http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: Le mystère des cathédrales – 24

lundi 9 juillet 2012

Le mystère des cathédrales – 24


Nous avons vu dans les chapitres précédents comment l’adversaire réorganise l’Ecclésia comme corps mystique du Christ, en églises administrées par des évêques construisant des bâtiments à usage cultuel toujours plus grands et plus beaux. Ce qui à l’ origine était fait de pierres vivantes, devient un édifice de pierres mortes. L’empereur Constantin étant un des principaux architectes que l’adversaire utilisa pour poser le socle de la future Eglise universelle de Rome. Sitôt la paix de Constantin établie, les maisons ouvertes aux chrétiens pour y célébrer la messe furent transformées en églises. Elles empruntèrent alors l’architecture des basiliques profanes, parce que comme elles, elles étaient destinées à recevoir le peuple.

Le nom basilique vient du latin basilica qui prend lui-même son origine dans deux mots grecs désignant la maison du roi, spécialement la partie de cette maison où se tenaient les assemblées publiques et où se rendait la justice. Le portique grec a été à l'origine l'édifice attenant à l'agora d'Athènes sous lequel l'archonte-roi rendait la justice. On l'appelait portique du roi. Mais la basilique sera essentiellement romaine. L'édifice étant plus ancien que le mot. Sa forme primitive fut, dans les premiers temps de Rome, celle du lieu couvert où le Sénat se réunissait. Il y avait, au fond, une estrade sur laquelle, assis dans leurs chaises curules, les consuls rendaient la justice. Cette construction, qui était dans le voisinage du forum, en devint peu à peu le complément ; les gens d'affaires ou les promeneurs y trouvaient, contre le mauvais temps, un abri couvert, mais ouvert et sans murs, comme le portique grec. Les basiliques devinrent des édifices de plus en plus somptueux par la beauté de leur architecture, leurs dimensions et leur richesse. Elles furent décorées de statues, de trophées, d'œuvres d'art diverses en bronze et en matières précieuses.

Quand le Christianisme fut sorti des catacombes et que Constantin en eut fait la religion officielle de l'empire romain, il concéda aux évêques plusieurs basiliques, entre autres celle que le sénateur Lateranus avait fait construire au temps de Néron. Transformée en église, elle devint la première basilique de Saint­ Jean-de-Latran. C'est à partir de cette époque que le nom de basilique fut donné à certaines églises, anciennes basiliques romaines transformées ou constructions nouvelles établies sur le modèle romain. Dans la basilique chrétienne, la forme antique demeura, mais l'église proprement dite fut fermée par des murs. Les galeries latérales furent arrêtées avant la nef et séparées d'elle par une ouverture transversale formant avec cette nef une croix ; une arcade en voûte placée sur des colonnes fut substituée à l'architrave. Cette substitution n'avait pas eu d'exemple dans l'antiquité et servit de type aux architectures qui suivirent : byzantine, romane, gothique. Les bases architecturales qui allaient mener à futures cathédrales étaient jetées.

Mais Constantin bâtit d’autres basiliques à fort contenu symbolique, comme celle de Saint-Pierre entre 326 et 333. Elle nécessita la démolition du Circus Vaticanus ou cirque de Caligula qui s'étendait sur la partie sud du chantier. Constantin décida de raser les sépultures de la nécropole alignées le long d'un sentier car la tradition y fixait la tombe de saint Pierre. L'empereur pensait ainsi construire l'autel de sa basilique au-dessus de cette tombe. Alors que rien ne prouve que l’apôtre y repose vraiment, le futur culte des saints y trouvera cependant son premier fondement. Mais Constantin ne s’arrêtera pas en si bon chemin, aimant lier le païen au chrétien, il va construire dans sa nouvelle Rome, une basilique à l’image de sa foi.

En 324, l’empereur Constantin décide que Byzance est parfaite pour y installer la nouvelle capitale de l’Empire. Elle est surnommée la « Nouvelle Rome ». La ville de Byzance devient Constantinople en hommage à l’empereur romain Constantin, qui choisit d’en faire la capitale de l’empire dès 330. C'est en l'année 325, la vingtième de son règne, que l'empereur Constantin fit élever la première basilique, consacrée non pas comme on le croit parfois à une sainte du nom de Sophie, mais à la Sagesse Divine (en grec : Haghia Sophia), sur un emplacement où, du temps où la ville grecque s'appelait encore Byzance, s'élevaient des temples païens.

Ainsi les premières basiliques de Constantin, cimentèrent-elles pour les siècles à venir les croyances apostates du catholicisme ; l’idolâtrie, le culte des saints et des reliques, la prééminence de l’évêque et la fixation de l’église dans la pierre. Le royaume de Dieu dont Jésus disait qu’il n’était pas de ce monde, Satan le ramena sur terre. Ces basiliques qui mêlent paganisme et christianisme et qui étymologiquement sont la ‘maison du roi’, deviendront fort logiquement les édifices contenant le trône de l’évêque, sa cathèdre, dont la racine du mot donnera celui du mot « cathédrale ». La basilique a donc remplacé l’Ecclésia originelle en ramenant l’Eglise sur terre, le clergé catholique y a inversé la hiérarchie  en nommant à la tête de l’Eglise un évêque et le paganisme romain s’y mêla avec un semblant de christianisme. Mais comme si tout cela ne suffisait pas, la structure même des bâtiments s’harmonisera à l’esprit antéchrist qui les modèle.

La base architecturale d’une basilique.

Constantin bâtit les premières basiliques dont la première de toutes, Saint­ Jean-de-Latran.  Aujourd’hui cathédrale et siège de l'évêché de Rome, dont le titulaire n'est autre que le Pape, siège du trône papal, c'est la plus ancienne et la première dans l'ordre protocolaire des basiliques papales, devant la Basilique Saint-Pierre du Vatican, la Basilique Saint-Paul-hors-les-murs et la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Elle porte le titre, inscrit sur le fronton, de omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput, qui signifie "mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde". Elle est l’église mère et modèle sur lequel toutes les églises catholiques du monde seront construites.


Le nom de Saint-Jean n'est qu'un nom d'usage emprunté à la dédicace du baptistère de l'église (qui est consacrée sous le double vocable de saints Jean Baptiste et Jean l'Évangéliste). La dédicace de la cathédrale de Rome est Saint-Sauveur. Le nom tomba en désuétude au cours de l'histoire et c’est somme toute logique. Les premières basiliques chrétiennes datent du IVe siècle et leur structure s'inspire du modèle civil de la vaste basilique romaine, à la fois tribunal et centre d'affaires. Son plan rectangulaire étant semblable à celui du temple. Il est possible de se faire une idée de la plus ancienne église chrétienne de Rome, la basilique de Latran, grâce à une fresque antérieure à son remaniement au XVIIe siècle. La reconstitution du plan de l'ancienne basilique est présentée ci-dessous:

Les dimensions du rectangle constitué de la nef (1) et des bas-côtés (2) sont dans un rapport approximatif de 1 à 4. Prolongé jusqu'aux limites de l'abside, le rectangle reproduit exactement le rectangle solsticial. L'édification des basiliques romaines et romanes a donc dû s'appuyer sur le dessin d'un rectangle en rapport avec les lever et le coucher du soleil à six mois d'intervalle. La date choisie pour le relevé du lever et coucher de soleil (dédicace) ne nous est pas connue pour les premières basiliques, mais son nom même en est une bonne indication. Que la basilique soit dédiée aux deux Saint-Jean est parfaitement significatif: Jean le Baptiste fêté le 24 juin et Jean l'Évangéliste fêté le 27 décembre. Ce n'est par hasard que la première basilique chrétienne en appelle à deux saints célébrés aux solstices, car son axe central est-ouest suit le cheminement du soleil.

La construction des premiers édifices sacrés se faisait selon des principes d'orientation rigoureux dont les dieux ou leurs Maîtres d'œuvre sur Terre étaient les gardiens. La basilique « mère » de Saint-Jean-de-Latran reprendra l’ancien système de construction païen à son compte et servira de modèle aux futures églises catholiques.

Une fois le site choisi, le Maître d'œuvre plantait un mât dans le sol symbolisant l'axe vertical du lieu. À partir du pied du mât, il traçait un cercle qui représentait l'horizon.
Au lever et au coucher du soleil, le mât projetait deux ombres sur le sol qui coupaient le cercle en deux points. Ces points déterminent un axe orienté est-ouest et appelé “decumanus”. Le tracé de cet axe dépend de la date du relevé du lever et du coucher du soleil qui signe la dédicace de l'édifice.
Lorsque le soleil était à son zénith, l'ombre du mât dessinait un deuxième axe sur le sol. Orienté sud-nord, il est perpendiculaire au premier et dénommé “cardo”.
La dernière opération consistait théoriquement à relever un deuxième “decumanus” correspondant aux lever et coucher du soleil six mois plus tard. Pratiquement, il suffisait de tracer les symétriques des extrémités du premier “decumanus” par rapport au centre du cercle. Ces deux “decumanus” constituaient deux des côtés parallèles d'un rectangle inscrit dans le cercle. Ses sommets devant servir de repères pour la construction de l'édifice.

A partir de là, traditionnellement, lorsqu'on décidait de construire une église catholique:
-on choisissait un saint protecteur de cet édifice (le saint patron) ; ce choix était souvent le fait du patron temporel de l'église, sur le domaine duquel l'église allait être construite : l'évêque, un propriétaire, et des abbayes ;
-pour les plus grandes églises, à partir du milieu du Moyen Âge, c’est à l'endroit qui serait la croisée des transepts, qu’on plantait le grand mât ; au lever du soleil, le jour de la fête du saint patron (si cette fête se célébrait avant le solstice d'été); sinon, au coucher du soleil, le jour de cette même fête (si cette fête se célébrait après le solstice d'été), on notait l'ombre portée par le mât. D'autres opérations allaient suivre ; tracé du cercle dans lequel s'inscriraient les quatre piliers du transept, tracé du cercle définissant le sanctuaire, définition de la nef.


La croisée du transept, formait donc la base solaire sur laquelle le plan de l’église allait se bâtir. Si l’on combine la base carrée des solstices avec celle des équinoxes, on peut former un octogone qui symboliquement représente la liaison entre le carré de terre et le cercle du ciel. La forme idéale serait alors de retrouver les quatre piliers du transept solaire d’origine, surmonté d’une coupole. Ce modèle parfait se retrouve à la basilique Saint-Pierre de Rome au Vatican, où la coupole de Saint-Pierre reproduit celle du Panthéon romain, reposant sur les quatre piliers massifs du transept. L’architecture du bâtiment est donc conçue pour donner l’image du lieu où la terre rejoint le ciel, le passage obligé vers Dieu.

Mais pourquoi le clergé catholique a t’il  tant voulu donner un base solaire à ses édifices religieux ? Car le culte solaire est intimement lié à la raison d’être même du bâtiment dont Constantin est l’initiateur. Car la fusion des composantes païennes et chrétiennes reste la marque de la démarche impériale à l’égard de la religion. Le syncrétisme des actes de Constantin lie l’architecture à la pratique « chrétienne ». C’est ce que révèle le chapitre 22 avec : Le syncrétisme des cultes sous Constantin. Il y a donc une filiation directe en le culte solaire, le roi et l’édification des premières basiliques. Quand Constantin ordonne la construction des premières basiques, elles le seront selon un modèle qui donne au pontife de Rome la prérogative sur les cultes, même chrétien, car le maître de l’empire entend rester autant un chef religieux, que politique ou militaire. Ainsi la base solaire qui détermine le plan de l’édifice, agit comme une dédicace à l’empereur représentant de sol invictus, ce pérennise la fonction religieuse de l’empereur.  Pour saisir cette notion il faut étudier l’évolution du culte de l’empereur dans l’empire.

Le culte solaire est directement lié à celui de l’empereur.

Le culte impérial a hérité certains de ses concepts de l’Orient antique où les rois étaient considérés comme des fils de dieux. Le célèbre Code de justice du roi Hammurabi (vers 1792‑1750 av. J.‑C.) de la première dynastie babylonienne précise comment le dieu, le roi et le peuple se trouvent liés : Lorsque le roi monte sur le trône, il reçoit son autorité souveraine en tenant les mains de la statue du dieu Marduk. Ce dernier se dévoile ainsi à la population à travers le roi, lequel devient un fils du dieu. Dès lors, son régime ne peut plus être remis en cause.

L’association du souverain avec le soleil vient d’Égypte. Pendant l’antiquité, les Égyptiens vénèrent Rê, le dieu soleil, et Pharaon est reconnu comme son fils. En effet, le souverain est un intermédiaire intouchable entre le peuple et leur dieu. Les Grecs, eux, n’ont pas la même vision : leurs dieux sont beaucoup plus humains et se rendent sur terre. De plus, le régime de leurs rois n’est pas absolu. Toutefois, quand Alexandre le Grand visite l’Égypte, il est accueilli comme le fils d’Amon-Rê, le principal dieu égyptien. Par la suite, il admettra être le fils de Zeus, le dieu suprême. Alexandre sera enseveli à Alexandrie où il est adoré comme le fils d’Amon. Au fur et à mesure que son culte se répand, des temples sont érigés en son honneur dans toute l’Asie Mineure. Ses successeurs, les Ptolémées et les Séleucides, finissent par être convaincus que, eux aussi, méritent d’être vénérés.

Il n’en faut guère plus pour que s’instaure la vénération des conquérants romains lorsqu’ils succèdent aux Grecs dans la domination de l’Orient. Bientôt, temples et statues s’élèvent pour honorer Dea Roma (la déesse Rome). Le décor est ainsi planté pour voir s’épanouir l’adoration d’une longue lignée d’empereurs romains. Le culte impérial est une manière d'habituer les habitants de l'Empire, si dissemblables par la culture et les croyances, à respecter le pouvoir de Rome à travers un empereur divinisé. Des cérémonies sont organisées en l'honneur de l'empereur. C'est l'occasion pour la communauté de se retrouver dans des processions devant des sacrifices, des banquets et toutes sortes de spectacles.

La fonction de grand pontife procure aux empereurs un caractère sacré. De plus dans les croyances populaires, Scipion l'Africain, Marius et Sylla avaient un caractère divin. César a développé autour de lui une légende de divinité prétendant descendre de Vénus et d'Énée. Dès le début de l'Empire, Auguste (-27-+14) met en place le culte impérial. Il fait diviniser César et, en tant que son héritier, il s'élève ainsi au-dessus de l'humanité. Il se dit fils d'Apollon. Il utilise l'iconographie et les écrivains de son temps Virgile et Horace à des fins idéologiques. Les lettres et les arts ainsi sont mis au service de la propagande augustéenne. Il associe aussi toute la communauté au culte de ses ancêtres devenant ainsi le père de tous, d'où son titre de « père de la patrie », une forme impériale du futur pape catholique. Auguste refuse d'être divinisé de son vivant. Il laisse cependant se construire des autels des temples qui lui sont consacrés surtout dans l'Orient habitué à considérer ses souverains comme des dieux vivants, à condition que son nom soit associé à celui de Rome divinisé. À Rome, en Italie et dans les camps militaires, on rend hommage à son Genius et à son nom, le numen. Le culte impérial se pratique ici dans des formes proprement romaines. Le mouvement se poursuit après sa mort. Tibère (14-37), son successeur, développe le culte d'Auguste qui a été divinisé officiellement en recevant l'apothéose. Il crée une nouvelle classe de prêtres, les sodales augustales pour rendre les honneurs divins à Auguste et à la famille des Jules.

Les Antonins font progresser la religion impériale pour des raisons essentiellement politiques. Pline souligne que comme Jupiter, l'empereur Trajan (98-117) porte les noms d'optimus et maximus. Dion de Pruse, un célèbre orateur développe l'idée que Zeus ne s'occupe que du ciel et que son délégué sur la terre est l'empereur. Hadrien (117-138) est assimilé en pays grec à Zeus Olympios. La tendance à la divinisation des empereurs de leur vivant s'affirme donc. Leur caractère extraordinaire est accentué par l'habitude des Antonins de diviniser après leur mort les membres de leur famille. Trajan, fils adoptif de Nerva (96-98), fait diviniser son père naturel après sa mort. Hadrien et Antonin (138-161) font de même après la mort de leurs épouses Sabine et Faustine5. Le culte officiel s'organise.

Au IIIe siècle, l'idéologie impériale évolue. Les empereurs jouent, pour les habitants de l'Empire, le rôle d’intermédiaire entre les hommes et les dieux. Dans l'idéologie officielle, il est le seul qui peut assurer la prospérité et la tranquillité de l’empire. Les marques de dévotion des sujets sont très fortes: dédicaces épigraphiques et monumentales, prosternation devant sa personne ou sa statue, jeux périodiques en son honneur... En Afrique proconsulaire, la dynastie des Sévères, originaire de cette province est particulièrement adorée. Mais vers le milieu de IIIe siècle, les marques de dévotion vis-à-vis de la religion impériale semblent baisser. L'empire est dans cette période touché par des périodes de guerre atroce et de récession économique. Plus inquiets de leur situation et n’ayant plus confiance à la divinisation de la personne impériale, les Africains se mettent à pratiquer ouvertement d'autres religions comme le Christianisme. Or les vrais chrétiens et les juifs par exemple sont réfractaires aux cérémonies officielles en l'honneur de Rome ou du Genius de l'Empereur qui exigeaient de sacrifier. Le pouvoir y voit une marque de rébellion et ceux qui refusent d'y participer sont assimilés à des traitres.

Dans le troisième quart du IIIe siècle, Aurélien (270-275) est l'artisan d'une réforme religieuse qui développe la place de Sol dans le culte officiel romain et organise à Rome le culte du soleil, Sol Invictus. La théologie solaire présentait une divinité unifiante qui ne s'opposait pas aux cultes traditionnels. L'empereur peut alors « apparaître comme le représentant sur terre de cette monarchie céleste » et attribuer son pouvoir à la volonté de la divinité : sur les monnaies d'Aurélien on peut trouver l'inscription deus et dominus natus. À sa suite, Dioclétien et son associé Maximien se placent à partir de 287 comme descendants des dieux, sous les surnoms de Jovius et Herculius. Ces titres divins n'en font toutefois pas des dieux, car Dioclétien cessa d'être Jovius après son abdication. Ceci a aussi pour but de donner à l'empereur une autre légitimité que celle des victoires militaires. Constantin (306-337) se présente comme chrétien après 324. Mais il reste grand pontife et continue à favoriser le culte impérial tout en soutenant la religion chrétienne. Le cérémonial romain du IVe siècle continue à exiger de s’agenouiller aux pieds de son souverain, selon le rite de l'adoration ou proskynèse mis en place sous Dioclétien.

Si on quitte l’époque romaine, pour demander aujourd’hui à un responsable du culte catholique pourquoi leurs édifices religieux sont orientés vers le soleil, la réponse a beaucoup évolué, pour s’éloigner totalement de la réalité historique.

"Les chrétiens ne prient pas en direction du Temple, mais en direction de l'Est: le soleil levant, qui triomphe de la nuit, symbolise le Christ ressuscité et les chrétiens y voient en même temps le signe de son retour. Dans son attitude de prière, le chrétien exprime son orientation vers le ressuscité, qui est le véritable point de référence de sa vie avec Dieu.  C'est pourquoi l'orientation vers l'Est est devenue, à travers les siècles, la loi fondamentale de la construction de l'église chrétienne.  Elle est l'expression de l'omniprésence de la force rassemblante du Seigneur, dont le royaume, comme celui du soleil levant, s'étend sur le monde entier.."  
"L'idée qui veut que le prêtre et le peuple doivent se regarder dans la prière n'est apparue que dans la chrétienté moderne et se trouve complètement étrangère à l'Antiquité. Le prêtre et le peuple ne prient pas l'un vers l'autre mais vers l'unique Seigneur. Ils sont donc orientés, dans la prière, dans la même direction, vers l'Orient, un Orient entendu comme symbole cosmique du Seigneur qui vient, et, là où cela n'est pas possible, vers une image du Christ placé dans l'abside, vers une croix ou vers le ciel comme le Seigneur lui-même a fait dans la prière sacerdotale, le soir qui a précédé sa Passion (Jn 17,1)…" Joseph Ratzinger.

A priori toutes relation avec un antique culte solaire aurait disparu au profit du seul symbole renvoyant au Christ. Cependant rien n’est plus faux, comme le prouve l’attachement des futurs papes, bien après Constantin, à pérenniser le culte solaire.

La confirmation du culte solaire par les papes

Après la conquête romaine de l'Égypte, plusieurs obélisques furent transportés à Rome, en guise de trophées, afin d'être dressés devant des temples ou des mausolées ou pour orner la spina des cirques. Certains furent enlevés à des temples égyptiens, comme celui de Saint-Jean de Latran qui provient du temple de Karnak, d'autres ont été fabriqué à l'époque romaine tel l'obélisque de la Trinité des Monts. Délaissés au Moyen Âge, les obélisques s'écroulèrent. Les papes de la Renaissance restaurèrent ces imposants monolithes afin de les dresser devant les principaux édifices religieux de la Ville éternelle où on peut encore les admirer aujourd'hui.

L’obélisque n’étant qu’un symbole païen égyptien, il s’identifie cependant à l’origine de tout le culte des pharaons. Atoum-re se serait manifesté sous cette forme pour la première fois et l'obélisque serait un rayon de soleil figé. Dans le mythe de la création du monde en Égypte antique, en particulier dans la très ancienne cosmogonie héliopolitainne, Atoum occupe la place du démiurge : il ne crée pas le monde ex nihilo, mais façonne les êtres à partir de la matière préexistante et les sépare. C'est lui qui de sa semence engendre le premier couple divin, Shou et Tefnout, d'où descendent les principaux dieux de l'Égypte antique. Atoum n'ayant aucun partenaire pour procréer, se masturba et c'est de son sperme que naissent le dieu masculin Shou et sa sœur jumelle, la déesse Tefnout. Ainsi les dieux de l’Egypte et ceux qui y habitent sont la semence solaire d’Atoum. Car à l'origine, Atoum fut le dieu soleil, mais il va rapidement être assimilé à Rê, qui finit par le remplacer dans le panthéon égyptien. La mythologie évolua avec Rê, qui vint au monde sous la forme d'un œuf. Rê sortit de l'œuf et fut aveuglé par la lumière. Cette lumière fit couler des larmes de ses yeux, d'où naquirent les premiers hommes…


L'obélisque du Vatican est un obélisque transporté à Rome par Caligula pour orner la spina de son nouveau cirque du Vatican. C'est le pape Sixte Quint qui décida de transporter et restaurer ces symboles égyptiens afin de les mettre en évidence devant les principaux édifices religieux romains. Il fit déplacer celui-ci en 1586 jusqu’au centre de la place Saint-Pierre. L’obélisque est le seul, dans la ville romaine, à n’être jamais tombé. Il resta fièrement dressé à sa place d’origine qui selon une tradition immémoriale, marquait le lieu approximatif du martyre de l'apôtre Pierre. Il viendrait d’Héliopolis (la ville du Soleil). Ville solaire où on adorait des divinités liées au Soleil sous la forme d'une triade :
-le dieu Khépri, représentant le Soleil renaissant ;
-le dieu Rê, le Soleil à son zénith ;
-le dieu Atoum, le Soleil couchant.
Ces trois divinités finissent par se confondre en une seule représentée par l'astre solaire dont les trois états principaux, l'aube, le zénith et le crépuscule sont symbolisés par ces trois dieux. Le dieu en constante transformation est à l'origine de la création du monde. Il renaît chaque jour pour disparaître chaque soir et continue ainsi son cycle éternel. Il est dans son principe, le symbole de la résurrection. La forme solaire de la place, ses rayons et son orientation ne laisse aucun doute sur les intentions des papes de Rome. Utiliser l’image du Christ pour restaurer celle des divinités païennes. Notamment le symbole du fils solaire.

Avec un luxe de détails inouïs, les papes de Rome ont reproduit sur la place vaticane ce que justement l’Eternel c’est promis de détruire. Exode 12 : 12  Cette nuit-là, je passerai dans le pays d’Egypte, et je frapperai tous les premiers-nés du pays d’Egypte, depuis les hommes jusqu’aux animaux, et j’exercerai des jugements contre tous les dieux de l’Egypte. Je suis l’Eternel. 13  Le sang vous servira de signe sur les maisons où vous serez ; je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous, et il n’y aura point de plaie qui vous détruise, quand je frapperai le pays d’Egypte. La Pâque juive est l’expression d’une délivrance, mais également la victoire de l’Eternel sur tous les dieux égyptiens, en partant du dieu Nil, à Ramsès qui signifie fils de Rê. Relever ces symboles égyptiens, c’est défier Dieu Lui-même.


Il est également intéressant de suivre l’évolution solaire de la basilique "mère" de Saint-Jean-de-Latran. C'est le très "chrétien" Constantin (272-337) qui, en 337 (l’année de sa mort), le fit transporter de Thèbes à Alexandrie, pour l'ériger à Constantinople. Mais il n'eut pas le temps de mener à bien son projet, et son fils Constance II (337-361), son successeur, préféra l'acheminer vers Rome en 357, le destinant à la spina du Circus Maximus : le géant vint donc prendre place au côté de l'obélisque d'Auguste, actuellement obélisque de la piazza del Popolo. Il fut retrouvé en 1587, à une profondeur de 7 m, brisé en trois morceaux, lors de fouilles menées au Grand Cirque par le pape Sixte Quint, qui le fit restaurer et enfin réériger sur la place Saint-Jean-de-Latran l'année suivante le 3 août 1588 par l'ingénieur Domenico Fontana. Ainsi le symbole de l’Egypte antique s’associa à la basilique pour reformer un nouveau couple solaire.

Si l’on considère que l’orientation de la basilique du Latran construite sous Constantin serait une forme de dédicace à sol invictus et que l’érection d’un obélisque face à l’édifice renvoie à la notion du fils solaire, les deux symboles associés unifieraient l’idée que celui qui trône dans la basilique est la représentation humaine des symboles religieux de la basilique elle-même. Cette notion ferait du pape un dieu vivant sur terre, le remplaçant du soleil de justice biblique, représenté par Jésus. Le fait que les papes ont produit des faux comme la "Donation de Constantin" et "les fausses Décrétales" pour récupérer le titre de "pontifex maximus", accentue encore le trait blasphématoire. Il y a donc clairement une volonté affichée d’effacer le souvenir de l’Ecclésia comme corps mystique au profit de l’église en pierre et celle du Christ au profit d’un pape.

La basilique du Latran, comme "maison du roi", peut donc laisser porter la couronne au vicaire (remplaçant) du Christ. Christ devant ici être pris au sens strict du terme, comme oint de Dieu. Cette onction divine se retrouvant symboliquement dans la tiare papale. La tiare papale, appelée aussi le trirègne (en latin tiara ou triregnum), est la triple couronne des papes. La triple couronne exprime et symbolise le triple pouvoir du pape :
-pouvoir d'Ordre sacré (en tant que Vicaire du Christ et successeur de Pierre, il nomme les évêques et est par excellence le "grand prêtre" ici-bas),
-pouvoir de Juridiction (en vertu du pouvoir des clefs, celui de lier et délier sur la terre et au ciel),
-pouvoir de Magistère (en vertu de l'infaillibilité pontificale).

Ainsi le catholicisme ne construit pas l’Eglise du Christ sur terre, mais pérennise celui du souverain de Rome. Comme le soleil se lève de l’est pour aller vers l’ouest, l’influence de l’évêque de Rome rayonne à travers les cathédrales du monde entier, ou selon le principe de l’allégeance mère/fille des trônes dans les églises, l’autorité du souverain pontife s’étend sur le monde en partant du cœur des villes. On comprend alors mieux pourquoi la Grande Prostituée est assise sur les sept collines de Rome, car c’est le siège du trône papal. Ap 17:9  C’est ici l’intelligence qui a de la sagesse. -Les sept têtes sont sept montagnes, sur lesquelles la femme est assise. Mais qui est complété par une autorité qui se diffuse sur le monde entier. Ap 17:15  Et il me dit : Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations, et des langues.

Cette autorité qui se veut universelle, explique également la curieuse coutume de la bénédiction urbi et orbi, formule latine qui signifie : "à la ville et au monde". Elle s'applique aux actes du Pape qui sont destinés à tout l'univers chrétien ; se dit aussi de la bénédiction que le Pape donne du haut du balcon de la basilique Saint Pierre, pour signifier les deux dimensions de sa démarche en tant qu'évêque de Rome et Pasteur Universel. Une bénédiction solennelle qui est prononcée les jours de Pâques, de Noël et à de rares autres occasions exceptionnelles. Que le "sol invictus" papal reprenne les fêtes solaires babyloniennes et romaines pour ses bénédictions, donne toute sa mesure au geste du souverain pontife. Le choix du lieu est aussi emblématique, car la bénédiction n’est prononcée dans une église, mais face à l’obélisque égyptien d’Héliopolis, qui rayonne sur la place circulaire de Saint-Pierre, comme le pape sur le monde. 

La bénédiction urbi et orbi, renvoie également à l’inscription du fronton de la basilique Saint-Jean de Latran, omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput, qui signifie "mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde". Elle est l’église mère et modèle sur lequel toutes les églises catholiques du monde seront construites et rappelle au monde que partout où un évêque a posé son trône, l’autorité du pape s’exerce. Le monde et les villes sont donc le nouveau royaume terrestre du souverain pontife  de Rome.

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