Entrer dans une cathédrale, à fortiori par le Portail de
la Vierge de Notre Dame de Paris, c’est entrer dans le symbole. Ces symboles
peuvent être visibles quand ils sont taillés dans la pierre, mais ils peuvent
être très subjectifs quand ils sont liés à l’orientation ou la structure même
du bâtiment. Dans le champ subjectif, une des questions fondamentales qu’il
faudrait se poser, c’est pourquoi des édifices de pierre existent encore, alors
que clairement le Nouveau Testament en souligne désormais l’inutilité. Le Temple de Jérusalem a disparu, car
Jésus-Christ l’a remplacé comme expression vivante de la Loi. Alors pourquoi
les papes ont-ils voulu des temples toujours plus grands et plus beaux ?
Jean 4 : 21 Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l’heure
vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le
Père. 22 Vous adorez ce que vous ne
connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut
vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient,
et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et
en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. 24 Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui
l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité.
Ephésien 2 : 19
Ainsi donc, vous n’êtes plus des
étrangers, ni des gens du dehors ; mais vous êtes concitoyens des saints,
gens de la maison de Dieu. 20 Vous avez
été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ
lui-même étant la pierre angulaire. 21
En lui tout l’édifice, bien coordonné, s’élève pour être un temple saint
dans le Seigneur. 22 En lui vous êtes
aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit.
En lisant ces deux paragraphes, il apparait immédiatement
que la notion de temple comme lieu de cristallisation de la foi et d’habitation
du Dieu vivant juif, a radicalement changé dans la nouvelle alliance. A cause
de la destruction du premier temple et de la déportation à Babylone, les
relations entre le peuple juif et l’Eternel leur Dieu ont évolué. N’ayant plus
accès au temple, la foi hébraïque s’est reportée sur les écritures et la prière
en commun dans des assemblées. La synagogue,
(Beit Knesset), « maison de l'assemblée »
est alors née. Dans la diaspora issue de la dispersion, la synagogue remplacera
alors le temple de Jérusalem et les bases du nouveau Temple divin étaient
désormais posées. La reconstruction d’un second Temple ne changera rien à cet
état de fait et il ne servira qu’à amplifier et souligner les erreurs qui
amenèrent la destruction du premier Temple. Le véritable renouveau spirituel
s’effectue dans la synagogue.
Mais la synagogue n’a pas encore été sanctifiée pour
permettre à l’Esprit Saint d’y résider, le Mashiah devant encore venir comme
victime expiatoire, donner sa vie pour la sanctification du peuple. Après ce
sacrifice, l’Esprit de Dieu put descendre dans sa maison, qui n’est plus de
pierre mais de chair. Ainsi tous ceux qui reçoivent Jésus-Christ dans leur
cœur, reçoivent également le Saint Esprit. Cette vérité étant vraie pour le
juif, mais également le grec, soit le monde entier. L’assemblée formant le
nouveau Temple de Dieu évolue alors vers l’Ecclesia (Grec ancien : ἐκκλησία − l'assemblée). Le mot donnera en français Église
(assemblée des fidèles) ou ecclésiastique.
Cette notion de corps mystique du Christ comme nouveau
Temple de Dieu, pose alors un immense problème à l’adversaire, Satan. Avec la
construction de second temple à Jérusalem, il lui fut facile de corrompre le
clergé par l’argent et l’exercice du pouvoir, les deux s’étant confondus sous
les dynasties Hasmonéennes. Les Hasmonéens ont bâti à partir de -152 un
véritable État, en profitant de la rivalité entre deux rois séleucides.
Jonathan se fait ainsi accorder non seulement des titres à la cour séleucide,
mais aussi la fonction de Grand-Prêtre (à laquelle il n'avait aucun droit) et
d'ethnarque (c'est-à-dire chef du peuple) des Juifs, c'est-à-dire l'unique interlocuteur
du pouvoir royal. L'Etat hasmonéen devient un royaume lorsqu'Aristobule Ier se
proclame basileus en 104-103 et prend l'allure d'un royaume
hellénistique, avec une armée largement constituée de mercenaires, un monnayage
imité des Grecs à partir de 128, une cour, des palais. Cela choque profondément
les Juifs pieux qui avaient soutenu les Maccabées dans leur révolte contre les
Hellénistes et les Séleucides, au point que l'on assiste le plus souvent à une
rupture de fait entre ceux que l'on nomme désormais les pharisiens et les
Hasmonéens.
Dans le vaste territoire contrôlé par les Hasmonéens qui
ont su profiter de la faiblesse des Séleucides, la religion juive est loin
d'être la religion majoritaire si bien que le pays gouverné par Jean Hyrcan a plus
les caractéristiques d'un royaume grec que celles d'un état juif. L'influence
grecque se manifeste par des signes extérieurs que sont le titre de basileus
pris par Aristobule Ier dit le Phihellène, mais aussi par les noms grecs, que
les deux frères, Aristobule et Alexandre accolent à leurs noms juifs. Malgré la
présence du Temple, qui reste écrasante, toute l'organisation du pouvoir civil
et militaire reste sur des modèles grecs. Pour autant, les conflits
apparaissent lors de la Révolte des Maccabées entre les juifs hellénisants et
les tenants d'un judaïsme qui englobe tous les aspects de la vie : pendant
les règnes de Jean Hyrcan et de son fils Alexandre Jannée, on voit se
cristalliser une opposition entre les Peroushim, littéralement, les « séparés »
qui seront connus sous le nom de Pharisiens et le pouvoir monarchique. Jean
Hyrcan aurait abrogé les pratiques imposées au peuple et puni ceux qui les
observaient. Alexandre Jannée qui fait crucifier par centaines des rebelles
juifs, utilise des soldats grecs pour combattre les Pharisiens. Sa veuve Salomé
Alexandra s'appuya davantage sur les rabbins Pharisiens. Les membres du parti
pharisien ne contestent pas l'autorité politique d’Hyrcan, mais lui demandent
de renoncer à la charge de Grand-Prêtre. Hyrcan rompt alors avec les pharisiens
et se tourne vers le parti adverse, celui des Sadducéens plus aristocratique, à
qui il réserve le Conseil du Sanhédrin. Derrière tout cela se cachait également
l’accès au trésor du temple.
C'est sur ce fond de querelle dynastique qu'intervient Pompée,
général romain, qui s'empare de Jérusalem en -63. À compter de cette date, la
Judée devient un protectorat romain. Les Romains donnent à Hyrcan II le titre
d'« ethnarque » et de « grand prêtre », en ayant soin de le
doubler par un conseiller, Antipater, un Iduméen converti au Judaïsme. Le fils
de celui-ci, Hérode, se fait reconnaître « roi des Juifs » par le Sénat
romain en -40 avant notre ère. Il reconquiert le pays avec les Romains jusqu'en
-37. En effet, en -40 av. J.-C., les Parthes avaient envahi la Syrie-Palestine
et soutenu Antigone II Mattathiah, un fils d'Aristobule, comme prétendant au
trône de Judée au détriment d’Hyrcan II, qu'ils avaient emmené en captivité. Hérode
règne sur la Judée après l'exécution d'Antigone II, dernier des Hasmonéens, en -37.
Il meurt en -4, après avoir agrandi le temple de Jérusalem. L'actuel Mur des
Lamentations est le dernier vestige du temple. Ce fils de converti iduméen est
le dernier roi d'Israël. Compte tenu de ses origines, il n'est pas un Hasmonéen,
même s'il est leur héritier direct. Ses descendants ne règnent que sur des
parties du royaume de leur père, n'ayant plus que rang de tétrarques.
C’est dans c’est environnement totalement dégradé sur le
plan de la foi et pratiques juives, que Jésus est venu rétablir le royaume de
Dieu. Car le clergé n’avait plus aucune légitimité, le Grand Prêtre étant
désigné par des politiques soutenus par les sadducéens et les interprètes de la
Loi, les pharisiens, s’appuyant sur la science humaine, ont fait évoluer le
dogme juif en donnant un rôle prépondérant à la Loi orale. En effet, les
pharisiens vont aller au-delà du texte écrit et au nom de la tradition orale,
révélée à Moïse en même temps que la Loi écrite selon eux, ils le précisent et
l’enrichissent de pensées terrestres. Leur soumission à la Loi orale les place alors
en opposants aux sadducéens, qui ont leur propre exégèse orale, et qui ne
reconnaissent pas son autorité. Elle impliquera le développement de la synagogue
comme lieu où l'on interprète la loi. Le pharisaïsme sera ainsi à l'origine du rabbinisme
et de la mise par écrit de la Loi orale dans le Talmud.
Satan a toujours réussi assez facilement à corrompre le
clergé et le service du temple, voire le temple lui-même en y introduisant des
idoles étrangères, les livres des prophètes sont assez clairs sur tout cela.
Avec la diaspora et l’assemblée synagogale un nouveau défi s’offrait à lui, corrompre
l’assemblée. La voie choisie fut celle de l’enseignement par la Mishna.
L’Esprit Saint n’ayant pas encore été donné, la science humaine remplacera la
révélation du Verbe divin. Une compilation de toute cette science humaine
noiera alors la culture juive sous les flots d’un enseignement totalement faux.
Il ne faut pas s’étonner alors, des paroles de Jésus à l’endroit des pharisiens :
Jean 8 : 43 Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? Parce que vous ne
pouvez écouter ma parole. 44 Vous avez
pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a
été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce
qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de
son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge. 45 Et moi, parce que je dis la vérité, vous ne
me croyez pas.
La suite logique de l’attitude du peuple et de ses
conducteurs religieux contre leur Mashiah, les éloignera toujours plus du Dieu
d’Israël. En 66, la génération qui rejeta son Mashiah, se rebella contre
l'Empire Romain et signera sa perte. Quatre ans plus tard, en 70, les légions
romaines menées par Titus reconquirent et détruisirent Jérusalem, y compris le
Second Temple. Les Sadducéens, en partie massacrés, perdent toute influence.
Avec la victoire romaine, de nombreux juifs furent faits prisonniers et réduits
en esclavage. Les liens entre le Dieu d’Israël et le Temple sont définitivement
brisés, seul un temple spirituel peut désormais subsister.
Le judaïsme avait perdu son centre et beaucoup de ses
lois perdaient tout leur sens avec la chute du Temple de Jérusalem. C'est à
cette époque que certains traits du judaïsme se sont définitivement
fixés : les disciples de Yohanan ben Zakkaï qui enseignaient, étaient
appelés רבי (rabbi - mon
maître). Même si son rôle se substitue quelque peu à celui des prêtres du
Temple, le rabbin n'est pas un prêtre mais seulement le plus sage de la communauté,
celui qui peut enseigner. Les synagogues transforment leur rôle et, de lieux de
réunions elles deviennent lieux de prières, la prière remplaçant le sacrifice
au Temple et perpétuent la tradition. Mais l’avertissement de destruction du
Temple n’a pas suffi. Le judaïsme dans son dogme empêchant la pénétration de l’Esprit
Saint, puisqu’il ne reconnait pas Jésus comme son Mashiah, va conduire le reste
des juifs de Judée vers leur fin dans le pays.
L’empereur Hadrien fonde une nouvelle ville païenne Ælia
Capitolina sur les ruines de Jérusalem, qui s'ajoute à l'interdiction de la
circoncision qui datait de quelques années auparavant. La révolte éclate en
132. Son chef en est Bar-Kokhba, « fils de l'étoile » ainsi surnommé
par Rabbi Akiba est considéré comme le Messie. C'est un désastre pour les Juifs
de Judée. Selon Dion Cassius, si la guerre a été dure pour les Romains, ce fut
bien pire pour les Juifs : « Cinquante de leurs places les plus
importantes, neuf cent cinquante-cinq de leurs bourgs les plus renommés, furent
ruinés ; cent quatre-vingt mille hommes furent tués dans les incursions et
dans les batailles (on ne saurait calculer le nombre de ceux qui périrent par
la faim et par le feu, en sorte que la Judée presque entière ne fut plus qu'un
désert) ». La défaite de Bar Kokhba est un désastre, pour les Juifs de la
terre d'Israël, non seulement militaire et politique mais aussi démographique
et spirituel. La Judée a été ravagée par les combats, Hadrien fait interdire la
nouvelle ville d'Ælia Capitolina aux Juifs et élève une statue de Jupiter sur
les ruines du Temple, il interdit l'enseignement de la Torah. Les rabbins sont
persécutés et Rabbi Akiba est supplicié. La province de Judée est désormais
appelée Syrie-Palestine.
La disparition du Temple, de Jérusalem, puis de la Judée
comme province, verra aussi disparaitre la notion de synagogue dans le nouveau
Temple, que Dieu c’est désormais donné au travers des disciples de Jésus-Christ. Car les
rabbins s’obstinent et définissent alors des pratiques pour que le judaïsme
survive en dépit de la destruction du Temple de Jérusalem, en particulier, les
613 commandements, destiné à « inscrire le Temple au cœur de l'homme ».
Position qui perpétue le souvenir de l’ancien Temple et provoque la scission
avec l’Ecclésia qui va prendre le relai en se diffusant dans l’empire romain.
L’Eglise comme nouveau Temple, verra de moins en moins de juifs se convertir et
de plus en plus de grecs (le monde). L’assemblée sans bâtiment fixe, étant
alors la maison du Dieu vivant, le Temple de chair. Christ comme expression
vivante de la Loi, a alors trouvé une Epouse qui vit uniquement par la foi.
Si ce n’était par pure grâce, afin de préserver un reste
chez les juifs à ce moment de l’Histoire, l’assemblée basée sur la Mishna comme
interprétation de la Loi aurait également disparu. Mais Satan qui a presque
réussi à détruire le peuple juif en le liguant contre son Dieu, est désormais
confronté à nouveau problème de taille. L’Eglise malgré une persécution féroce,
grandie et se diffuse rapidement dans l’empire romain. Ne pouvant investir le
royaume de Dieu qui par nature est spirituel, il va agir comme avec le peuple
juif, pour lui donner une dimension terrestre qu’il peut corrompre et
contrôler. Le diable doit absolument imposer un roi, un clergé et un temple
terrestre qui contiendra l’Ecclésia, afin de pouvoir reproduire ce qu’il fit en
Israël. Un homme va alors jouer un rôle clé dans l’histoire de la chrétienté,
pour donner une dimension terrestre à l’Eglise, c’est l’empereur Constantin.
À l’époque de la naissance de Constantin, sans doute en
272 ou 273, le christianisme romain était déjà en passe de s’imposer dans
l’empire. En 260, l’empereur Gallien avait aboli les persécutions décidées par
son père, Valérien, et avait déclaré le christianisme religion de plein droit (religio
licita). En quarante ans, des chrétiens romains accèdent au palais, à
l’armée, ainsi qu’à l’administration provinciale et impériale. Pourtant, en
303, l’empereur Dioclétien ordonne la reprise des persécutions. Constance
Chlore, le père de Constantin lui-même, est coempereur en Occident à l’époque.
Bien que n’étant pas chrétien, il est bien disposé à l’égard du monothéisme,
c’est-à-dire à l’idée qu’un seul dieu suprême domine tous les cultes religieux.
Compte tenu de tout ceci, on comprend aisément les raisons qui poussent
Constantin à devenir le défenseur de la religion de plus en plus commune au
sein de l’Empire, car il est convaincu à l’époque que cela attirait l’infortune
sur l’Empire.
Après le règne de Dioclétien, Constantin réalise, en fin
politique, l’avantage qu’il peut tirer de la réunion de l’Empire alors divisé.
Par ailleurs, la forme de christianisme qui l’intéresse de plus en plus lui
offre la possibilité de favoriser l’unification. En effet, les religions
païennes traditionnelles sont faites de croyances diverses et, quoique toujours
tolérées, elles ne pourraient pas apporter l’unité que procurerait le
christianisme – même si, sur ce point, Constantin va être mis à l’épreuve
puisque la nouvelle religion est elle-même déchirée par des divisions
doctrinales. En conséquence, l’homme dont la monnaie est frappée de rector
totius orbis (souverain du monde entier) établit des limites à sa
tolérance : dans son désir d’unité religieuse, il s’oppose à toute version
du christianisme qui ne respecte pas l’orthodoxie des canons catholiques
romains.
Les chrétiens ne constituent alors qu'une faible minorité
des sujets de Constantin, répartis très inégalement à travers l'Empire,
essentiellement en Orient et en Afrique du Nord. Constantin est un empereur païen,
un monothéiste qui honore Sol Invictus mais qui s'intéresse depuis longtemps au
christianisme puisqu'il finira par adopter comme religion personnelle en 312. La
progressive conversion de Constantin au christianisme s'accompagne d'une
politique impériale favorable aux chrétiens, mais le paganisme n'est jamais
persécuté. Plusieurs indices témoignent de cette évolution : Constantin
abandonne progressivement le monnayage au type de Soleil et fait
fréquemment représenter sur ses monnaies des symboles chrétiens. Il reconnaît
les tribunaux épiscopaux et fait du dimanche un jour férié obligatoire en 321,
à l'exception des travaux des champs. L'Empereur accorde également des dons en
argent et en terrains à l'Église, soutenant la construction de grandes
basiliques. Constantin montre son désir d'assurer à tout prix, par la
conciliation ou la condamnation, l'unité de l'Église qu'il considère dès ce
moment comme un rouage de l'État et l'un des principaux soutiens du pouvoir, et
devient, ce faisant le véritable « président de l'Église ».
Peu après avoir conquis Rome, « l’empereur
chrétien » approuve un nouvel ordre religieux en Égypte, consacré à la
vénération de sa famille impériale, les Flaviens. Cette démarche n’est pas
surprenante, le culte impérial restant à la mode. Et, en l’absence de motif
impérieux, pourquoi changer une coutume populaire qui l’élève dans l’estime du
peuple ? Ce qu’a réussi Constantin, c’est adapter des traditions
existantes à de nouvelles finalités. D’après l’historien britannique A.H.M.
Jones, « les institutions consacrées au culte impérial furent sécularisées
sans difficulté et continuèrent à s’épanouir sous l’Empire chrétien ». À
cet égard, pendant toute sa vie, l’empereur gardera le titre religieux païen de
Pontifex Maximus (souverain pontife, littéralement « grand
bâtisseur de pont » entre les dieux et les hommes). Sur le plan pratique,
il conserve ainsi une autorité suprême sur toutes les religions y compris, bien
sûr, sa version préférée du christianisme.
Il ne s’agit pas de dire qu’il ne s’écarte jamais de la
pratique païenne. Par exemple, en 315, lors de la célébration de son dixième
anniversaire en tant qu’Auguste, il refuse d’autoriser des sacrifices aux dieux
romains traditionnels. En revanche, le soleil procure à l’empereur, à l’instar
de tant d’autres avant lui, le symbole d’une puissance porteuse de vie, d’une
force et d’une lumière céleste – symbole qu’il peut manipuler à son profit. En
274, l’empereur Aurélien avait déclaré Sol Invictus (le soleil invaincu)
seul dieu suprême. On ne peut s’étonner que, peu après avoir pris la succession
en 306, Constantin, empreint d’une ambition démesurée, ait fait frapper sur des
monnaies la devise « Au Dieu invaincu, mon compagnon », une pratique
qu’il poursuivra jusque dans les années 320. Dans le même temps, en Orient, il
transforme l’antique cité grecque de Byzance en Constantinople, « la ville
de Constantin », sa nouvelle capitale. La cité, revitalisée, redessinée
dans le style romain, sera terminée en 330.
Le syncrétisme des cultes sous Constantin
La fusion de composantes païennes et chrétiennes reste la
marque de la démarche impériale à l’égard de la religion. Le syncrétisme
apparaît dans nombre des actes de Constantin, de l’architecture à la pratique
« chrétienne ». Par exemple, au sein du nouvel hippodrome de
Constantinople, il installe une colonne serpentine venue de Delphes, le cœur du
culte grec, où elle se dressait dans le temple d’Apollon depuis 479
avant J.‑C. Non loin de là, on trouve la première borne à partir de
laquelle toutes les distances seront calculées, faisant de la cité le nouveau
centre du monde. Or, au-dessus de cette borne, est placée une relique
« découverte » en Terre Sainte par Hélène, la mère de Constantin,
durant un pèlerinage. On pense alors que ce n’est rien moins que la
« Vraie Croix » de la crucifixion de Jésus.
L’empereur érige une autre structure, dont les vestiges
sont encore visibles à Istanbul (nom moderne de Constantinople) sous
l’appellation de Colonne brûlée ou Colonne de Constantin. Haute d’une trentaine
de mètres, faite de porphyre, elle se dressait sur un socle de six mètres
renfermant le Palladium – trophée païen – ainsi que des reliques supposées
d’origine biblique dont la cognée de Noé, le pot à onguent de Marie-Madeleine,
ainsi que les restes des paniers et du pain utilisés par Christ pour nourrir miraculeusement
la foule. On rapporte que toutes ces reliques étaient conservées sous une
statue de la déesse Athéna ramenée de Troie par Énée, le héros grec. La colonne
elle-même provenait du sanctuaire du culte solaire de l’Égypte antique,
Héliopolis (la ville du soleil). Au sommet de la colonne, se tenait une statue
dont le corps avait appartenu à une sculpture d’Hélios – le jeune dieu grec du
soleil – réalisée par Phidias. La tête était couronnée d’un diadème radié
caractéristique et ses traits ressemblaient à ceux de Constantin. L’historien
britannique John Julius Norwich écrit que, dans la Colonne de Constantin,
« Apollon, Sol Invictus et Jésus-Christ paraissent tous subordonnés
à un nouvel être suprême : l’empereur Constantin ».
Lorsqu’en 321, Constantin instaure un jour de repos
systématique dans tout l’empire, il est sans aucun doute enchanté d’en choisir
un qui a une signification pour le christianisme romain, tout en coïncidant
avec sa dévotion pour Apollon. Aussi écrit-il : « Tous les magistrats,
les habitants des villes et les artisans doivent se reposer le jour vénérable
du Soleil ». Nulle part, il ne mentionne Christ ou le « jour du
Seigneur » ; il ne parle que de la vénération du soleil. Jones
remarque que l’empereur semble avoir supposé que l’observance chrétienne du
premier jour était un hommage au soleil invaincu.
De même, pour fixer la date de la célébration de Pâques,
Constantin formalise la méthode encore utilisée aujourd’hui : le Dimanche
de Pâques est le premier dimanche après la première pleine lune qui suit
l’équinoxe de printemps, donc lorsque la position du soleil marque le début du
printemps. Cette pratique est celle des Églises à Alexandrie, en Égypte, et en
Occident, à partir de l’entrée en scène de Constantin. En revanche, les Églises
d’Orient établiront la date en fonction de la Pâque juive. Même si la position
du soleil entre dans le nouveau calcul, c’est probablement la haine de
Constantin à l’encontre des Juifs, davantage que son adoration d’Apollon, qui
l’incite à pousser au changement. Comme il l’écrit dans un courrier
récapitulatif, « Faisons en sorte de n’avoir rien en commun avec ces juifs
pitoyables, assassins et parricides de notre Seigneur. » Pour ce qui est
de l’autre grande célébration propre au christianisme – la date de naissance de
Christ, que l’on a déjà fait coïncider avec l’observance païenne du solstice
d’hiver et avec la naissance du dieu solaire fin décembre –, il ne fait aucun
doute que Constantin est on ne peut plus ravi.
La « conversion »
de Constantin au christianisme n’intervient pas avant son lit de mort, car
ce n’est que là qu’il reçoit le rite du baptême. Quoiqu’on affirme souvent que
les gens, à l’époque, avaient tendance à repousser cet engagement vers la fin
de leur existence, le mode de vie au quotidien de Constantin, n’a jamais
correspondu à celui de Paul et des premiers apôtres à qui il prétendait se
conformer. Son implication dans les exécutions de son épouse Fausta, de son
fils, Crispus, et du beau-fils de sa sœur, Lucinianus, un an après la conférence
ecclésiastique de Nicée laisse peu d’incertitude quant au fait que son système
de valeurs n’avait rien à voir avec celui d’un véritable chrétien. Bien sûr,
certains aspects de la croyance chrétienne ont influencé son règne, mais sa
carrière prouve davantage la continuité de son adhésion païenne qu’un
engagement chrétien personnel, le calcul politique prévalant.
Norwich note qu’au terme de sa vie, l’empereur succombe
sans doute à une mégalomanie religieuse : « Instrument choisi par
Dieu, il était sur le point de devenir Dieu lui-même, ce summus deus qui
englobait tous les autres dieux et toutes les autres religions. » C’est
peut-être pourquoi l’oscillation de Constantin tout au long de sa vie entre
paganisme et christianisme romain a perduré après sa mort par la reconnaissance
d’autrui. Ainsi, le Sénat le déifiera, l’appelant divus comme tant
d’empereurs avant lui et gravant sur des monnaies son image déifiée. Selon
l’historien britannique Michael Grant, c’était là « une curieuse
indication que son adoption de la foi chrétienne n’empêchait pas de conserver
cette coutume païenne ». Toutefois, son office auprès de sa version
préférée du christianisme fera de cet empereur un Saint pour l’Église
orthodoxe.
Quant à Constantin lui-même, il s’est assuré très particulièrement
de ne pas être oublié. Pendant plusieurs années, il avait choisi de se faire
appeler « Isapostolos » (égal aux apôtres). Il a donc prévu d’être
enseveli dans une église bâtie à Constantinople pendant son règne :
l’église des Saints-Apôtres. Là, à sa mort survenue au cours de l’été 337,
l’empereur sera placé dans un sarcophage entouré de chaque côté par six
sarcophages dressés, supposés contenir des reliques des douze apôtres. Il est
le treizième, ou mieux encore, joue le rôle de Christ lui-même au centre de ses
premiers disciples. Il est Constantin le Grand, un empereur dont les
prétentions à la divinité ont éclipsé l’humilité commandée par son Maître, et
ce, même dans la mort. On peut également comprendre que le principe de la
papauté sera révélé dans sa personne et qu’il fut l’homme qui aura ramené le
christianisme sur terre.
Le symbole est élaboré, dans un premier temps, au cours
du Ier concile de Nicée, en 325, réuni par l'empereur Constantin Ier.
Celui-ci avait réuni l'Empire romain après avoir vaincu Licinius à Adrianopole,
en septembre 324. Se rendant en Orient, il constate aussitôt le très grand
nombre des dissensions au sein du christianisme. Afin de rétablir la paix
religieuse et de construire l'unité de l'Église, il décide de convoquer tous
les évêques afin de décider d'une loi (doxa, du grec, c'est-à-dire un dogme)
commune aux chrétiens. Ce concile qui réunit des représentants de presque
toutes les tendances du christianisme réussit à mettre en place de façon
quasi-unanime un socle commun de croyances, sur lesquelles le pontifex maximus
aura toute autorité. L’Eglise universelle est en train de naître sous la forme
du catholicisme et le temps la fixera dans l’Histoire.
Pourrez-vous nous donner des explications sur la croix et nous dire si elle est un symbole chrétien ou paien et nous dire si Jésus à été crucifié sur une croix ou un poteau ?
RépondreSupprimerQue la croix soit un symbole païen est évident puisque les Romains qui ont crucifié Jésus de Nazareth étaient des païens...
SupprimerGa 3 : 13 Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous-car il est écrit : Maudit est quiconque est pendu au bois
RépondreSupprimerLa croix est le symbole de la malédiction bibliquement parlant, il est donc parfaitement anormal à mon sens, d’en faire le symbole de la chrétienté. C’est l’image de la souffrance et de la mort. J’ai toujours trouvé incongru que l’on place une croix comme symbole dans une église. Quant à sa forme, peu importe dirais-je. Cependant, quand j’étais encore un jeune chrétien à peine converti, j’ai eu une vision du Seigneur souffrant sur la croix, et la forme que j’ai vu était un T. J’ai fait alors quelques recherches pour comprendre la forme de la croix et dont Wikipédia donne une parfaite illustration : http://fr.wikipedia.org/wiki/Patibulum
Il ne faut pas tout mélanger. La croix était un symbole religieux chez les celtes ou les égyptiens avant JC, mais pour les romains c’étaient un instrument de torture et c’est devenu un symbole chrétien plus tard.
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