http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: L’ « esprit » de Noël - 4 -

mardi 20 décembre 2011

L’ « esprit » de Noël - 4 -

Tout comme les nouvelles philosophies, les innovations propres aux religions hellénistiques visaient le salut de l’individu. Les Mystères se développent autour de divinités réputées pour avoir connu et vaincu la mort. Elles étaient plus proches de l’homme, s’intéressaient à son progrès spirituel et assuraient son salut. On y retrouve Dionysos, Isis, Osiris, Cybèle, Attis, Mithra, dans un syncrétisme gréco-oriental. Ainsi la promesse du salut (et en premier lieu le salut individuel) constitue la nouveauté et la principale caractéristique des religions hellénistiques. Elle essaye d'exorciser la fatalité du Destin. Les grecs seront les ultimes réceptacles théologiques d’une migration religieuse qui partit d’Orient. A l'exception du dyonysisme, tous les Mystères sont d'origine orientale : phrygienne (Cybèle et Attis), égyptienne (Isis et Osiris), phénicienne (Adonis), iranienne (Mithra).


Les antiques cultes agraires liés aux cycles des saisons, qui se célébraient au solstice d’hiver et à l’équinoxe de printemps, expliquaient pourquoi les dieux et déesses devaient mourir et ressusciter afin de permettre aux hommes et à la nature d’exister. Le principe dans ses grandes lignes perdurera des millénaires en Orient, mais changera de nature en Occident avec les grecs. Les romains qui avaient absorbés la culture grecque, firent leur, le culte à mystère comme principe de salut, avec Cybèle qui a été introduite à Rome en -205, pour sauver la République gravement menacée par les armées carthaginoise.  Le syncrétisme religieux et philosophique sublima le couple Cybèle - Attis. Ce dernier fut assimilé au soleil et devint le centre de la théologie solaire très populaire vers la fin du paganisme. L'accent était mis sur l'immortalité et la résurrection. Sous Claude et ses successeurs, Attis fut élevé au premier plan dans l'espoir d'arrêter l'essor du christianisme.

Le culte de Cybèle (Kubele) provient de Phrygie, (Turquie actuelle). C'est la Grande Mère de tous comme des dieux. Souveraine du ciel et symbole de la Terre Mère originelle, elle était honorée en Asie Mineure sous les appellations de Kubile, Misa, Hipta. Cybèle fut la première divinité étrangère admise à Rome. Elle fut assimilée à Déméter et à Cérès. Un culte analogue était rendu à Ma (ou Sabazios), importé de Syrie. Puis, des dieux syriens ou égyptiens s’installèrent sobrement puis des temples furent consacrés à Isis, Astarté, puis Mithra. Mère des dieux, Cybèle était vénérée comme mère de Zeus ou de Jupiter. A l'origine, le culte de la Magna Mater, était célébré au sommet des montagnes, ou dans les grottes.  Dans le légende, Cybèle devint amoureuse d’Attis qu’elle avait découvert endormi sur la rive du fleuve Gallos. Elle le coiffa d’un bonnet étoilé, et le garda auprès d’elle. Attis était fils de la déesse vierge Dana qui le conçut en mangeant une amande. Il abandonna Cybèle pour épouser "la fille du fleuve" Sagaritis, une nymphe dont il était amoureux. Cybèle, folle de colère, provoqua la mort de Sagaritis. Désespéré, Attis voulut s’autodétruire par émasculation. Emue par sa douleur, la déesse primordiale ranima le dieu repentant qui revint alors vivre près elle. D'autre texte disent que Cybèle le changea en pin. En rappel de la passion d'Attis, les galles, les serviteurs de Cybèle, s'auto castraient et promenaient un pin au travers des villes.

Le culte de Kubila, (la Grande mère ou Mère des Dieux que les Grecs et les Romains nommèrent Cybèle ou Agdistis), était le plus célèbre en Phrygie. Personnifiant la nature féconde, elle était adorée sur le mont Dindymon sous le nom "Mère Montagne". Elle portait une coiffe en forme de tour. Abandonnée à sa naissance, elle fut recueillie par un félin qui l'initia aux Mystères, et c'est pourquoi son trône était gardé par deux léopards (ou deux lions). Cybèle disposait de toutes les richesses de la terre et elle exigeait que son époux resta vierge. C'était le jeune berger Attis (ou Atys), fils de Nana ou Nada, la fille du Dieu fleuve Sangarios (ou Sangarius ou Sakarya). Il était coiffé d'un bonnet phrygien typique (repris par les révolutionnaires français en 1789). Les Phrygiens vénéraient aussi Sabazios, dieu représenté à cheval, ayant pour attribut un serpent. Les Grecs associèrent Sabazios à Zeus ou à Dionysos, et l'opposèrent à la Déesse d'Éleusis, la Magna Mater, autre Grande Mère, dont la créature était le taureau. Quand les Carthaginois d'Hannibal envahirent l'Italie, un oracle de la Sibylle de Cumes énonça  que les ennemis seraient vaincus si le culte de Cybèle était introduit à Rome. En ~204, lors de la seconde guerre punique, le Sénat romain fit venir du "Métrôon" de Pergame, en Phrygie, la "Pierre Noire" cubique de Cybèle et le culte asiatique en fut alors importé. Cette "Pierre Noire" sacrée était probablement un aérolithe comme celle qui représentait le dieu syrien "Elagabal".

Plusieurs empereurs romains favorisèrent les cultes de Cybèle et Attis. Un temple fut construit au mont Palatin où le clergé phrygien en accomplissait les rites dont la cérémonie du "Lavatio". Á l'origine, début avril, un char menait l'idole et la Pierre Noire jusqu'au fleuve Almo pour la baigner avant de la ramener au temple, couverte de fleurs. Puis, un magistrat romain ouvrait les fêtes dites "Megalensia" et leurs festins.  Plus tard, les solennités des "Attideia" furent autorisées avant le "Lavatio". Commémorant la passion d'Attis, elles commençaient par une neuvaine d'abstinences alimentaires et sexuelles. Fin mars, on célébrait "l'entrée de l'arbre". Les porteurs apportaient au temple un pin coupé et décoré qui représentait le cadavre d'Attis. Il était longuement adoré et pleuré puis mis au tombeau le 24 mars, "Jour du Sang", avec un cérémonial sanglant. Les fidèles et les "galles" dansaient frénétiquement au son des tambourins et des trompes, en se lacérant pour éclabousser de sang le pin sacré et ses abords. Des fanatiques se castraient alors avec des éclats de silex mis à leur disposition. Marqués au fer rouge, ils s'en allaient en ville jeter cette "moisson du dieu Gallos" en une quelconque maison dont les habitants devaient alors les nourrir et les vêtir d'habits féminins. La nuit suivante (Hilaries) préparait la résurrection d'Attis.  Cette fête joyeuse avait un éclat particulier. Elle était conduite par l'empereur et le Sénat jusqu'au temple où Attis était proclamé ressuscité. Cette alternance de douleur violente, de joie exubérante et la promesse de salut contenue dans la résurrection d’Attis, attirèrent la dévotion des Romains, surtout des femmes, écartées du culte de Mithra.

La castration étant interdite aux citoyens romains, un sacrifice de substitution, le Taurobole, fut institué. Le sang d'un taureau mutilé se déversait sur le myste alors réputé purifié, revigoré, et rené, (au sens d’une nouvelle naissance), pour vingt ans, la cérémonie étant ensuite répétée. Le myste offrait les organes génitaux de la victime à la déesse. Il était alors admis dans la « chambre nuptiale » ou « sous le baldaquin » en tant qu'époux mystique de Cybèle. Ultérieurement, ce baptême sanglant assura, par lui-même et par transfert, la résurrection et le salut éternel de l’initié, comme celui d’Attis après son sacrifice volontaire. Associant la sexualité et le péché, elles annonçaient les traditions de célibat et les futures castrations de pureté de mystiques comme Origène. Dans son traité "Des dieux et du monde", le néo-platonicien Sallustius nous donne une interprétation théologique de ce mythe. Cybèle est la grande déesse primordiale qui donne la vie, et Attis est, en ce monde, l’artisan du changement. C’est pourquoi il est trouvé au bord du fleuve. Comme les puissances primordiales perfectionnent continûment les puissances secondaires, la Mère s’éprend d’Attis et lui donne la puissance céleste symbolisée par la coiffure étoilée. Cependant Attis à son tour s’éprend d’une nymphe, symbole de la génération. Mais Attis prend conscience que toute génération est destinée à périr. Craignant donc que du mauvais ne sorte le pire, il jette sa puissance génératrice dans le monde du devenir et revient vivre avec les dieux. On retrouve ici la doctrine d’Hermès concernant le destin de l’âme, la chute dans la matière et le retour aux dieux au prix du sacrifice de la personnalité terrestre. Le sacrifice d’Attis préparait sa résurrection. "Attis est ressuscité ! Evohé !" chantaient les mystes.

Cybèle la déesse phrygienne et Artémis la lydienne sont si proches dans leurs analogies, avec d’autres représentations féminines de la puissance divine dans les pays d’Asie, telles que Ma de Cappadoce, Astarté ou Ashtaroth de Phénicie, Atargatis et Mylitta de Syrie, qu’on peut penser que toutes ces divinités ne sont que les variantes d’un seul et même concept religieux, qui présente quelques différences selon les pays, mais qu’un seul lien spirituel les reliait depuis les premières représentation d’une reine du ciel en Mésopotamie. Il en va de même des fils ou époux qui renaissent sous le nom d’Attis ou Dionysos, Baal ou Dumuzi/Tammuz qui partirent de la régénération de la nature à celle de l’âme.

Le paganisme va bientôt toucher à sa fin avec la chute de l’empire romain. Sous la poussée du christianisme qui progresse dans les consciences, les cultes à mystères seront les seuls survivances des religions antiques qui tenteront de lui faire obstacle. Le Mithriacisme, cas à part au sein des Mystères perdra son originalité orientale, mais survivra sous la forme du clergé des « pères », fait d’abbés ayant un pape à leurs têtes et surtout en pérennisant la fête de la naissance de Mithra au solstice d’hiver, notre Noël contemporain. Ce qu’il convient de retenir des cultes à mystères, c’est qu’ils furent la tentative païenne de donner pendant l’antiquité une solution de salut à l’âme de l’homme, dans leur esprit ils sont donc totalement antéchrist. Ainsi, reprendre dans son symbole la nuit de Noël, c’est reprendre le principe de la résurrection de Mithra, mais c’est également reprendre le principe du salut de l’âme par le biais d’une voie différente que celle annoncée dans les évangiles.

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