Nous avons vu dans les chapitres précédents comment
l’adversaire réorganise l’Ecclésia comme corps mystique du Christ, en églises
administrées par des évêques construisant des bâtiments à usage cultuel
toujours plus grands et plus beaux. Ce qui à l’ origine était fait de pierres
vivantes, devient un édifice de pierres mortes. L’empereur Constantin étant un
des principaux architectes que l’adversaire utilisa pour poser le socle de la
future Eglise universelle de Rome. Sitôt la paix de Constantin établie, les
maisons ouvertes aux chrétiens pour y célébrer la messe furent transformées en
églises. Elles empruntèrent alors l’architecture des basiliques profanes, parce
que comme elles, elles étaient destinées à recevoir le peuple.
Le nom basilique vient du latin basilica qui prend
lui-même son origine dans deux mots grecs désignant la maison du roi,
spécialement la partie de cette maison où se tenaient les assemblées publiques
et où se rendait la justice. Le portique grec a été à l'origine l'édifice
attenant à l'agora d'Athènes sous lequel l'archonte-roi rendait la justice. On
l'appelait portique du roi. Mais la basilique sera essentiellement romaine.
L'édifice étant plus ancien que le mot. Sa forme primitive fut, dans les
premiers temps de Rome, celle du lieu couvert où le Sénat se réunissait. Il y
avait, au fond, une estrade sur laquelle, assis dans leurs chaises curules, les
consuls rendaient la justice. Cette construction, qui était dans le voisinage
du forum, en devint peu à peu le complément ; les gens d'affaires ou les
promeneurs y trouvaient, contre le mauvais temps, un abri couvert, mais ouvert
et sans murs, comme le portique grec. Les basiliques devinrent des édifices de
plus en plus somptueux par la beauté de leur architecture, leurs dimensions et
leur richesse. Elles furent décorées de statues, de trophées, d'œuvres d'art
diverses en bronze et en matières précieuses.
Quand le Christianisme fut sorti des catacombes et que
Constantin en eut fait la religion officielle de l'empire romain, il concéda
aux évêques plusieurs basiliques, entre autres celle que le sénateur Lateranus
avait fait construire au temps de Néron. Transformée en église, elle devint la
première basilique de Saint
Jean-de-Latran. C'est à partir de cette époque que le nom de basilique fut
donné à certaines églises, anciennes basiliques romaines transformées ou
constructions nouvelles établies sur le modèle romain. Dans la basilique
chrétienne, la forme antique demeura, mais l'église proprement dite fut fermée
par des murs. Les galeries latérales furent arrêtées avant la nef et séparées
d'elle par une ouverture transversale formant avec cette nef une croix ; une
arcade en voûte placée sur des colonnes fut substituée à l'architrave. Cette
substitution n'avait pas eu d'exemple dans l'antiquité et servit de type aux
architectures qui suivirent : byzantine, romane, gothique. Les bases
architecturales qui allaient mener à futures cathédrales étaient jetées.
Mais Constantin bâtit d’autres basiliques à fort contenu
symbolique, comme celle de Saint-Pierre entre 326 et 333. Elle nécessita la
démolition du Circus Vaticanus ou cirque de Caligula qui s'étendait sur
la partie sud du chantier. Constantin décida de raser les sépultures de la
nécropole alignées le long d'un sentier car la tradition y fixait la tombe de
saint Pierre. L'empereur pensait ainsi construire l'autel de sa basilique
au-dessus de cette tombe. Alors que rien ne prouve que l’apôtre y repose
vraiment, le futur culte des saints y trouvera cependant son premier fondement.
Mais Constantin ne s’arrêtera pas en si bon chemin, aimant lier le païen au
chrétien, il va construire dans sa nouvelle Rome, une basilique à l’image de sa
foi.
En 324,
l’empereur Constantin décide que
Byzance est parfaite pour y installer la nouvelle capitale de l’Empire. Elle
est surnommée la « Nouvelle Rome ». La ville de Byzance devient
Constantinople en hommage à l’empereur romain Constantin, qui choisit d’en
faire la capitale de l’empire dès 330. C'est en l'année 325, la vingtième de son
règne, que l'empereur Constantin fit élever la première basilique, consacrée
non pas comme on le croit parfois à une sainte du nom de Sophie, mais à la
Sagesse Divine (en grec : Haghia Sophia), sur un emplacement où, du temps
où la ville grecque s'appelait encore Byzance, s'élevaient des temples païens.
Ainsi les premières basiliques de Constantin,
cimentèrent-elles pour les siècles à venir les croyances apostates du
catholicisme ; l’idolâtrie, le culte des saints et des reliques, la
prééminence de l’évêque et la fixation de l’église dans la pierre. Le royaume
de Dieu dont Jésus disait qu’il n’était pas de ce monde, Satan le ramena sur
terre. Ces basiliques qui mêlent paganisme et christianisme et qui
étymologiquement sont la ‘maison du roi’, deviendront fort logiquement les
édifices contenant le trône de l’évêque, sa cathèdre, dont la racine du mot
donnera celui du mot « cathédrale ». La basilique a donc remplacé l’Ecclésia
originelle en ramenant l’Eglise sur terre, le clergé catholique y a inversé la hiérarchie
en nommant à la tête de l’Eglise un
évêque et le paganisme romain s’y mêla avec un semblant de christianisme. Mais
comme si tout cela ne suffisait pas, la structure même des bâtiments s’harmonisera
à l’esprit antéchrist qui les modèle.
La base
architecturale d’une basilique.
Constantin bâtit les premières basiliques dont la
première de toutes, Saint
Jean-de-Latran. Aujourd’hui cathédrale
et siège de l'évêché de Rome, dont le titulaire n'est autre que le Pape, siège
du trône papal, c'est la plus ancienne et la première dans l'ordre protocolaire
des basiliques papales, devant la Basilique Saint-Pierre du Vatican, la Basilique
Saint-Paul-hors-les-murs et la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Elle porte le
titre, inscrit sur le fronton, de omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et
caput, qui signifie "mère et tête de toutes les églises de la ville et
du monde". Elle est l’église mère et modèle sur lequel toutes les églises
catholiques du monde seront construites.
Le nom de Saint-Jean n'est qu'un nom d'usage emprunté à
la dédicace du baptistère de l'église (qui est consacrée sous le double vocable
de saints Jean Baptiste et Jean l'Évangéliste). La dédicace de la cathédrale de
Rome est Saint-Sauveur. Le nom tomba en désuétude au cours de l'histoire et
c’est somme toute logique. Les premières basiliques chrétiennes datent du IVe
siècle et leur structure s'inspire du modèle civil de la vaste basilique
romaine, à la fois tribunal et centre d'affaires. Son plan rectangulaire étant
semblable à celui du temple. Il est possible de se faire une idée de la plus
ancienne église chrétienne de Rome, la basilique de Latran, grâce à une fresque
antérieure à son remaniement au XVIIe siècle. La reconstitution du plan de
l'ancienne basilique est présentée ci-dessous:
Les dimensions du rectangle constitué de la nef (1) et
des bas-côtés (2) sont dans un rapport approximatif de 1 à 4. Prolongé
jusqu'aux limites de l'abside, le rectangle reproduit exactement le rectangle
solsticial. L'édification des basiliques romaines et romanes a donc dû
s'appuyer sur le dessin d'un rectangle en rapport avec les lever et le coucher
du soleil à six mois d'intervalle. La date choisie pour le relevé du lever et
coucher de soleil (dédicace) ne nous est pas connue pour les premières
basiliques, mais son nom même en est une bonne indication. Que la basilique
soit dédiée aux deux Saint-Jean est parfaitement significatif: Jean le Baptiste
fêté le 24 juin et Jean l'Évangéliste fêté le 27 décembre. Ce n'est par hasard
que la première basilique chrétienne en appelle à deux saints célébrés aux
solstices, car son axe central est-ouest suit le cheminement du soleil.
La construction des premiers édifices sacrés se faisait
selon des principes d'orientation rigoureux dont les dieux ou leurs Maîtres
d'œuvre sur Terre étaient les gardiens. La basilique « mère » de
Saint-Jean-de-Latran reprendra l’ancien système de construction païen à son
compte et servira de modèle aux futures églises catholiques.
Une fois le site choisi, le Maître d'œuvre plantait un
mât dans le sol symbolisant l'axe vertical du lieu. À partir du pied du mât, il
traçait un cercle qui représentait l'horizon.
Au lever et au coucher du soleil, le mât projetait deux
ombres sur le sol qui coupaient le cercle en deux points. Ces points déterminent
un axe orienté est-ouest et appelé “decumanus”. Le tracé de cet axe dépend de
la date du relevé du lever et du coucher du soleil qui signe la dédicace de
l'édifice.
Lorsque le soleil était à son zénith, l'ombre du mât
dessinait un deuxième axe sur le sol. Orienté sud-nord, il est perpendiculaire
au premier et dénommé “cardo”.
La dernière opération consistait théoriquement à relever
un deuxième “decumanus” correspondant aux lever et coucher du soleil six mois
plus tard. Pratiquement, il suffisait de tracer les symétriques des extrémités
du premier “decumanus” par rapport au centre du cercle. Ces deux “decumanus”
constituaient deux des côtés parallèles d'un rectangle inscrit dans le cercle.
Ses sommets devant servir de repères pour la construction de l'édifice.
A partir de là, traditionnellement, lorsqu'on décidait de
construire une église catholique:
-on choisissait un saint
protecteur de cet édifice (le saint patron) ; ce choix était souvent le
fait du patron temporel de l'église, sur le domaine duquel l'église allait être
construite : l'évêque, un propriétaire, et des abbayes ;
-pour les plus grandes
églises, à partir du milieu du Moyen Âge, c’est à l'endroit qui serait la
croisée des transepts, qu’on plantait le grand mât ; au lever du soleil,
le jour de la fête du saint patron (si cette fête se célébrait avant le
solstice d'été); sinon, au coucher du soleil, le jour de cette même fête (si
cette fête se célébrait après le solstice d'été), on notait l'ombre portée par
le mât. D'autres opérations allaient suivre ; tracé du cercle dans lequel
s'inscriraient les quatre piliers du transept, tracé du cercle définissant le
sanctuaire, définition de la nef.
La croisée du transept, formait donc la base solaire sur
laquelle le plan de l’église allait se bâtir. Si l’on combine la base carrée des
solstices avec celle des équinoxes, on peut former un octogone qui
symboliquement représente la liaison entre le carré de terre et le cercle du
ciel. La forme idéale serait alors de retrouver les quatre piliers du transept solaire
d’origine, surmonté d’une coupole. Ce modèle parfait se retrouve à la basilique
Saint-Pierre de Rome au Vatican, où la coupole de Saint-Pierre reproduit celle
du Panthéon romain, reposant sur les quatre piliers massifs du transept.
L’architecture du bâtiment est donc conçue pour donner l’image du lieu où la
terre rejoint le ciel, le passage obligé vers Dieu.
Mais pourquoi le clergé catholique a t’il tant voulu donner un base solaire à ses
édifices religieux ? Car le culte solaire est intimement lié à la raison
d’être même du bâtiment dont Constantin est l’initiateur. Car la fusion des
composantes païennes et chrétiennes reste la marque de la démarche impériale à
l’égard de la religion. Le syncrétisme des actes de Constantin lie
l’architecture à la pratique « chrétienne ». C’est ce que révèle le
chapitre 22 avec : Le syncrétisme
des cultes sous Constantin. Il y a donc une filiation directe en le culte
solaire, le roi et l’édification des premières basiliques. Quand Constantin
ordonne la construction des premières basiques, elles le seront selon un modèle
qui donne au pontife de Rome la prérogative sur les cultes, même chrétien, car
le maître de l’empire entend rester autant un chef religieux, que politique ou
militaire. Ainsi la base solaire qui détermine le plan de l’édifice, agit comme
une dédicace à l’empereur représentant de sol invictus, ce pérennise la
fonction religieuse de l’empereur. Pour
saisir cette notion il faut étudier l’évolution du culte de l’empereur dans
l’empire.
Le culte solaire est
directement lié à celui de l’empereur.
Le culte impérial a hérité certains de ses concepts de
l’Orient antique où les rois étaient considérés comme des fils de dieux. Le
célèbre Code de justice du roi Hammurabi (vers 1792‑1750 av. J.‑C.) de la
première dynastie babylonienne précise comment le dieu, le roi et le peuple se
trouvent liés : Lorsque le roi monte sur le trône, il reçoit son autorité
souveraine en tenant les mains de la statue du dieu Marduk. Ce dernier se
dévoile ainsi à la population à travers le roi, lequel devient un fils du dieu.
Dès lors, son régime ne peut plus être remis en cause.
L’association du souverain avec le soleil vient d’Égypte.
Pendant l’antiquité, les Égyptiens vénèrent Rê, le dieu soleil, et Pharaon est
reconnu comme son fils. En effet, le souverain est un intermédiaire intouchable
entre le peuple et leur dieu. Les Grecs, eux, n’ont pas la même vision :
leurs dieux sont beaucoup plus humains et se rendent sur terre. De plus, le
régime de leurs rois n’est pas absolu. Toutefois, quand Alexandre le Grand
visite l’Égypte, il est accueilli comme le fils d’Amon-Rê, le principal dieu
égyptien. Par la suite, il admettra être le fils de Zeus, le dieu suprême.
Alexandre sera enseveli à Alexandrie où il est adoré comme le fils d’Amon. Au
fur et à mesure que son culte se répand, des temples sont érigés en son honneur
dans toute l’Asie Mineure. Ses successeurs, les Ptolémées et les Séleucides,
finissent par être convaincus que, eux aussi, méritent d’être vénérés.
Il n’en faut guère plus pour que s’instaure la vénération
des conquérants romains lorsqu’ils succèdent aux Grecs dans la domination de
l’Orient. Bientôt, temples et statues s’élèvent pour honorer Dea Roma (la
déesse Rome). Le décor est ainsi planté pour voir s’épanouir l’adoration d’une
longue lignée d’empereurs romains. Le
culte impérial est une manière d'habituer les habitants de l'Empire, si
dissemblables par la culture et les croyances, à respecter le pouvoir de Rome à
travers un empereur divinisé. Des cérémonies sont organisées en l'honneur de
l'empereur. C'est l'occasion pour la communauté de se retrouver dans des
processions devant des sacrifices, des banquets et toutes sortes de spectacles.
La fonction de grand pontife procure aux empereurs un
caractère sacré. De plus dans les croyances populaires, Scipion l'Africain,
Marius et Sylla avaient un caractère divin. César a développé autour de lui une
légende de divinité prétendant descendre de Vénus et d'Énée. Dès le début de
l'Empire, Auguste (-27-+14) met en place le culte impérial. Il fait diviniser
César et, en tant que son héritier, il s'élève ainsi au-dessus de l'humanité.
Il se dit fils d'Apollon. Il utilise l'iconographie et les écrivains de son
temps Virgile et Horace à des fins idéologiques. Les lettres et les arts ainsi
sont mis au service de la propagande augustéenne. Il associe aussi toute la
communauté au culte de ses ancêtres devenant ainsi le père de tous, d'où son
titre de « père de la patrie »,
une forme impériale du futur pape catholique. Auguste refuse d'être divinisé de
son vivant. Il laisse cependant se construire des autels des temples qui lui
sont consacrés surtout dans l'Orient habitué à considérer ses souverains comme
des dieux vivants, à condition que son nom soit associé à celui de Rome
divinisé. À Rome, en Italie et dans les camps militaires, on rend hommage à son
Genius et à son nom, le numen. Le culte impérial se pratique ici dans des
formes proprement romaines. Le mouvement se poursuit après sa mort. Tibère
(14-37), son successeur, développe le culte d'Auguste qui a été divinisé
officiellement en recevant l'apothéose. Il crée une nouvelle classe de prêtres,
les sodales augustales pour rendre les honneurs divins à Auguste et à la
famille des Jules.
Les Antonins font progresser la religion impériale pour
des raisons essentiellement politiques. Pline souligne que comme Jupiter,
l'empereur Trajan (98-117) porte les noms d'optimus et maximus. Dion de Pruse,
un célèbre orateur développe l'idée que Zeus ne s'occupe que du ciel et que son
délégué sur la terre est l'empereur. Hadrien (117-138) est assimilé en pays
grec à Zeus Olympios. La tendance à la divinisation des empereurs de leur
vivant s'affirme donc. Leur caractère extraordinaire est accentué par
l'habitude des Antonins de diviniser après leur mort les membres de leur
famille. Trajan, fils adoptif de Nerva (96-98), fait diviniser son père naturel
après sa mort. Hadrien et Antonin (138-161) font de même après la mort de leurs
épouses Sabine et Faustine5. Le culte officiel s'organise.
Au IIIe siècle, l'idéologie impériale évolue. Les
empereurs jouent, pour les habitants de l'Empire, le rôle d’intermédiaire entre
les hommes et les dieux. Dans l'idéologie officielle, il est le seul qui peut
assurer la prospérité et la tranquillité de l’empire. Les marques de dévotion
des sujets sont très fortes: dédicaces épigraphiques et monumentales,
prosternation devant sa personne ou sa statue, jeux périodiques en son
honneur... En Afrique proconsulaire, la dynastie des Sévères, originaire de
cette province est particulièrement adorée. Mais vers le milieu de IIIe siècle,
les marques de dévotion vis-à-vis de la religion impériale semblent baisser.
L'empire est dans cette période touché par des périodes de guerre atroce et de
récession économique. Plus inquiets de leur situation et n’ayant plus confiance
à la divinisation de la personne impériale, les Africains se mettent à
pratiquer ouvertement d'autres religions comme le Christianisme. Or les vrais chrétiens
et les juifs par exemple sont réfractaires aux cérémonies officielles en
l'honneur de Rome ou du Genius de l'Empereur qui exigeaient de sacrifier. Le
pouvoir y voit une marque de rébellion et ceux qui refusent d'y participer sont
assimilés à des traitres.
Dans le troisième quart du IIIe siècle, Aurélien
(270-275) est l'artisan d'une réforme religieuse qui développe la place de Sol
dans le culte officiel romain et organise à Rome le culte du soleil, Sol
Invictus. La théologie solaire présentait une divinité unifiante qui ne
s'opposait pas aux cultes traditionnels. L'empereur peut alors
« apparaître comme le représentant sur terre de cette monarchie
céleste » et attribuer son pouvoir à la volonté de la divinité : sur
les monnaies d'Aurélien on peut trouver l'inscription deus et dominus natus. À
sa suite, Dioclétien et son associé Maximien se placent à partir de 287 comme
descendants des dieux, sous les surnoms de Jovius et Herculius. Ces titres
divins n'en font toutefois pas des dieux, car Dioclétien cessa d'être Jovius
après son abdication. Ceci a aussi pour but de donner à l'empereur une autre
légitimité que celle des victoires militaires. Constantin (306-337) se présente
comme chrétien après 324. Mais il reste grand pontife et continue à favoriser
le culte impérial tout en soutenant la religion chrétienne. Le cérémonial romain
du IVe siècle continue à exiger de s’agenouiller
aux pieds de son souverain, selon le rite de l'adoration ou proskynèse mis en
place sous Dioclétien.
Si on quitte l’époque romaine, pour demander aujourd’hui à
un responsable du culte catholique pourquoi leurs édifices religieux sont
orientés vers le soleil, la réponse a beaucoup évolué, pour s’éloigner
totalement de la réalité historique.
"Les chrétiens
ne prient pas en direction du Temple, mais en direction de l'Est: le soleil
levant, qui triomphe de la nuit, symbolise le Christ ressuscité et les
chrétiens y voient en même temps le signe de son retour. Dans son attitude de
prière, le chrétien exprime son orientation vers le ressuscité, qui est le
véritable point de référence de sa vie avec Dieu. C'est pourquoi l'orientation vers l'Est est
devenue, à travers les siècles, la loi fondamentale de la construction de
l'église chrétienne. Elle est
l'expression de l'omniprésence de la force rassemblante du Seigneur, dont le
royaume, comme celui du soleil levant, s'étend sur le monde entier.."
"L'idée qui
veut que le prêtre et le peuple doivent se regarder dans la prière n'est
apparue que dans la chrétienté moderne et se trouve complètement étrangère à
l'Antiquité. Le prêtre et le peuple ne prient pas l'un vers l'autre mais vers
l'unique Seigneur. Ils sont donc orientés, dans la prière, dans la même
direction, vers l'Orient, un Orient entendu comme symbole cosmique du Seigneur
qui vient, et, là où cela n'est pas possible, vers une image du Christ placé
dans l'abside, vers une croix ou vers le ciel comme le Seigneur lui-même a fait
dans la prière sacerdotale, le soir qui a précédé sa Passion (Jn 17,1)…" Joseph Ratzinger.
A priori toutes relation
avec un antique culte solaire aurait disparu au profit du seul symbole
renvoyant au Christ. Cependant rien n’est plus faux, comme le prouve
l’attachement des futurs papes, bien après Constantin, à pérenniser le culte
solaire.
La
confirmation du culte solaire par les papes
Après la conquête romaine de l'Égypte, plusieurs
obélisques furent transportés à Rome, en guise de trophées, afin d'être dressés
devant des temples ou des mausolées ou pour orner la spina des cirques.
Certains furent enlevés à des temples égyptiens, comme celui de Saint-Jean de
Latran qui provient du temple de Karnak, d'autres ont été fabriqué à l'époque
romaine tel l'obélisque de la Trinité des Monts. Délaissés au Moyen Âge, les
obélisques s'écroulèrent. Les papes de la Renaissance restaurèrent ces
imposants monolithes afin de les dresser devant les principaux édifices
religieux de la Ville éternelle où on peut encore les admirer aujourd'hui.
L’obélisque n’étant qu’un symbole païen égyptien, il
s’identifie cependant à l’origine de tout le culte des pharaons. Atoum-re se
serait manifesté sous cette forme pour la première fois et l'obélisque serait
un rayon de soleil figé. Dans le mythe de la création du monde en Égypte
antique, en particulier dans la très ancienne cosmogonie héliopolitainne, Atoum
occupe la place du démiurge : il ne crée pas le monde ex nihilo, mais
façonne les êtres à partir de la matière préexistante et les sépare. C'est lui
qui de sa semence engendre le premier couple divin, Shou et Tefnout, d'où
descendent les principaux dieux de l'Égypte antique. Atoum n'ayant aucun
partenaire pour procréer, se masturba et c'est de son sperme que naissent le
dieu masculin Shou et sa sœur jumelle, la déesse Tefnout. Ainsi les dieux de
l’Egypte et ceux qui y habitent sont la semence solaire d’Atoum. Car à
l'origine, Atoum fut le dieu soleil, mais il va rapidement être assimilé à Rê,
qui finit par le remplacer dans le panthéon égyptien. La mythologie évolua avec
Rê, qui vint au monde sous la forme d'un œuf. Rê sortit de l'œuf et fut aveuglé
par la lumière. Cette lumière fit couler des larmes de ses yeux, d'où naquirent
les premiers hommes…
L'obélisque du Vatican est un obélisque transporté à Rome
par Caligula pour orner la spina de son nouveau cirque du Vatican. C'est le
pape Sixte Quint qui décida de transporter et restaurer ces symboles égyptiens
afin de les mettre en évidence devant les principaux édifices religieux
romains. Il fit déplacer celui-ci en 1586 jusqu’au centre de la place
Saint-Pierre. L’obélisque est le seul, dans la ville romaine, à n’être jamais
tombé. Il resta fièrement dressé à sa place d’origine qui selon une tradition
immémoriale, marquait le lieu approximatif du martyre de l'apôtre Pierre. Il
viendrait d’Héliopolis (la ville du Soleil). Ville solaire où on adorait des
divinités liées au Soleil sous la forme d'une triade :
-le dieu Khépri, représentant
le Soleil renaissant ;
-le dieu Rê, le Soleil à son
zénith ;
-le dieu Atoum, le Soleil
couchant.
Ces trois divinités finissent par se confondre en une
seule représentée par l'astre solaire dont les trois états principaux, l'aube,
le zénith et le crépuscule sont symbolisés par ces trois dieux. Le dieu en
constante transformation est à l'origine de la création du monde. Il renaît
chaque jour pour disparaître chaque soir et continue ainsi son cycle éternel.
Il est dans son principe, le symbole de la résurrection. La forme solaire de la
place, ses rayons et son orientation ne laisse aucun doute sur les intentions
des papes de Rome. Utiliser l’image du Christ pour restaurer celle des
divinités païennes. Notamment le symbole du fils solaire.
Avec un luxe de détails inouïs, les papes de Rome ont
reproduit sur la place vaticane ce que justement l’Eternel c’est promis de
détruire. Exode 12 : 12 Cette
nuit-là, je passerai dans le pays d’Egypte, et je frapperai tous les
premiers-nés du pays d’Egypte, depuis les hommes jusqu’aux animaux, et j’exercerai des jugements contre tous
les dieux de l’Egypte. Je suis l’Eternel. 13 Le sang vous servira de
signe sur les maisons où vous serez ; je verrai le sang, et je passerai
par-dessus vous, et il n’y aura point de plaie qui vous détruise, quand je
frapperai le pays d’Egypte. La Pâque juive est l’expression d’une
délivrance, mais également la victoire de l’Eternel sur tous les dieux
égyptiens, en partant du dieu Nil, à Ramsès qui signifie fils de Rê. Relever
ces symboles égyptiens, c’est défier Dieu Lui-même.
Il est également intéressant de suivre l’évolution
solaire de la basilique "mère" de Saint-Jean-de-Latran. C'est le
très "chrétien" Constantin (272-337) qui, en 337
(l’année de sa mort), le fit transporter de Thèbes à Alexandrie, pour l'ériger
à Constantinople. Mais il n'eut pas le temps de mener à bien son projet, et son
fils Constance II (337-361), son successeur, préféra l'acheminer vers Rome en 357,
le destinant à la spina du Circus Maximus : le géant vint donc
prendre place au côté de l'obélisque d'Auguste, actuellement obélisque de la
piazza del Popolo. Il fut retrouvé en 1587, à une profondeur de 7 m, brisé en
trois morceaux, lors de fouilles menées au Grand Cirque par le pape Sixte Quint,
qui le fit restaurer et enfin réériger sur la place Saint-Jean-de-Latran
l'année suivante le 3 août 1588 par l'ingénieur Domenico Fontana.
Ainsi le symbole de l’Egypte antique s’associa à la basilique pour reformer un
nouveau couple solaire.
Si l’on considère que l’orientation de la basilique du
Latran construite sous Constantin serait une forme de dédicace à sol invictus et que l’érection d’un
obélisque face à l’édifice renvoie à la notion du fils solaire, les deux
symboles associés unifieraient l’idée que celui qui trône dans la basilique est
la représentation humaine des symboles religieux de la basilique elle-même. Cette
notion ferait du pape un dieu vivant sur terre, le remplaçant du soleil de
justice biblique, représenté par Jésus. Le fait que les papes ont produit des
faux comme la "Donation de Constantin" et "les fausses
Décrétales" pour récupérer le titre de "pontifex maximus", accentue
encore le trait blasphématoire. Il y a donc clairement une volonté affichée
d’effacer le souvenir de l’Ecclésia comme corps mystique au profit de l’église en
pierre et celle du Christ au profit d’un pape.
La basilique du Latran, comme "maison du roi",
peut donc laisser porter la couronne au vicaire (remplaçant) du Christ. Christ
devant ici être pris au sens strict du terme, comme oint de Dieu. Cette onction
divine se retrouvant symboliquement dans la tiare papale. La tiare papale,
appelée aussi le trirègne (en latin tiara ou triregnum), est la triple
couronne des papes. La triple couronne exprime et symbolise le triple pouvoir
du pape :
-pouvoir d'Ordre sacré (en
tant que Vicaire du Christ et successeur de Pierre, il nomme les évêques et est
par excellence le "grand prêtre" ici-bas),
-pouvoir de Juridiction (en
vertu du pouvoir des clefs, celui de lier et délier sur la terre et au ciel),
-pouvoir de Magistère (en
vertu de l'infaillibilité pontificale).
Ainsi le catholicisme ne construit pas l’Eglise du Christ
sur terre, mais pérennise celui du souverain de Rome. Comme le soleil se lève
de l’est pour aller vers l’ouest, l’influence de l’évêque de Rome rayonne à
travers les cathédrales du monde entier, ou selon le principe de l’allégeance
mère/fille des trônes dans les églises, l’autorité du souverain pontife s’étend
sur le monde en partant du cœur des villes. On comprend alors mieux pourquoi la
Grande Prostituée est assise sur les sept collines de Rome, car c’est le siège du
trône papal. Ap 17:9 C’est ici l’intelligence qui a de la
sagesse. -Les sept têtes sont sept montagnes, sur lesquelles la femme est
assise. Mais qui est complété par une autorité qui se diffuse sur le monde
entier. Ap 17:15 Et il me dit : Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la
prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations, et des
langues.
Cette autorité qui se veut universelle, explique
également la curieuse coutume de la bénédiction urbi et orbi, formule
latine qui signifie : "à la ville et au monde". Elle
s'applique aux actes du Pape qui sont destinés à tout l'univers chrétien ; se
dit aussi de la bénédiction que le Pape donne du haut du balcon de la basilique
Saint Pierre, pour signifier les deux dimensions de sa démarche en tant
qu'évêque de Rome et Pasteur Universel. Une bénédiction solennelle qui est prononcée
les jours de Pâques, de Noël et à de rares autres occasions exceptionnelles. Que
le "sol invictus" papal reprenne les fêtes solaires babyloniennes et
romaines pour ses bénédictions, donne toute sa mesure au geste du souverain
pontife. Le choix du lieu est aussi emblématique, car la bénédiction n’est
prononcée dans une église, mais face à l’obélisque égyptien d’Héliopolis, qui
rayonne sur la place circulaire de Saint-Pierre, comme le pape sur le monde.
La bénédiction urbi et orbi, renvoie également à l’inscription
du fronton de la basilique Saint-Jean de Latran, omnium urbis et orbis
ecclesiarum mater et caput, qui signifie "mère et tête de toutes
les églises de la ville et du monde". Elle est l’église mère et modèle sur
lequel toutes les églises catholiques du monde seront construites et rappelle
au monde que partout où un évêque a posé son trône, l’autorité du pape s’exerce.
Le monde et les villes sont donc le nouveau royaume terrestre du souverain
pontife de Rome.
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