures radicales : tout insurgé serait condamné à mort. L’Eglise catholique qui s’était vue dépouillée de tous ses droits et biens, se ralliera à l’insurrection en Vendée avec l'Armée catholique et royale qui se coalisera avec les Anglais, mais elle sera écrasée et massacrée et n’existera plus. Les républicains reprennent le contrôle de la Vendée et des départements voisins insurgés et y organisent une répression terrible. Cela fera plus de 100000 morts dans la région. Les multiples fractures apparues dès les débuts de la Révolution entre le Clergé et les révolutionnaires ont créé une dynamique de crise qui s’est progressivement envenimée avec la radicalisation des évènements: une campagne de déchristianisation va alors précéder la terreur et finit par se confondre avec elle.

Née en province, où les premières manifestations se développent visiblement en août 1793, la déchristianisation a un démarrage relativement tardif à Paris. Organisé, mais non imposé, ce mouvement s'étend dans de nombreux départements. Iconoclasme, vandalisme et blasphèmes antichrétiens vont être officiellement encouragés par les représentants en mission et par les sociétés populaires, accélérant ainsi l’écroulement de l’Église constitutionnelle patiemment mise en place depuis 1791. Les réfractaires étaient déjà qualifiés de fanatiques, antirépublicains et intolérants, insoumis et de mauvaise conduite. Quelques-uns seront fusillés dont un rédacteur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le 26 août 1792, les prêtres réfractaires, qu'on peut estimer au nombre de 75 000 doivent « quitter la France dans le délai de 15 jours ». A cette occasion le député Isard affirme : « Il faut renvoyer ces pestiférés dans les lazarets de Rome et de l'Italie. »

Agissant comme un courant contrerévolutionnaire aux ordres du pape, l’Eglise catholique va subir les foudres de la République. Après avoir en novembre 1793 déclaré les prêtres inaptes à tout service civil public, les églises sont fermées ou transformées en temple de la Raison, de Brutus, de Marat... Des autodafés de livres, œuvres d'art, vases sacrés, ornements du culte sont organisés. Le catholicisme qui avait tant combattu la Réforme ne permettra pas de solution alternative, ni de modération comme dans les pays réformés et un vide religieux va se créer dans le pays après son éviction.

Le clergé dit insermenté se retrouve dans la situation où il a mis tous les courants réformateurs qui l’ont combattu au paravent, soit la clandestinité. Il continue cependant à assurer les sacrements, et se cache chez les particuliers, dans les fermes, les châteaux, la campagne, la montagne, les grottes. La campagne de déchristianisation se poursuit  avec l’adoption du calendrier républicain correspond à la politique de déchristianisation appliquée par la Convention. Les années sont dorénavant comptées non plus depuis la naissance de Jésus-Christ, mais depuis le début de la République. Le 22 septembre 1792, le jour de la proclamation de la République, la Convention décrète que « tous les actes publics sont désormais datés à partir de l’an I de la République française ». L’année du Calendrier républicain est divisée en 12 mois de 30 jours chacun. Chaque mois est découpé en 3 décades de 10 jours et non plus en semaines de 7 jours, qui sont également une référence biblique. On efface ainsi les fêtes religieuses du calendrier, ainsi que le jour du Seigneur, le dimanche.

Quelques éclaircissements sur les Lumières.

Les évènements qui suivirent, ne peuvent alors être compris que si on les replacent dans un contexte plus large. Le protestantisme qui s’inspira des humanistes pour émerger et sortir du Moyen-Age catholique, se pervertit quand il s’associa toujours plus étroitement à la noblesse et la bourgeoisie. Cela le ramena sur terre et éteignit progressivement l’action de l’Esprit Saint qui l’animait à ses débuts. Le protestantisme ne peut se justifier seulement comme une opposition, mais comme une adhésion aux principes bibliques. On sort donc d’une position religieuse pour entrer dans une autre. A partir de là, progressivement on progresse dans la compréhension et la volonté de Dieu en communion avec l’Esprit Saint. Le protestantisme n’est donc pas une fin en soi, mais le commencement d’un processus qui vise à revitaliser l’Epouse du Christ pour la mettre en conformité avec la parole de Dieu.

Mais à partir du moment où le processus de revitalisation par l’Esprit Saint s’arrête, très rapidement le mouvement de réforme se politise et le terrestre prend le dessus. C’est ce qui se passe au 18ème siècle dans les pays réformés continentaux et qui est corrigé en Angleterre par le méthodisme où l’engagement personnel reprend le dessus. Car les enfants de convertis protestants ne sont pas forcément eux-mêmes des convertis et relèvent plus de la tradition que de l’engagement. Le fossé entre le protestantisme « traditionnel » et le protestantisme « de conversion » devient immense. En fait, ce qui les sépare, c'est la question de la nature même de la foi et les protestants par tradition, vont se comporter de moins en moins comme des chrétiens et provoquer des réflexions et débats toujours plus houleux avec les intellectuels du siècle des Lumières, comme Rousseau et Voltaire.

Tout le 18ème  « philosophe » se convainc progressivement que la religion est née d’une complicité des tyrans et des prêtres pour exploiter la crédulité des peuples. Dans cette réflexion globale, le protestantisme et le catholicisme sont mis dans le même sac. Pour Voltaire, tout croyant sincère est un fanatique. Il faut donc rester vigilant et déterminé à « écraser l’Infâme », cet Infâme dont est porteur toute religion dépassant une religiosité vague pour tenter d’approfondir le sentiment religieux en un discours structuré : dès qu’elle est dogmatique, une religion est intolérante, et en fin de compte, l’Infâme, pour Voltaire, c’est bien le christianisme ! La religion de Voltaire est en effet un authentique déisme ; évacuant toute Révélation et toute Incarnation, il rend hommage à un Être suprême, éternel Architecte de l’Univers, accessible à la seule raison naturelle et rend en fait un culte à la raison. C’est le Dieu du Dictionnaire philosophique : « nous sentons que nous sommes sous la main d’un être invisible; c’est tout, et nous ne pouvons pas faire un pas au-delà. Il y a une témérité insensée à vouloir deviner ce que c’est que cet être, s’il est étendu ou non, s’il existe dans un lieu ou non, comment il existe, comment il opère ».

Voltaire outre les catholiques qu’ils vouent aux Gémonies, accuse les réformés du crime de lèse-majesté, pour avoir repris la guerre après 1610, et il s’étonne que Richelieu, au lieu de tenter de les ramener au catholicisme par la persuasion, n’ait pas révoqué l’Edit de Nantes… Il considère les Protestants du 17ème siècle comme des passéistes, des gens pédants, doctrinaires avides de controverses, que Louis XIV a eu raison de mater par des mesures légales et par la Caisse des conversions. Il accuse le ministre Louvois et le jésuite Le Tellier d’être responsables des dragonnades, des condamnations aux galères, de la Révocation et de l’exil qui s’ensuit, Louis XIV étant ignorant des faits et mal conseillé ! Et Voltaire de déplorer surtout les pertes économiques, faillite des manufactures, exil d’excellents artisans et officiers, dont ont profité les pays du Refuge, ennemis de la France. Mais la secte écrasée renaît cependant : le fanatisme est excité par les pseudo-prophètes du Vivarais et des Cévennes, et Voltaire condamne sans appel les Camisards dont la rébellion et les exactions montrent qu’ils croyaient être « élevés en gloire à proportion du nombre des prêtres et des femmes catholiques qu’ils auraient égorgés ».

Pour Voltaire, le protestantisme français n’est donc pas une secte mieux fondée qu’une autre, et moins porteuse de fanatisme et d’intolérance; cela ne justifie certes pas une persécution ou une répression systématique, mais doit conduire le pouvoir à ne laisser la liberté de conscience aux Réformés que s’ils obéissent aux lois de l’Etat. A ces conditions, on peut « tolérer » leur différence. Les seuls chrétiens que reconnaisse pour une part Voltaire sont les Quakers, auxquels il consacre quatre de ses Lettres anglaises, parce que leur religion n’a ni dogme, ni prêtre, ni ambition temporelle, et est donc vraiment tolérante et tolérable. Outre les chrétiens à qui Voltaire faisait des leçons de tolérance, il était également farouchement antijudaïque. Conscient des racines judaïques de l'Église, il voyait dans l'attaque du judaïsme et des juifs un moyen de saper les fondements de l'Église. Dans son Dictionnaire philosophique, les attaques féroces s'accumulent : article "Tolérance" : « C’est à regret que je parle des Juifs: cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre. » Bel exemple de tolérance voltairien et on pourrait en ajouter bien d’autre du même acabit.  

Cependant, concernant Voltaire, que vaut l’avis « éclairé » d’un philosophe qui renie en privé, ce qu’il exalte en public ? Méprisant les petites gens et flattant à outrance les princes pour quelques grâces, ce multimillionnaire à l’esprit assez pervers pour coucher avec sa propre nièce, était prêt à toutes les bassesses pour peu que cela aille dans le sens de ses intérêts. Esprit lumineux, certes, mais assez pour être hissé au sommet du panthéon des Lumières, certainement pas, tant l’ombre que projette sa vie corrompue éteint le sens même de la lumière de l’esprit. En fait, il démontre que l’homme sans Esprit, n’est qu’un esprit bien animal. On comprend beaucoup mieux sa haine du christianisme quand on sait qu'il fut homme de péché. Marion Sigaut dans un exposé sur le personnage, renvoi un éclairage bien plus vif sur le personnage, que son esprit sur les Lumières : "Voltaire, le personnage et l'homme, qui trompe qui ?" http://www.dailymotion.com/video/xxeyjx_marion-sigaut-voltaire-le-personnage-et-l-homme-qui-trompe-qui-1-2_news?start=4047#.UR5j0mesGqE
 


Rousseau est un enfant de la petite bourgeoisie genevoise, petit-fils de pasteur, élevé par le pasteur Lambercier, Jean-Jacques est marqué par son éducation calviniste et témoigne tout au long de sa vie d’une profondeur spirituelle authentiquement chrétienne, d’un piétisme ardent, dont il expose clairement dans ses livres les fondements et les richesses, quitte à provoquer les sarcasmes et rapidement la haine de ses ex-amis Philosophes. S’il a par faiblesse abjuré à l’âge de 16 ans, il revient au protestantisme en 1754, à Genève même, pour n’en plus varier.

Lié aux combats des Lumières, Rousseau participe à la critique des impostures cléricales, des despotismes théologiques et de la crédulité superstitieuse, mais c’est pour dénoncer la perte du véritable esprit du christianisme : « ne confondons point le cérémonial de la religion avec la religion ». Or, déplore-t-il, « on ne demande plus à un chrétien s’il craint Dieu, mais s’il est orthodoxe ; on lui fait signer des formulaires sur les questions les plus inutiles et souvent inintelligibles, et quand il a signé, tout va bien ; l’on ne s’informe plus du reste…Quand la religion en est là, quel bien fait-elle à la société, de quel avantage est-elle aux hommes ? Elle ne sert qu’à exciter entre eux des dissensions, des troubles, des guerres de toute espèce…Il vaudrait mieux ne point avoir de religion que d’en avoir une si mal entendue ». Rousseau est donc à la réforme intellectuelle, ce que la Réforme fut au dogme catholique à ses débuts, un courant de vertu.

Il faut donc impérativement revenir à la vérité de l’Evangile, à Jésus-Christ sur la croix, « expirant dans les tourments, injurié, raillé, maudit de tout un peuple » ; et de confesser : « si la vie et la mort de Socrate sont d’un sage, la vie et la mort de Jésus sont d’un Dieu ». Tous les autres dogmes dépendent de celui-ci, et Rousseau veut rester à leur sujet dans un silence respectueux, en attendant que lui apparaisse leur liaison avec son salut. Mais quant à lui, il est assuré de ce Salut en Christ, par grâce, par le moyen de la foi. Ainsi Dieu se révèle-t-il à nous non sur le mode historique ni par le soin d’intermédiaires patentés (les institutions ecclésiastiques, les querelles dogmatiques, les « hérésies » théologiques, les fanatismes de toute sorte…ayant donné d’éloquents contre-exemples depuis 18 siècles…), mais dans le spectacle du monde qui s’offre à nous, dans la conscience morale, ce sentiment intérieur de l’être qui se laisse toucher à la lecture de l’Evangile.

Dans le Contrat social, Rousseau montre qu’il faut garantir à tous la plus parfaite liberté de conscience, et supprimer l’intolérance, aussi bien civile que théologique, vis-à-vis des religions qui respectent les lois et comportent les articles essentiels au lien social : en deçà des convictions religieuses personnelles de chaque citoyen (qui peut appartenir ou non à toute église de son choix), et dont les dogmes ne regardent pas l’Etat, il appartient à l’Etat de fixer les articles d’une sorte de profession de foi commune, purement civile, non dogmes de religion, mais garantie du lien social, « sentiments de sociabilité », à savoir « l’existence de la divinité bienfaisante, le bonheur des justes, la sainteté du Contrat social et des Lois ». On ne saurait donc trop insister sur la voix singulière de cet immense philosophe des Lumières qu’est Rousseau, fils de la Réforme. Sous la Révolution, le rousseauiste Robespierre reprendra cette idée de religion laïque.

La philosophie des « Lumières » sera défendue et reprise par la Révolution française et particulièrement par les Girondins, avec, à leur tête, Danton et Desmoulins. À contrario, les idées de Rousseau furent reprises par les Jacobins qui étaient menés par Robespierre et St Just. Il s’agit donc en fait de deux philosophies issues des Lumières qui se sont opposées politiquement. Les Girondins défendant les idées libérales des possédants, les Jacobins défendant les droits des petites gens. Si 1794 (année où siégea Robespierre au Comité de salut public) marqua l’avènement des idées rousseauistes (et le transfert de ses restes au Panthéon par la Convention), il n’en est pas moins vrai que le 9 Thermidor an II et la chute de l’Incorruptible marque un point final à l’influence des idées rousseauistes. C’est alors que Voltaire prend sa revanche et triomphe sur Rousseau. Dès lors, la politique libérale défendue par ceux qui se réclament des idées des « Lumières » de Voltaire va triompher en France jusqu’à nos jours. Voltaire cependant fut le chef de file et symbole des « Lumières » qui fréquentait les Grands et courtisait les monarques, sans dissimuler son dédain pour le peuple. Il aimait le luxe et les plaisirs de la table. Il acquit une fortune considérable dans des opérations spéculatives ce qui lui permit de s'installer en 1759 au château de Ferney entouré d'une cour de beaux esprits. Il y a donc dans l’esprit des Lumières des courants très différents, qui sont souvent très éloignés de leurs principes premiers et parfois même leur tournent résolument le dos dans leur finalité. La franc-maçonnerie n’ayant qu’une part très marginale dans tout cela et je dirais même qu’elle puisa son inspiration dans les Lumières plutôt que l’inverse. Comme il fut dès l’origine le cancer du christianisme anglais, il devint la métastase occulte de la République, qu’il contribua à pervertir au travers de son esprit démoniaque.

Ce préalable sur les philosophies des Lumières est nécessaire pour comprendre la suite des évènements pendant la période de déchristianisation sous la Convention.

La déchristianisation

Le phénomène de déchristianisation se caractérise tout d'abord par le fait que ce mouvement a été de très courte durée, et ensuite qu'il ne fut pas organisé par le pouvoir central. Le gouvernement de salut public et la Convention sont hostiles ou en tout cas circonspects face à ce phénomène. L'intensité de la campagne de déchristianisation varie selon les régions. Cette campagne se déroule en deux temps. Il s'agit tout d'abord de procéder à une table rase des religions en place, puis de tenter d'instaurer un nouveau culte civique qui sera celui de la Raison. On a souvent opposé Danton à Voltaire et Rousseau pour écrire que, pour Voltaire, il fallait un trône sans l’autel, pour Rousseau, un autel sans trône, tandis que pour Danton, il ne devait y avoir ni autel, ni trône.

Culte de la Raison.

Depuis 1790, un culte civique s'était peu à peu esquissé au fil des grandes fêtes, telle la fête de la Fédération le 14 juillet 1790. Le culte de la Raison est un des caprices de ce culte civique que les révolutionnaires ont tenté d'établir d'une manière désordonnée jusqu'à la création du culte de l'Être suprême par Robespierre. Le 10 août 1793, la fête de l'Unité et de l'Indivisibilité fut la première fête purement laïque. Vers le même moment s'affirmait une véritable dévotion populaire pour les martyrs de la liberté, Lepeletier, Chalier et surtout Marat.

L'essor du culte de la Raison est lié à la déchristianisation, opérée d'abord en province par les initiatives de représentants en mission à l'automne 1793. À Paris, la Convention adoptait le 5 octobre 1793 le calendrier républicain, dont le but était bien de supprimer les superstitions ; il s'agissait, comme le disait le rapporteur, de fonder « sur les débris des superstitions détrônées la seule religion universelle, qui n'a ni secrets ni mystères, dont le seul dogme est l'égalité, dont nos lois sont les orateurs, dont les magistrats sont les pontifes ».


Un ensemble de cérémonies nouvelles qualifiées de « cultes révolutionnaires » se met en place. Déchristianisation n’est pas athéisme ni laïcité dans l’esprit des révolutionnaires. Les courants de pensée déistes du siècle des Lumières se prolongent en cultes d’Etat. Né de l’événement, le culte rendu aux martyrs de la Révolution, comme Marat et Le Peletier, est vite suivi du culte à l’Être suprême et aux vertus montagnardes. Les cérémonies sont confiées à des metteurs en scène, « citoyens-artistes » comme David ou Marie-Joseph Chénier, et organisées comme moyens de propagande pour susciter l’adhésion populaire à la Révolution. D’une certaine manière la République est divinisée et les symboles qui habituellement représentent la divinité dans les églises catholiques comme le triangle trinitaire symbole du dogme, sont repris et adjoints à ceux qui représentent les symboles républicains. Le symbole le plus grand étant l’église elle-même transformée en temple de raison.

La Commune de Paris prit l'initiative et poussa l'évêque constitutionnel Gobel à renoncer spontanément à ses fonctions le 17 brumaire (7 nov. 1793). Le 20 brumaire, Chaumette fit célébrer dans l'église Notre-Dame une fête de la liberté, une des manifestations les plus éclatantes du culte de la Raison. On avait édifié une montagne en carton dans le chœur, entourée des bustes de Voltaire, de Rousseau et de Franklin. Après les discours et les hymnes, la Raison sortit de la montagne sous les traits d'une danseuse de l'Opéra. Notre-Dame resta consacrée au culte de la Raison. Le 5 frimaire (25 nov. 1795), toutes les églises de Paris étaient à leur tour consacrées à la Raison. Plusieurs églises et mêmes cathédrales furent transformées en temples de la Raison.

Le culte de la Raison ne fut jamais bien organisé. Hymnes patriotiques, lectures des lois, discours contre les superstitions ou cérémonies plus ou moins grotesques, tout cela était laissé à l'initiative des municipalités lors des réunions décadaires. Une partie de la Convention, avec Robespierre, hésitait à poursuivre dans ce sens, de peur d'aliéner à la Révolution la masse des catholiques. Le culte de la Raison exprime pourtant une tendance assez forte qui se manifestera à nouveau avec le culte de l'Être suprême et, plus tard avec la théophilanthropie.

Concernant le petit monde de la franc-maçonnerie, ces évènements ne manquèrent pas d’influencer les loges, qui certainement y virent une profonde source d’inspiration. Ainsi comme une âme maçonne se façonna en forme de cancer religieux en Angleterre, en France l’âme maçonne se transforma en cancer républicain en récupérant en partie les idéaux du culte de la Raison. C’est de là que progressivement le maçonnisme français deviendra déiste et se détachera idéologiquement des loges anglo-saxonnes. Car une fois de plus n’oublions pas que le culte de la Raison monta du bas vers le haut et ne put être le seul fait des loges. Car les lieux de propagation des idées nouvelles sont les collèges, académies, sociétés littéraires, salons, etc., et pas seulement les loges maçonniques. En fait la République va permettre l’émergence d’un maçonnisme républicain dont la religion deviendra la laïcité et qui reprendra certains symboles du culte de la Raison. Ce n’est donc pas les francs-maçons qui ont marqué de leurs symboles la République, mais l’inverse encore une fois. De ce temps-là certainement le maçonnisme se démocratisa à l’image de la France, pour infiltrer toutes les strates de la société et plus seulement une élite d’intellectuels. Ainsi en récupérant les symboles et mythes de la République, le maçonnisme français s’identifiera à elle jusqu’à vouloir la représenter, comme ils le firent au paravent avec la Révolution et les Lumières.


De là est repris le triangle maçonnique qui n’est rien d’autre que l’ancienne représentation trinitaire du dogme catholique qu’ils ont transformé en représentation de l’Être Suprême. Ce ne sont pas les francs-maçons qui ont inventé le symbole du triangle avec un œil au centre, mais les catholiques, car de telles représentations apparaissaient déjà dans certaines enluminures au 16ème siècle, puis dans les églises au 18ème.  



 Culte de l’Être suprême

A l’été 1793, la Révolution française traverse une période sombre : le pays est durement touché par une crise économique et des troubles sociaux auxquels s’ajoutent une guerre civile (insurrection vendéenne et révolte fédéraliste) et une série de défaites militaires aux frontières. Or l’entrée de Robespierre, fervent jacobin, au Comité de salut public le 27 juillet 1793 marque un tournant : elle permet au gouvernement révolutionnaire d’opérer un redressement de la situation sur tous les fronts, tandis qu’elle entraîne simultanément une radicalisation de la Révolution. Robespierre, qui aspire à l’unité et à la régénération du peuple, s’efforce d’éliminer physiquement tous les ennemis de la Révolution. A ce renforcement de la Terreur, il ajoute l’instauration d’une religion d’Etat en mai 1794 : le culte de l’Être suprême, en l’honneur duquel il organise des cérémonies fastueuses le 8 juin suivant.

Robespierre est apparu comme le symbole de la rigueur et de l’intégrité morale ; il fut dès lors surnommé l’Incorruptible. Il affirme qu’il ne faut pas compter bâtir la nation sur une minorité aisée, mais sur les valeurs et l’enthousiasme du peuple. Imprégné des idées de Jean-Jacques Rousseau, Robespierre entreprend de les mettre en pratique. Il dira : Jean-Jacques Rousseau restera toujours pour moi le plus grand homme que la France et l'humanité aient connu, et j'embrasse toutes ses œuvres, sans exception, du «Contrat Social» aux «Confessions». Robespierre comme fils spirituel de Rousseau, exclu de facto qu’il n’est jamais été athée, idolâtre ou un fou sanguinaire comme ses ennemis chercheront à le faire croire.

Jean Jacques Rousseau attaché à un idéal chrétien qu’il ne retrouve pas dans les institutions établies, va chercher une forme philosophique attachée aux vertus chrétiennes pour les adapter à un résonnement social dont les valeurs humaines exalteraient l’intelligence. Le problème c’est que naturellement l’homme par son intelligence ne recherche pas la vertu, mais son intérêt qui confère alors rapidement au péché. Le christianisme véritable corrige cette absence naturelle de l’homme à rechercher la vertu, en remplaçant l’homme naturel par un être supérieur, dans le sens où unis dans un même Esprit, Dieu peut transcender l’âme humaine en lui conférant Ses propres vertus issus du l’Esprit-Saint. C’est la base des Evangiles, mourir à soi-même pour laisser vivre Christ en moi. Quand ce principe pourtant basique n’est pas compris et appliqué, alors le raisonnement humain prend le relais et les dérives commencent, aussi bien en religion, qu’en philosophie ou en politique.

Robespierre ne veut pas extirper du cœur des Français le sentiment religieux. Mais il veut qu’ils remplacent l’adoration de Dieu de l’Eglise catholique réactionnaire par le culte de l’Être suprême. Le 18 floréal an II, ou 7 mai 1794, il fait voter par la Convention, l’acte de naissance d’une religion dont il sera le grand pontife. Pendant … un peu plus d’un mois ! C’est déjà beaucoup trop pour les partisans de l’athéisme absolu. Certes Hébert vient d’être coupé en deux, mais ses amis, aux Jacobins et même à la Convention, cherchent et s’agitent, sans compter le Clergé, la noblesse et la bourgeoisie, ses ennemies naturels. Le culte à l’Être suprême est souvent présenté comme une apothéose qui succèderait au culte de la Raison, mais je pense que c’est plutôt l’inverse, un frein et une barrière que Robespierre a voulu mettre en place pour stopper les excès provoqués par les athéistes.

Pendant que Robespierre établit avec David, le peintre, et Chénier, le poète, les rites et les cantiques de la nouvelle religion, ils cherchent comment jeter au bas de ses autels cet Être-là, et son pontife. Ennemis de Robespierre, Vadier, député montagnard qui exècre tout autant Robespierre que sa divinité, et Barère, surnommé « l’Anacréon de la guillotine », montent de toute pièce l’affaire Catherine Théot, servante, illettrée, catéchèse, la Mère de Dieu.  La Mère enseigne que l’Incorruptible est le nouveau messie, l’incarnation de l’Être suprême, envoyé sur la terre pour faire de la France le Paradis le jour de la fête de l’Être suprême. A la Convention, huit jours après, Barère fait éclater sa bombe : Robespierre était le disciple d’une vieille folle mystique ! C’est Catherine Théot, la Mère de Dieu, qui a inventé l’Être suprême et qui a persuadé l’Incorruptible qu’il était le nouveau messie ! En fait une véritable campagne visant à discréditer Robespierre est mise en place par la bourgeoisie qui s’inquiète de voir filer entre ses doigts cette Révolution dont ils ont tant souhaité la venue. Il devient urgent de couper court au socialisme naissant, afin que le capitalisme drapé dans les vertus de la République puisse enfin s’exprimer librement sans entrave populaire. A la fin il sera présenté comme un dictateur sanguinaire, alors qu’il cherchait à sauver la Révolution et stopper les excès de la terreur.  

La fête de l'Être suprême, sera célébrée le 20 prairial an II (8 juin 1794 , Robespierre a choisi le dimanche de Pentecôte à dessein, comme symbole d’un esprit nouveau qui souffle sur le pays, mais aussi pour rappeler au pays ses racines religieuses. C’est une manière de contrer les ultras qui cherchent à imposer par la force l’athéisme dans le pays, ce dont Robespierre ne veut pas. La fête est composée de deux parties. Aux Tuileries, le peuple doit d’abord rejeter l’athéisme puis, au Champ-de-Mars, reconnaître l’Être suprême et célébrer son adhésion à la Révolution

Dans l’esprit de Robespierre, la « déchristianisation » entreprise à partir de brumaire an II (novembre 1793) ne doit conduire ni à l’athéisme ni à la laïcité. Le 18 floréal (7 mai), Robespierre fait prendre par la Convention le décret par lequel « le peuple français reconnaît l’Être suprême et l’immortalité de l’âme » et lui fait approuver le projet de déroulement de la fête de l’Être suprême mis au point par David pour le 20 prairial. Aux Tuileries, l’Incorruptible prononce deux discours pour stigmatiser l’athéisme, rendre grâce à l’Être suprême et élever la conscience publique.

Robespierre présente alors Dieu comme un principe de divinité qui se place au-dessus de la religion et des Partis. « La liberté et la vertu sont sorties ensemble du sein de la Divinité: l'une ne peut séjourner sans l'autre parmi les hommes. Peuple généreux, veux-tu triompher de tous tes ennemis? Pratique la justice, et rends à la Divinité le seul culte digne d'elle. » L’influence de Rousseau est évidente et c’est une manière de dire : rendez un culte intelligent à Dieu en exprimant les vertus qu’Il incarne dans la République.


On fait appel à l’artificier Ruggieri, pour mettre en scène la défaite de l’athéisme. David a prévu un effet bref, mais spectaculaire : « Le président s’approche tenant entre ses mains un flambeau, le groupe s’embrase, il rentre dans le néant avec la même rapidité que les conspirateurs qu’a frappés le glaive de la loi. » La statue de l’Athéisme à laquelle Robespierre, habillé en bleu céleste, met le feu a reçu un traitement spécial afin de brûler de façon fulgurante. L’Athéisme doit aussi consumer les figures qui lui servent de socle : l’Ambition, l’Egoïsme, la Discorde et la Fausse Simplicité. David a prévu qu’elles portent toutes sur le front la mention « seul espoir de l’étranger ». Ces maux fragilisent la patrie en guerre contre les souverains d’Europe coalisés, et le peuple doit en prendre conscience.  C’est aussi pourquoi Robespierre choisit les Tuileries, car ce fut la résidence des rois, ces souverains de droit divin…

Le but de Robespierre est d’opérer une pédagogie de masse, fondée sur les conceptions de Rousseau selon lesquelles une émotion bouleversante peut élever les consciences. L’image, le projet et les documents de cette fête montrent que Robespierre a tenté de propager la morale « naturelle », tout aussi chère à Rousseau que la Raison. Mais cette morale qui serait fondée sur la bonté de l’homme dans l’état de nature nécessite de susciter des élans vers les valeurs simples et naturelles. Robespierre espère voir se répandre la vertu civique grâce à des cérémonies de ce type, qui cherchent à toucher collectivement la sensibilité des participants. David prévoit que le programme suscitera de nombreux moments d’émotion et des larmes populaires, mais aux participants qui viennent de traverser la Terreur, cette fête paraît sans doute grandiose, mais étrangement abstraite. La fête de l'Être suprême connut un grand succès à travers la France et fut celle dont on a conservé des traces visibles le plus longtemps.  Des statues cyclopéennes se dressent au-dessus des jardins à la française, devenus Jardin national. Elles symbolisent l’Athéisme, l’Ambition, la Discorde et voleront en éclats le jour de la cérémonie…

Après la cérémonie des Tuileries, le cortège se mit en route pour le Champ de Mars, où la cérémonie s'acheva en grande pompe. Pendant le trajet, Robespierre marcha en tête, à quelques pas en avant du cortège. Il eut l'air d'un grand pontife, d'un dictateur, et quelques-uns de ses collègues, futurs thermidoriens, l'apostrophèrent à ce propos en termes injurieux. Ne comprenant rien aux motivations profondes de Robespierre, ils seront les artisans d’un retour aux ordres anciens, alors que c’est précisément ce qu’il veut éviter. Le choix du Champs de Mars le confirme. Car fusillade du Champ-de-Mars est le symbole de la contrerévolution bourgeoise et l’évènement est qualifié de « Saint-Barthélemy des patriotes », patriote étant pris dans le sens de personne favorable à la Révolution. On reprend donc tous les symboles pour les fixer à jamais dans la mémoire populaire. On comprend aisément que les ennemis de Robespierre vont tout faire au contraire, pour les discréditer et les faire oublier.

Dans la troupe des députés de la Convention, pendant la cérémonie, on se moque, on bavarde, on refuse de marcher au pas. Malgré l'impression profonde produite par cette fête, le culte de l'Être suprême fut loin de créer l'unité morale entre les révolutionnaires et devait même susciter, peu après son instauration, une crise politique au sein du gouvernement révolutionnaire. La Convention, la comité de Salut public et surtout le comité de Sûreté générale ne prirent pas ce culte au sérieux. II fut un des griefs des thermidoriens contre Robespierre. Quand celui-ci eut disparu de la scène politique, le culte de I ‘Être suprême, qui déjà s'était confondu avec le culte de la patrie, tomba presque dans l'oubli. La Convention le supprima en quelque sorte par omission, quand elle rendit le décret du 3 brumaire au IV qui établissait sept fêtes nationales, parmi lesquelles il n'y avait pas de fête de l'Être suprême.

La tentative de déchristianisation avorta, mais tenter de remplacer le christianisme par un raisonnement humain qui renvoie le divin à un concept, avorta lui aussi. Mais pas totalement, car l’idée se poursuivra plus tard dans les loges maçonniques françaises pour transformer le culte à la Raison en culte à la Gnose dont le Grand Architecte serait le pendant de l’Être suprême. Il y a là encore une récupération des idées de la Révolution, mais appliquée par de manière occulte qui dénature complètement son sens premier. Rousseau voulait politiser le christianisme, mais le christianisme ne se politise pas, car il appelle de ses vœux à l’existence du royaume de Dieu, en laissant à l’Esprit Saint le loisir de bâtir ce royaume en investissant le champ de la conscience humaine librement et sans entrave conceptuelle, pour la transformer en la transcendant. Un simple retour à la lecture de la Parole de Dieu suffit en cela. C’est la base d’un réveil religieux qui illumine les âmes et révolutionne les consciences. C’est cela une Révolution réussie.

Si la France au lieu de faire la Révolution, avait suivi le chemin des réveils religieux en laissant agir de manière puissante l’Esprit de Dieu, jamais toutes les horreurs issues de tous ces conflits n’auraient eu lieu et certainement à l’instar du Royaume Uni, la France aurait conservé son statut de Nation dominante. Mais non, les Français choisiront entre le catholicisme et le rétablissement de la monarchie, puis plus tard ils rétabliront la République, mais avec des francs-maçons devenus plus puissants et nombreux aux manettes du pouvoir. C’est le résultat d’une stérilisation de l’action de l’Esprit Saint né d’un conflit devenu perpétuel en France entre le catholicisme et la franc-maçonnerie qui a reprise pour elle en la corrompant, l’esprit révolutionnaire.

2 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Qu'en est il frère shoenel de la secte des illuminatis société secrète impliquée dans le franc maconnisme dont on parle tant.
    Peut être ferez vous un sujet dessus
    Merci

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  2. Pour moi clairement c’est du flan. De l’enfumage et un délire obsessionnel des théoriciens du complot. Jusqu’à présent c’était un sentiment, mais au fur et à mesure que je progresse dans la compréhension du monde maçonnique, cela devient une évidence. La franc-maçonnerie n’est pas un système pyramidal, avec une tête qui dirige tout, mais un ensemble disparate de loges aussi divisé qu’il y a de membres. Globalement il est occulte et satanique, individuellement c’est juste pour servir certain intérêts personnels. On peut les ajouter aux skull and bones, bohemian club ou simplement des think tanks. Ce sont des groupes d’intérêt qui visent à propager des idées, mais aussi à former des groupes de pression et un carnet d’adresses.
    Concernant les chrétiens qui reprennent ces théories fumeuses, il en est comme de l’enlèvement avant les tribulations, c’est un moyen de trier l’ivraie du bon grain spirituel.

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