http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: Un nouveau pacte avec le dragon

mardi 31 janvier 2012

Un nouveau pacte avec le dragon

Il y a eu le traité de Rome, le traité de Maastricht, le traité de Lisbonne, voici le « traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire ». Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi (qui signifie dragon), a salué dans la nuit de lundi à mardi la signature du pacte budgétaire par 25 pays européens. Il a jugé que cela "renforcerait la confiance dans la zone euro". Le traité renforçant la discipline budgétaire est "un premier pas vers une union budgétaire", s'est félicité M. Draghi devant les journalistes.  


Quand le dragon se félicite, il va sans dire que les choses vont aller de mal en pis en Europe. Il est évident que la poursuite de la crise financière agit comme un stimulus, permettent la naissance au forceps, d’une Europe toujours plus fédérale. La longue marche vers une tête unique et donc une pensée politique unique, touchera bientôt son but.

A l'exception du Royaume-Uni et de la République tchèque, les pays européens ont accepté lundi d'inscrire dans leurs législations une règle d'or sur le retour à l'équilibre budgétaire et des sanctions quasi-automatiques en cas de dérapages des déficits publics, comme le voulait à tout prix l'Allemagne en échange de sa solidarité financière. Ce pacte "renforcera sans aucun doute la confiance dans la zone euro", a ajouté M. Draghi. Son avis est important car de nombreux pays européens espèrent que le pacte encouragera l'institut monétaire à faire davantage pour aider les pays fragiles de l'Union monétaire face à la crise de la dette. M. Draghi avait lui-même envoyé des signaux en ce sens. "Nous saluons aussi l'entrée en vigueur" en juillet du Mécanisme européen de stabilité, le fonds de secours permanent de la zone euro, a ajouté M. Draghi.

Sur le fond, de nombreuses voix s'élèvent pour estimer que l'Europe gaspille son énergie avec ce pacte qui va nécessiter partout des procédures de ratification, dont l'apport par rapport à ce qui existe déjà est limité et dont les objectifs auraient pu être atteints par des moyens plus simples, tels que des textes de loi européens. C'est l'avis de la Commission européenne qui se retrouve un peu plus marginalisée par les capitales dans la gestion de la crise. Même si elle aura un rôle à jouer dans le cadre du traité, il s'agit d'un texte purement intergouvernemental.

Mis à l'écart, le Parlement européen est aussi sceptique. "Le pacte budgétaire n'est pas une solution. La plus grande partie de ce qu'il prévoit existe déjà dans la législation. Tant que nous ne ferons pas en sorte que les gouvernements en Italie ou en Espagne puissent à nouveau emprunter à des conditions acceptables, nous ne sortirons pas de la crise", met en garde l'ex-Premier ministre belge et chef de file des Libéraux au Parlement, Guy Verhofstadt, dans une interview lundi au quotidien allemand Die Welt.

Néanmoins, ce nouveau traité peut permettre de faire sauter un tabou européen, celui de l’unanimité. Déjà, les conclusions du sommet sur le traité créant le Mécanisme européen de stabilité (MES) entrera en vigueur lorsque les « États membres représentant 90 % des engagements en capital l’auront ratifié », un changement majeur avec les pratiques européennes. Mais le nouveau pacte va encore plus loin, car l’adoption par 12 pays suffira à sa mise en application.

Dix ans après la mise en circulation de l’euro, les discours triomphalistes ne sont plus de mise. Tous les gouvernements répètent à l’envi qu’il faut lutter contre les déficits, diminuer les dépenses… Pourtant, le 21 décembre, la Banque centrale européenne (BCE) s’est transformée en Père Noël pour le plus grand bonheur de 523 banques auxquelles elle a généreusement ouvert ses guichets pour des prêts sur trois ans au taux de 1 %. Une ruée vers l’or pour un montant de 500 milliards d’euros. À ce taux-là, ce n’est même pas un prêt mais un don ! La BCE prétend ainsi éviter un « credit crunch », un effondrement du crédit. En fait, il s’agit d’une généreuse prime à la spéculation. Cet argent emprunté à 1 % pourra être prêté à des taux bien supérieurs en particulier aux États, comme l’Espagne ou l’Italie à plus de 5 %, plus de 12 % pour la Grèce… Clairement la BCE fait tourner la planche à billet pour soutenir simultanément les Etats et les banques. L’économie réelle n’étant pas concernée par ces soutiens massifs, car il faut que la crise perdure.

La preuve, les mêmes banques ont déposé, auprès de la même BCE, 412milliards d’euros, puis 452, des dépôts au jour le jour rémunérés à 0, 25 %. Les banques croulent sous les liquidités mais ne veulent pas prendre le risque de se prêter entre elles, ne trouvent pas d’investissements suffisamment juteux et préfèrent attendre en plaçant auprès de la BCE plus d’argent que celle-ci vient de leur donner ! C’est « l’ère du soupçon » selon la formule du journal les Échos, un système financier envahi par les créances douteuses où personne ne fait plus confiance à personne où, à défaut d’investissements à leurs yeux suffisamment lucratifs, les spéculations se concentrent sur la dette publique garantie par les États et les banques centrales qui financent les spéculateurs… Et malgré tous les discours sur la « moralisation » du capitalisme, aucune exigence importante n’a été imposée aux banques et à la finance. Une logique absurde sauf si l’on considère que par ce biais, la BCE peut contrôler l’endettement des Etats en jouant sur les taux, ce qui force les moins rigoureux à une orthodoxie budgétaire désirée par la BCE.

Il y a quelques mois, on fustigeait les « Pigs » (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne – Spain en anglais), dont il ne fallait pas suivre le mauvais exemple, qui a cédé la place à une agitation alarmiste mise en scène lors du dernier G20 puis du sommet européen du 9 décembre. C’est bien l’Europe qui serait menacée d’exploser si la rigueur budgétaire, l’austérité ne s’imposaient pas à tous dans la plus stricte discipline.

En proposant un nouveau pacte budgétaire qui impose à tous les pays de l’Union la fameuse « règle d’or », un taux d’endettement ne dépassant pas les 60 % du produit intérieur brut, avec à la clé des plans d’austérité durable. Aucun État n’échappe à la crise de la dette ni aux visées des spéculateurs, la France elle-même vient de perdre son triple A et fait preuve de volonté en travaillant à la réduction des déficits.

Merkel et Sarkozy ont pris le masque de l’orthodoxie et de la rigueur financière, mais la ficelle est un peu grosse. Derrière ce théâtre d’ombre des sommets, la BCE mène le jeu. La mise en scène de l’austérité ne vise que les populations et rend d’autant plus insupportable les flots d’euros que déverse la BCE pour entretenir les spéculations. Cette politique, loin d’être un remède, est tout simplement la cause même de la crise, elle l’entretient, l’aggrave parce qu’elle n’a d’autre objectif que d’entretenir et d’augmenter la mainmise des financiers. En agissant ainsi ce n’est pas seulement l’euro qui est préservé, mais c’est aussi les banques qui sont renforcées et massivement soutenues.

La crise, commencée en 2007 aux USA, s’est aujourd’hui concentrée sur l’Europe. Prétendu maillon faible de l’économie mondiale, espace économique soumis à la libre concurrence dont dix-sept États partagent la même monnaie depuis dix ans, l’euro. Ayant remis sa politique monétaire à une Banque centrale indépendante, cette même banque force désormais toute l’Europe à suivre la ligne directrice qu’elle a choisie. C’est cette direction que Merkel et Sarkozy s’efforcent de suivre en cherchant à harmoniser les politiques budgétaires, par une politique drastique de rigueur et d’austérité. Ils font le pari que la crise financière exerce une pression suffisamment forte sur les États pour que chacun se plie à leur volonté. À défaut d’un impossible processus d’unification démocratique de l’Europe de la concurrence, le seul ciment de leur Europe ne peut être que le rapport de forces sous la houlette du couple Merkozy (où l’Allemagne prédomine) et de la BCE.

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